Ainsi, selon un sondage de ce début d’année, 74 % des Français ne veulent ni de M. Sarkozy ni de l’actuel président M. Hollande : pourtant, il y a quelques (mal)chances que l’un des deux soit élu ou réélu en 2017… Bienvenue en république d’Absurdie ! Le pays légal a tendance à se reproduire sans discontinuer, dans une tendance (presque) dynastique qui rappelle néanmoins plus l’empire romain que la monarchie capétienne : peut-on s’en satisfaire ?
Ma réponse est non, évidemment non ! Certes, je ne suis pas de ceux qui pensent qu’un échec politique doit forcément entraîner une mise à la retraite d’office comme je ne suis pas partisan d’une sorte de jeunisme qui voudrait que tous ceux qui ont dépassé la soixantaine devraient se taire définitivement et laisser la place à de jeunes loups aux dents encore plus longues que leurs prédécesseurs. Mais il me semble que les hommes politiques qui aspirent à exercer la magistrature suprême de l’Etat doivent entendre les doléances des citoyens et savoir, au moins pour un temps, s’extraire de leur bulle médiatique pour revenir aux réalités du moment sans négliger les perspectives de l’avenir.
Bien sûr, MM. Sarkozy et Hollande n’écouteront qu’eux-mêmes, persuadés de leur irremplaçable particularité, et, peut-être sinon sans doute, l’un des deux se trouvera confirmé dans cette impression par le verdict du second tour de l’élection présidentielle. Cela changera-t-il pour autant ce désagréable sentiment populaire que le vainqueur n’est là que par défaut, que par le « chantage au pire », comme on a pu le voir, dès 2002 à cette même élection, ou ces semaines dernières lors des élections régionales où les électeurs socialistes se trouvèrent acculés à mener campagne pour des listes de droite qu’ils n’aimaient pas vraiment ?
Les Français sont attachés à l’élection du président de la République au suffrage universel direct, c’est indéniable, mais ils en constatent pourtant de plus en plus les effets pervers sans pouvoir, pour l’heure, imaginer autre chose que cette magistrature suprême élective. Le royaliste que je suis le constate et le regrette, mais ne se contente pas de cette constatation et de ce regret : la proposition monarchique me semble le meilleur moyen de neutraliser les petits jeux de clientèles et de féodalités partisanes en arrachant la magistrature suprême à l’élection, fût-elle populaire chez nos concitoyens. Certains y verront un sacrifice de leur possibilité de choix qui, pourtant, est de moins en moins une liberté et un choix réel, si ce n’est entre deux « moins pires » (sic !), et qui ouvre plus à la frustration et à désillusion qu’à la joie et l’espérance…
D’autre part, laisser au hasard et à l’hérédité non choisie le soin de désigner le Chef de l’Etat permet l’indépendance de celui-ci et cette possibilité d’arbitrage au-dessus des partis et au-delà des différences et des diversités politiques sans pour autant les nier ou les écraser. Une possibilité d’arbitrage mais aussi de décentralisation (voire de fédéralisation) sans mettre en danger, pour la France, l’unité entre ses multiples parties historiques (et je ne parle pas de la caricature de régions créée par la récente réforme territoriale), le monarque incarnant cette unité à la fois historique et contemporaine, et « centrant » l’Etat sans pour autant centraliser tous les pouvoirs politiques dans le sein parisien.
Et les électeurs là-dedans ? Dans une Monarchie active et arbitrale telle que je la souhaite, il n’est pas impossible de leur donner le pouvoir concret, par le suffrage universel direct, de désigner, au-delà des députés et des élus régionaux, les présidents d’assemblée et, pourquoi pas, le premier ministre lui-même sur un programme gouvernemental qu’il lui appartiendra de mettre en œuvre ou, plutôt, sur une ligne d’objectifs qu’il lui reviendra de suivre ou de faire valider par le recours (alors plus fréquent) au référendum. Le roi, quant à lui Chef de l’Etat, fixerait le cap politique à long terme (en particulier dans les domaines sociaux et environnementaux) et aurait charge de représenter l’Etat à l’intérieur comme à l’extérieur, de mener la diplomatie française dans le monde et de négocier (et garantir) la parole de la France au sein des institutions internationales : en somme, à lui l’autorité et l’arbitrage ; aux ministres, députés et élus locaux, la gestion des affaires économiques dans leur cadre d’exercice et de pouvoir ; aux citoyens, les libertés d’expression et de désignation de leurs pouvoirs politiques de proximité et centraux, ainsi que la « démocratie directe » au sein de leurs cadres politiques et sociaux locaux et nationaux, voire européens… C’était, à peu de choses près, l’esprit du programme monarchique du marquis de La Tour du Pin, dès la fin du XIXème siècle : « l’autorité au sommet, les libertés à la base », pourrait-on dire.Un programme toujours d’actualité et de nécessité, ne serait-ce que pour rendre à nos concitoyens le goût de la politique et de l’action, contre le fatalisme et l’indifférence…