Les sondages ont placé le Front national au cœur de la campagne et l’annoncent en tête dimanche soir ce qui serait une secousse politique. Mais ce scrutin, dans un contexte particulier peut réserver des surprises
Laborieusement redécoupées sur des périmètres élargis plus ou moins admis selon que l’on soit charentais (satisfait) ou alsacien (dépité), dépouillées au Parlement des prérogatives qui leur auraient donné du poids face à l’État et une autorité réelle sur les autres collectivités, elles ont été privées d’une vraie campagne.
Campagne éclipsée
En sommeil pour cause de deuil, le vrai débat régional ne s’est pas réveillé sur la fin. Dans une nation traumatisée et sous état d’urgence, ferrailler sur des trains express régionaux qui arrivent à l’heure, des bourses pour les lycéens, des fonds de garantie pour la compétitivité des PME peut apparaître décalé sinon dérisoire.
Le tam-tam télévisuel et une batterie de sondages tambourinent depuis dix jours le même refrain : le front national peut gagner des régions. Comme s’il fallait préparer le second tour avec sondages et supputations sans attendre le résultat du premier.
L’enjeu : les écarts
La question est donc posée : le FN sera-t-il dimanche soir, comme aux Européennes de 2014 sacré premier parti de France ? Depuis 2012 et les six millions et demi de bulletins Marine Le Pen à la présidentielle, la vie politique s’est reconstruite en trois blocs.
- L’extrême droite survitaminée par les votes de déception s’est implantée dans les classes populaires et les territoires les plus fragiles au-delà de ses fiefs nordistes et méditerranéens où elle conforte sa position.
- La droite rabibochée avec le centre a retrouvé une implantation d’élus locaux avec ses succès aux municipales en 2014 et aux départementales en mars dernier.
- La gauche fissurée sur son aile écolo-communiste a été sanctionnée comme tout pouvoir en place à une élection locale depuis… 1977 !
À l’aise dans cette actualité plombante, le Front national a durci son discours sur ses fondamentaux, l’immigration, insécurité, le sentiment anti-européen. Il a monopolisé le débat avec l’appui des sondages. Il oblige la droite à venir sur ses thèmes et la gauche à le brandir en épouvantail. Pour limiter la casse, la majorité espère un effet post-attentats et mise sur la prime à quelques sortants bien implantés. L’alliance LR-UD I mise sur sa dynamique.
L’enjeu de dimanche soir, dans les douze régions de métropole réside dans l’ordre du tiercé et surtout dans les écarts entre les listes.
La clé : la participation
Tout dépendra d’abord de la participation. L’abstention fut majoritaire au premier tour des régionales en 2010 (53,2 %). Cette année-là, les électeurs de droite avaient boudé l’urne aux deux tours, d’où la razzia rose sur la carte des régions. Le camp qui mobilisera le mieux les siens se placera en position favorable pour le 13 décembre. Des finales à trois ? Le scrutin de liste à la proportionnelle avec un second tour facile d’accès (10 % des exprimés) favorise les triangulaires. Elles risquent de devenir la règle. Sauf décision politique de retrait ou de fusion entre listes.
La suite : deux fronts ?
Car si les sondages sont confirmés au moins dans le Nord, en Paca, voire dans le Grand Est et Bourgogne-Franche-Comté la question sera posée aux têtes de listes (seuls décisionnaires rappelons-le) de gauche et de droite. Avec deux complexités supplémentaires : Nicolas Sarkozy a annoncé ni retrait ni fusions et les socialistes seront tentées d’additionner leurs suffrages avec ceux des listes écologistes et/ou communistes pour démontrer que la gauche dispose de plus de réserves que le couple LR-UDI. Contrairement à la droite qui s’avance unie dans 11 régions sur 12, aucun accord n’a été trouvé par « la gauche plurielle ». La troisième place est donc le plus souvent promise à la majorité. Et la première ? Droite ou FN. Une victoire du parti lepéniste dimanche soir doublé d’une abstention supérieure traduirait une fracture grandissante entre une France désabusée, perdue en colère et une France qui garde foi en la politique et s reconnaît dans les partis de gouvernement. Mais dans une élection à 50 % d’abstention, promesses de vote et pronostics de sondeurs n’engagent que ceux qui les croient. Place à la vérité des urnes.
Pascal Jalabert
http://www.voxnr.com/cc/tribune_libre/EuuAkEAEpywBDCrEPV.shtml