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La patrie russe au-delà des soviets

Nous vous proposons un retour en arrière de bientôt trois mois, par une recension écrite et une courte vidéo (en anglais) concernant les festivités du 9 mai dernier à Moscou. Il s'agit du témoignage du catholique britannique John Laughland (que nous avons évoqué à plusieurs reprises sur le Salon Beige, ici, et par exemple) en participant à l’événement populaire "régiment des immortels".

"C'était avec une grande émotion que j’ai participé au défilé du « Régiment des immortels » sur la Place rouge à Moscou le 9 mai dernier.  Cette initiative populaire, qui a commencé voici quelques années dans les villes de province de Russie, consiste à porter dans les rues des photos de ses parents et grand-parents qui ont combattu dans la Seconde Guerre Mondiale - ou la «  Grande Guerre Patriotique »,  comme elle est connue en Russie depuis 1941, en référence à la «  Guerre Patriotique »  de 1812 quand, tout comme en 1941 - 1945, la mère patrie a été sauvée de justesse et au prix de sacrifices énormes.  Le matin, au tout début de la plus grande parade militaire sur la Place rouge depuis 1945, le ministre de la défense, qui la dirigeait, avait enlevé son képi pour se signer au moment où il passait en-dessous de l'icône du Saint Sauveur, qui se trouve dans de la Porte du même nom à l’entrée de la Place rouge: cette icône avait été recouverte de plâtre en 1937 mais restaurée en 2010.  Une telle expression de piété en public par une personnalité politique d’envergure est inimaginable en Europe occidentale.  Si son geste était inattendu, personne ne pouvait s’attendre non plus à ce que des centaines de milliers de Moscovites allaient se ruer sur la Place rouge pour témoigner de leurs aïeux et de leur sacrifice.  Un immense cortège (Vladimir Poutine en tête avec un portrait de son père) a mis presque quatre heures pour descendre la rue de Tver et traverser la fameuse place, comme j’ai pu le constater depuis le toit où la chaîne RT avait installé un studio temporaire pour rendre compte de la parade.  Cette foule gigantesque est la preuve que la mémoire de cette guerre reste vive dans les esprits des Russes.  Le défilé était à la fois fier, joyeux et intime car chaque famille russe a été frappée par le carnage dans lequel quelques 26 millions de citoyens soviétiques sont morts.  La raison de ma présence?  Mon père était devenu pilote officier de la Royal Air Force en 1940, où il a reçu l’une des plus hautes décorations de celle-ci, mais il a perdu son petit frère John en août 1944.  Marin dans la Royal Navy, celui qui deviendra, de manière posthume, mon oncle, a trouvé la mort dans la Mer du Nord à l’age de 19 ans, son navire torpillé par un U-Boot allemand pendant qu’il s’acheminait vers les ports de la Russie du Nord dans le cadre des Convois de l’Arctique qui approvisionnaient l’Union soviétique, alliée fidèle, malgré toutes les divergences idéologiques, dans la lutte commune contre l’Allemagne nazie.  Portant le même nom et prénom qu’un jeune homme qui a donné sa vie dans cette guerre atroce, je ne pouvais pas ne pas être présent avec les photos de mon cher papa et de mon pauvre oncle.  Voici mon intervention quelques moments après avoir participé à cette journée inoubliable.

 

Le sentiment russe d'avoir défendu en 41-45 non pas le système des soviets, mais la mère-patrie russe "éternelle", semble bien ne pas être (uniquement) un reconstruit ex-post de propagandiste. Vladimir Volkoff, fin connaisseur de la psychologie collective slave en général, russe en particulier, décrit bien, au début du roman "Le montage", l'état d'esprit qui régnait à ce sujet à l'issue de la deuxième guerre mondiale, notamment dans le monde russe émigré. S'y développait alors un espoir (certes rapidement déçu) de retour rapide de la Russie temporairement soviétique à ses racines, en raison de cet holocauste patriotique et en bonne partie orthodoxe."

Paula Corbulon

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