Le Conseil d'Etat devrait rendre vendredi une décision très attendue, qui pourrait déboucher sur l'annulation de la carte des régions et le report des élections régionales prévues en décembre.
Le scénario n'est sans doute pas le plus probable, mais il est possible. Le Conseil d'Etat pourrait décider, a priori vendredi, d'annuler la nouvelle carte des régions. Et, dans la foulée, de suspendre les élections régionales prévues les 6 et 13 décembre.
La raison? Une faille juridique qu'ont cru déceler les régionalistes alsaciens, mosellans et francs-comtois _ les plus remontés contre une carte qui marie l'Alsace, la Lorraine et Champagne-Ardenne. Leur argument est simple: selon eux, les collectivités locales n'ont pas été consultées à propos de cette modification des limites territoriales. Ce qui est contraire à la Charte européenne de l'autonomie locale, que la France a ratifié, et au Code général des collectivités territoriales. C'est en tout cas ce qu'a plaidé mercredi Frédéric Thiriez, connu du grand public pour ses fonctions à la Ligue Professionnelle de Football, mais dont on oublie qu'il est aussi avocat auprès du Conseil d'Etat.
Un possible camouflet pour Manuel Valls et François Hollande
En réponse, le gouvernement a rappelé qu'il avait bel et bien sollicité l'avis des présidents de région. Mais est-ce suffisant? Non seulement lesdits présidents se sont prononcés sur une carte... qui a été largement modifiée par la suite (à l'époque, l'Alsace était alors associée à la seule Lorraine, par exemple), mais ils n'ont pas eu le temps de réunir leur assemblée délibérante. De plus, les conseils départementaux, eux, n'ont absolument pas été sollicités. Peut-on dès lors considérer que les "collectivités locales concernées" ont bien été "consultées préalablement", comme le stipule la charte européenne? Cela paraît audacieux...
Le Conseil d'Etat sanctionnera-t-il pour autant le gouvernement? Rien n'est moins sûr. Car une telle décision aurait deux conséquences majeures. D'abord, la carte des régions, si difficile à élaborer, serait de fait mise à bas, ce qui constituerait un camouflet majeur pour Manuel Valls et François Hollande. Ensuite, cela aboutirait ipso facto à un report des élections prévues les 6 et 13 décembre. Du jamais vu, sans doute, dans l'histoire de la Ve République.
Une dernière considération pourrait dissuader le Conseil d'Etat de toute témérité. Par tradition, la haute juridiction constitue l'un des temples du jacobinisme français, comme le montrent notamment ses décisions concernant les langues régionales. On l'imagine mal donner raison sur un thème aussi sensible à des plaignants qui s'inscrivent dans une démarche identitaire, à l'instar du mouvement autonomiste alsacien Unser Land ("notre terre").
Pour toutes ces raisons, le Conseil d'Etat ne prendra pas seulement une décision juridique, mais politique, et il serait surprenant qu'il ose renverser la table. Mais sait-on jamais ?
Michel Feltin-Palas
source : L'Express :: lien