Avec la démission sèche de Taubira, sa ministre emblématique, François Hollande est rentré en campagne, séchant d’emblée tous ses rivaux.
Selon un sondage L'opinion en Direct/Elab pour BFM TV publié le 26 janvier, quelque huit Français sur dix approuvent la décision de Christiane Taubira ; plus que jamais on peut constater au sujet de sa démission surprise l'écart qu'il y a entre les pleureuses médiatiques et les vrais gens. On a voulu - elle a tout fait pour - donner d'elle une image gaullienne. On l'a montrée employant le "nous" de majesté et partant se mettre en réserve de la République en attendant des jours meilleurs. En réalité, son départ est perçu comme définitif et il fait l'unanimité auprès des Français de droite et de gauche. Aujourd'hui elle n'est plus ministre de la Justice. Au total, 81 % des personnes sondées s'en félicitent, dont 53 % qui tiennent à insister sur leur plein accord avec une telle mise sur la touche. Seuls 19 % la désapprouvent, en regrettant qu'elle quitte le gouvernement.
Les sympathisants de droite et du centre, ainsi que ceux du FN approuvent quasi unanimement ce départ de l'ex-garde des Sceaux (91 % et 90 % respectivement). Les sympathisants de gauche sont plus mesurés et ne sont que 68 % à être d'accord avec ce départ. Plus étonnant pour la légende vivante qu'elle croit être : 68 % des Français portent un jugement négatif sur son bilan en tant que garde des Sceaux, contre 32 % qui garderont d'elle à ce poste une image positive. Parmi les sympathisants de la gauche, certes 57 % jugent positivement son bilan, mais 46 % des sympathisants socialistes affirment, eux, que ce bilan est mauvais, ce qui est aussi le cas de 82 % des sympathisants de la droite et du centre, et de 86 % des sympathisants du FN.
Ce sondage permet de démythifier l'idole. On peut se demander si elle n'a pas été victime non pas de son succès qui n'existe pas mais de la loi qui porte son nom (sur le mariage pour tous) et qui serait un peu l'arbre cachant la forêt, ou plutôt l'arbre cachant le désert. Pour ce qui est de la politique pénale, par exemple, rarement on aura vu un ministre aussi en décalage avec les événements auxquels elle est censée répondre et s'adapter. Alors que, selon toutes les enquêtes, les vocations de petits malfaiteurs, entre vols à la tire et cambriolages, se multiplient, elle se bat pour remplacer les courtes peines par ce qu 'elle a appelé « la contrainte pénale ». Las ! Sa loi sur l'adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne fait l'objet d'une censure ample du Conseil constitutionnel : 27 des 39 articles sont retoqués par les sages. La ministre de la Justice censurée au nom du droit fondamental : quel camouflet ! Le séjour de Madame Taubira Place Vendôme, est un long flop traversé de coup de gueules inefficaces.
Exit Taubira
Exit Taubira et avec elle exit la Gauche sociétale. Exit la Gauche traditionnelle. Exit Terra nova et l'alliance devenue traditionnelle depuis les Années 80, des Bobos avec la Diversité. Dans l'inconscient collectif, le 13 novembre a porté un coup électoral à cette alliance jusqu'ici donnée comme gagneuse. La Loi Taubira avait montré dès 2013 que cette sainte alliance du Bourgeois
libertaire avec le Sans papiers moins cher était une alliance pour des voix ; autant dire : pour rire. 2015 aura vu le divorce acte entre les Charlies et leurs migrants. Claude Bartolone s'en mord encore les doigts : il n'avait pas compris que le schéma était périmé quand il a traité Valérie Pecresse de « candidate de la race blanche », et personne ne le lui avait expliqué avant qu'il ne refuse publiquement de s'excuser. Aujourd'hui, après son échec aux Régionales, c'est un mort politique en sursis, qui a regagné son Perchoir à l'Assemblée nationale par habitude. Nous sommes en 2016 : Place à une nouvelle gauche que l'on pourrait appeler la Gauche Macron. François Hollande a choisi : ce sera Macron, avec ses dérapages à répétitions et sa manière de s'en prendre aux 35 H, plutôt que l'icône Taubira. La loi du mariage homo ne lui aura pas porté chance, en isolant la ministre dans une espèce de gauchisme, étranger au fond à la gauche de Gouvernement que veut incarner François Hollande et dont tout le monde comprend aujourd'hui qu'elle devra être une droite honteuse, si l'équipe Hollande veut accéder au second tour de la Présidentielle.
