Le refus des migrants déstabilise et réveille une Allemagne silencieuse.
La générosité idéologique de madame Merkel a été sanctionnée. Sa volonté d’être la chancelière du mondialisme au sein d’une Allemagne qui n’aurait plus le droit de rester elle-même est rejetée par une partie importante de la population.
J.B.
En complément de la Lettre d’Allemagne que Polémia publie maintenant depuis neuf semaines, nous présentons aujourd’hui, au lendemain des élections allemandes, un texte de Jean Bonnevey, prélevé sur le site Metamag.fr.
Cet article est intéressant à plus d’un titre et prometteur, en ce sens que nos voisins d’outre-Rhin, grâce, si l’on peut dire, au phénomène migratoire, manifestent une volonté de se dégager de la gangue politique qui les immobilise, comme les Français d’ailleurs, et surtout de s’extraire de la culpabilisation qu’on leur rabâche depuis soixante-dix ans et qui les fige depuis 1945. Emettons le souhait que nos concitoyens aient un jour ce même réflexe !
Polémia
Les Allemands décident d’assumer leur rejet d’une soumission totale à l’idéologie dominante qui leur serait imposée par le passé nazi. On est en train de changer de cycle. Les résultats sont clairs.
Impulsée par Angéla Merkel l’été dernier, la trop généreuse et donc dangereuse politique d’accueil des demandeurs d’asile –1,1 million en 2015– a été au cœur des débats et les scores exceptionnels de l’AfD ( Alternative pour l’Allemagne) dans les trois régions (entre 12 et 24%) montrent l’étendue de la fronde.
Le secrétaire général de la CDU, Peter Tauber, a reconnu « des temps difficiles » mais a dit « ne pas attendre » de volte-face de la chancelière. «Qui à la CDU voudrait et pourrait l’y contraindre ?», s’interroge leFrankfurter Allgemeine Zeitung. Mais pour le patron de la CSU Horst Seehofer, l’allié bavarois de la CDU qui s’oppose à la politique migratoire de Mme Merkel, « la réponse » à un tel résultat « ne peut pas être: on continue comme avant ».
Le résultat est d’autant moins réjouissant pour le gouvernement en place que le SPD, l’allié de la grosse coalition, perd aussi des plumes. S’il gagne en Rhénanie-Palatinat, il est à moins de 15% dans les deux autres régions et se fait doubler par les populistes de l’AfD. Pour le Tagesspiegel, le principe même des grands partis « est sur la sellette », le SPD subissant « une catastrophe structurelle » et la CDU traversant une crise « aiguë ». L’Allemagne n’est donc plus sanctuarisée face à la montée des partis européens identitaires et, pour les populistes, c’est une formidable nouvelle.
En faisant une entrée tonitruante dans les parlements des trois Länder (Saxe-Anhalt à l’Est, Bade-Wurtemberg et Rhénanie-Palatinat à l’Ouest) où se déroulaient dimanche les élections régionales, l’AfD – Alternative für Deutschland –, nouveau parti classé à l’extrême droite, fait une percée dans le paysage politique allemand.
Avec autour de 12 % des voix dans les deux Länder de l’Ouest et 23 % en Saxe-Anhalt, les succès des nouveaux populistes allemands sont incontestables. Jamais une formation politique nouvellement portée sur les fonts baptismaux ne s’était imposée aussi rapidement en Allemagne. C’est sur la question des réfugiés et sur celle de la sécurité que s’est jouée l’adhésion aux thèses de l’AfD. La présence de l’AfD va compliquer le jeu des alliances en vue de la formation de gouvernements de coalition. Dans le Bade-Wurtemberg, le décompte des voix ne suffit plus pour une alliance Verts-SPD. Winfried Kretschmann va devoir chercher du côté de la CDU ou du petit parti libéral FDP l’apport des voix nécessaires pour constituer une majorité. En Rhénanie-Palatinat, Malu Dreyer va pouvoir reconstituer un gouvernement en élargissant l’alliance actuelle. Si les deux ministres présidents ont exclu d’emblée toute alliance avec l’AfD, les députés du parti populiste fort de cette nette victoire vont avoir leur mot à dire sur toutes les grandes lignes politiques débattues au sein de l’hémicycle.
En Saxe-Anhalt, la victoire de l’AfD est plus criante encore. Le nouveau parti devient la seconde force politique après la CDU. Avec André Poggenburg, 41 ans, c’est un activiste de l’aile radicale de l’AfD qui, radieux, promet une opposition musclée au sein du parlement régional.
Le plus important est peut-être que cette poussée est accompagnée d’un fort retour aux urnes. Merkel a réveillé l’Allemagne qui ne croyait plus en la politique. Une Allemagne silencieuse reprend la parole. La participation a été, partout, supérieure d’environ 10 points à ce qu’elle était précédemment. Les abstentionnistes d’hier sont donc les électeurs de l’AfD d’aujourd’hui. Mais il n’y a pas qu’eux. Les sondages sortis des urnes montrent que l’AfD, en multipliant les discours antimigrants, a séduit tous les électorats, sauf les Verts. Pourtant, lorsqu’en juillet 2015, Frauke Petry a pris les rênes du parti, poussant vers la sortie le fondateur, Bernd Lücke, qui avait le tort, à ses yeux, de n’être qu’eurosceptique et pas assez à droite, bien peu imaginaient que l’AfD survivrait à ce putsch mené par une coalition hétéroclite de retraités, d’entrepreneurs en difficulté et d’anciens militants d’extrême-droite.
Ce dimanche soir, on assiste à la tombée d’un tabou. L’extrême droite, qui était jusqu’ici minoritaire, voire même marginale NPD–Républikaners etc.., est désormais représentée et en force dans trois Parlements régionaux.
C’est une première.
Jean Bonnevey, 14/03/2016
Source : Metamag.fr
Voir : La Lettre d’Allemagne – N°9