Analyse de Roland Hureaux pour Atlantico :
"Il y a aussi, par-delà la question propre du mariage des homosexuels, l'image que va donner Nicolas Sarkozy en prenant cette position : celle d'un homme qui ne tient pas parole, ou pire encore celle d'un homme qui se "dégonfle" devant le "politiquement correct", qui rentre dans le rang en quelque sorte (...)
Les homme politiques de droite ont tendance à penser que c'est quantité négligeable. Ou alors ils disent que se mettre à dos les gens de cette sensibilité n'a pas d' importance puisque de toutes façons ils leur reviendront, n'ayant pas le choix au second tour. Ils auraient pourtant dû être attentifs à certains épisodes électoraux qui montrent que La Manif pour tous pèse plus qu'ils ne le pensent. Les échecs à la mairie de Strasbourg de la sénatrice UMP Fabienne Keller qui avait voté, on se demande pourquoi, la loi Taubira ou, à la mairie de Paris, celui de Nathalie Kosciusko-Morizet, dont la simple abstention avait choqué beaucoup d'électeurs de la droite parisienne, ne sont certainement pas étrangers à leurs prises de position. Le sénateur Jean-Pierre Michel (PS), un des plus ardents promoteurs du mariage homosexuel - et fondateur du Syndicat de la magistrature, ce qui n'arrange rien - a perdu son siège en 2014 quand les maires ruraux de la Haute-Saône ont appris ce que leur élu faisait de son mandat.
Aux dernières régionales, La Manif pour tous a encore frappé. La liste UMP qui a fait le plus faible score, la seule en-dessous de 20% au premier tour, est celle qu'a conduite en Midi-Pyrénées Dominique Reynié, président de la Fondation pour l'innovation politique, professeur à Sciences Po Paris et ardent promoteur du mariage homosexuel et même de la gestation pour autrui (...)
Dans ces affaires, il ne faut pas voir seulement l'effet du nombre. Les gens qui ont milité dans La Manif pour tous, même si certains les jugent ringards, ont généralement une intense vie sociale : dans les paroisses, les associations de parents d'élèves, voire les partis politiques ou tout simplement dans les dîners en ville. Bref, ils causent (...) Il est important de prendre en compte ces facteurs invisibles qui font qu'une campagne électorale prend ou ne prend pas. Et je pense qu'en l'espèce, La Manif pour tous a joué et peut encore jouer un rôle très important pour soutenir ou au contraire plomber un candidat (...)
Pourquoi le mariage homosexuel, que l'on peut juger être un enjeu mineur, est-il un sujet qui fait la différence ? Parce qu'il suppose une transgression : vouloir réviser la loi Taubira, c'est être politiquement incorrect vis-à- vis de la force idéologique dominante. Une idéologie portée par les médias qui en ont fait un enjeu sacré au sens religieux du terme, ce qui n'est pas le cas par exemple d'un taux de TVA. Or, c'est très difficile d'être transgressif. Où voulez-vous que la droite le soit ? (...) Mais il ne faut pas oublier que dans l'autre camp, pas seulement les catholiques, mais aussi les musulmans, les classes populaires sans attache religieuse et éloignées du milieu bobo (les anciens communistes par exemple), il y a une évidence inverse : marier les homosexuels est complètent absurde ! (...)
Pourquoi est-ce une erreur, selon vous, de ne pas vouloir revenir sur la loi Taubira ?
Pour plusieurs raisons. La première est celle d'une certaine logique historique. La loi Taubira fut la réforme emblématique de la présidence Hollande. La Manif pour tous fut le plus grand mouvement social qui s'y opposa et s'opposa donc au gouvernement Hollande. Ce fut aussi dans l'histoire de France et avant "Charlie" (dont personne n'a vraiment compté les effectifs), les manifestations les plus nombreuses de toute notre histoire.
Alors faire comme si ce mouvement n'avait jamais existé, s'asseoir sur la sensibilité qu'il représente, c'est, avouons-le, quand on est de droite, ne pas faire preuve d'une grande intelligence historique. En politique, il ne faut certes pas être superstitieux : on ne dira donc pas que cet aveuglement portera malheur. Mais le manque d'intelligence, lui, porte rarement chance (...)
Dernier point : le débat n'est pas seulement électoraliste, il est aussi philosophique. Ceux qui pensent qu'il ne faut pas revenir sur la loi Taubira se réfèrent implicitement à la théorie du sens de l'histoire. Essayer de revenir sur le mariage homosexuel, ce serait aller contre le sens de l'histoire, ce serait être réactionnaire, rétrograde. C'est ce que dit la gauche. Mais quel mauvais rôle joue dans ce cas la droite, réduite qu'elle est à n'être que le mauvais coucheur qui dit non, non, non, et qui finalement dit oui...
Quelle crédibilité lui reste-il ? A ce jeu, la droite ne peut être que perdante : l'idée d'un sens de l'histoire est inséparable de l'idéologie. Or aujourd'hui, la gauche est presque entièrement idéologique (...) Se rallier à ce qu'on dit être le sens de l'histoire, c'est, de fait, se rallier à la gauche. Si la droite fait cela, elle ne perd pas seulement sa crédibilité, elle perd, de fait, son utilité.
Analyse à lire en intégralité ici.
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