La campagne de la Présidentielle a lieu à droite. Ceux qui veulent y accéder doivent d'emblée le comprendre et accepter le ticket d'entrée : il s'agit de déclarer que l'on vote pour la déchéance de nationalité, cela aurait signifié rentrer dans le jeu du Président Hollande. Taubira refuse. Elle a eu le culot d'essayer de mettre le Gouvernement devant le fait accompli de ce refus unilatéral par son propre magistère de gauche en déclarant au micro d'une Radio d'Alger qu'elle croyait savoir que ce vote n'aurait pas lieu. Le Président, coutumier du fait et qui ne s'en porte apparemment pas plus mal, a dû encore avaler cette couleuvre. Mais il a contre-attaque (il ne pouvait pas laisser cette indiscipline impunie) en proposant à Christiane Taubira le ministère de la Culture. Le bruit s'en est répandu comme une traînée de poudre... On sait que Fleur Pellerin, l'actuelle pour la Culture, enchaîne les gaffes et se consacre tout entière, comme si sa vie en dépendait à restreindre les critères qui obligent à considérer un film comme classé X. On imagine un moment Christiane à la culture, revenant à ses premières amours indépendantistes et défendant la culture noire et la mémoire de l'esclavage... Mais Christiane n'a pas voulu de ce lot de consolation, et elle est partie, bien droite sur son vélo, au milieu des caméras. Bien droite pour ne jamais être à droite.
François Hollande en migrant politique
En réalité ce départ est encore une manière de prendre la pause. On s'aperçoit que la déchéance de nationalité est complètement revue, au fur et à mesure qu'elle passe sous le scalpel des experts juristes, Maître Jean-Pierre Mignard et d'autres. Qu'en reste-t-il ? Il y a d'abord ce jeu sur la double-nationalité : seuls les terroristes ayant la double nationalité seraient déchus de l'une d'entre elles (la française). En effet tous les accords internationaux que nous avons signés tendent à refuser le fait que l'on soit sans patrie. Qu'on le dise ou qu'on ne le dise pas, on pourra donc déchoir de leur nationalité française uniquement ceux qui, ayant ce double passeport, en garderaient un.
Par ailleurs, à l'heure où nous écrivons, on murmure que cette déchéance de l'identité nationale serait possible non seulement pour un crime (le djihad en comporte forcément aujourd'hui) mais aussi pour de simples délits. Lesquels ? Il me semble que la Gauche pourrait trouver là une arme idéologique redoutable. Un homme qui pense de façon délictueuse (en contrevenant par exemple à la loi Gayssot) pourrait être déchu de la nationalité française. Avec à l'arrivée double bénéfice : on aura éliminé un gêneur, mais surtout on aura montré par des actes que l'identité française, depuis la Révolution du même nom, est tout entière idéologique, qu'elle ne se tient qu'à une conformité idéologique partagée et qu'en ce sens on peut et on doit la partager, sans souci d'identité, avec tous les bien-pensants du monde. Je souhaite me tromper mais je crains que ce jeu autour de la déchéance de nationalité (qui concernera quelques personnes) ne nous réserve des surprises et ne se révèle comme une loi à double fond.
Sarkozy a (déjà) retourné sa veste
Pendant que François Hollande joue ainsi les bons élèves du Florentin François Mitterrand, Sarkozy rame. Cette déchéance de nationalité pour les terroristes, c'était une de ses promesses de la Campagne de 2007. Promesse, promesse ! On voit tout ce que François Hollande pourra faire contre lui en inscrivant une telle loi dans la Constitution. Qui défend le peuple ?
Comme si une telle preuve d'incapacité n'était pas suffisante, Sarko, le pitbull désormais sans maître puisque Patrick Buisson est au rencard, a eu la maladresse de déjuger sa propre parole dans son dernier livre La France pour la vie. Malgré la bonne volonté des militants de Sens commun et leur engagement sans faille à ses côtés, il a avoué dans son livre que les gens pouvaient s'aimer de toutes les manières, que ce n'était pas son affaire, bref qu'on ne vienne pas l'ennuyer avec la loi sur le mariage pour tous. Elle était votée et bien votée. On peut penser que Sarkozy, qui n'a toujours pas compris que l'élection se jouait à droite est définitivement déconsidéré par cette ultime palinodie, avec ce raisonnement simple qui est dans toutes les têtes : si un candidat agit ainsi que fera le candidat devenu président, et qui n'aura plus rien à perdre ?
Alain Hasso monde&vie 3 février 2016