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1917 : Au carrefour de l'histoire

Le destin de l'Europe a-t-il été scellé cette année-là ? Dans son dernier livre, François-Georges Dreyfus revient sur les « occasions perdues » en 1917, date à laquelle remonterait le déclin du Vieux-Continent.

Le professeur François-Georges Dreyfus vient de faire paraître son dernier livre, où l'on retrouve la rigueur intellectuelle, l'érudition et la clarté qui sont sa marque. Cet ouvrage, selon ses propres paroles, n'est pas une histoire militaire, ni une histoire événementielle. Ayant pour objet l'étude d'une année charnière – 1917 –, il propose une fresque de l'Europe de la Grande Guerre : analyse pénétrante des États, de la politique et de l'évolution des puissances (y compris les États-Unis arrivant sur la scène internationale), des problèmes socio-économiques, de la révolution culturelle en marche, des prodromes du national-socialisme et du bolchevisme.

Légèreté des élites

En cette année, le destin a balancé pour l'Europe, plongée dans une guerre effroyable, engagée avec légèreté par des dirigeants qui n'avaient pas conscience de ce qu'ils déchaînaient. C'est ainsi que Guillaume II se récriait en faisant graver « Ich habe nicht das gewollten » sur le fronton de la grande cheminée du château du Haut Koenigsbourg en Alsace, l'une de ses résidences favorites.

François-Georges Dreyfus montre avec précision ce qu'était la situation à la fin de 1916, sur tous les fronts et dans chaque pays intéressé. La France avait déjà perdu 900 000 hommes, en l'absence d'une véritable direction de la guerre, tant civile que militaire, et par la faute de la doctrine de "l'offensive à outrance". Le général Pétain, lui, martela que « le feu tue » ; son bon sens lui permit, dans la continuité de la victoire de Verdun, de reprendre l'armée en main après les mutineries de 1917 et de la mener à la victoire – même si un armistice prématuré l'empêcha de procéder à l'offensive qu'il avait préparée pour chasser l'ennemi hors de France. La suite des évènements lui donna raison.

Négociations de paix

L'auteur rappelle l'observation formulée par Daniel Ansom dans son Poincaré : « La République souffrait d'un malaise tenant à ce qu'on avait voulu la gouverner en temps de guerre avec des lois faites pour une démocratie en temps de paix. » Il n'y fut porté remède qu'avec les pleins pouvoirs conférés à Clemenceau, mais François-Georges Dreyfus remarque que Poincaré, président de la République, aurait pu être ce chef simplement en appliquant les lois constitutionnelles de 1875 adoptées après la présidence de Mac Mahon et l'institution prétorienne d'un "président du Conseil". Les tentatives de négociation de paix, à l'initiative du nouvel empereur d'Autriche Charles Ier puis du pape Benoît XV, sont au centre de l'ouvrage. Ce furent des occasions perdues qui, comme le rappelle l'auteur, eussent permis non seulement d'éviter la mort d'un million d'êtres humains, mais aussi de garder une Europe maîtresse d'elle-même, avec un empire austro-hongrois rénové assurant son équilibre géopolitique. Les responsabilités sont partagées. Citons, outre l'animadversion des dirigeants

français francs-maçons, notamment Ribot, envers l'empire catholique des Habsbourg, la détestation du président Wilson pour l'Église catholique et son désir de faire régner, selon la volonté de Dieu, la démocratie américaine sur le monde – désir manifesté notamment par le refus de discuter avec l'Allemagne tant que celle-ci n'aurait pas un gouvernement démocratique. Aujourd'hui encore se poursuit dans le monde une offensive anti-catholique...

Le troisième opus d'une trilogie

Ainsi François-Georges Dreyfus invite-t-il à de nombreuses réflexions historiques et géopolitiques. Complétant Les Conséquences politiques de la paix de Jacques Bainville, et son livre 1919-1939 – L'Engrenage, il retrace le déclin de cette civilisation européenne qui avait "fait" le monde grâce au génie créatif de ses peuples, intervenu en dépit d'une brillante période de rémission de 1920 à 1940. Ce fut « le fruit amer de 1917 ».

Privés de leur rôle international, les États du Vieux-Continent subissent des influences anti-nationales et anti-chrétiennes symbolisées par une Union européenne mondialiste et par une sorte de totalitarisme réducteur de la pensée. Dérisoire rempart contre la dynamique des puissances asiatiques émergentes, alors que les États-Unis maintiennent leur puissance hégémonique. Mais rien n'est écrit, et des forces nouvelles, ainsi que le renouveau d'une Russie chrétienne, pourraient modifier le "concert européen". L'avenir dira si 1917 aura, un jour, une revanche.

André Pertuzio L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 29 juillet au 1er septembre 2010

3 François-Georges Dreyfus : 1917 – L'Année des occasions perdues ; éditions De Fallois, 415 p., 24 euros.

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