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À partir de 2018, l’impôt à la source sera instauré. Qui est la source ? C’est vous, c’est moi, c’est le contribuable. Le mot « source » fait entendre le doux murmure d’un ruisseau plutôt que le sifflement du couperet qui ampute votre salaire, surtout quand l’annonce en est faite par Michel Sapin. « Sapin », « source », l’impôt devient bucolique, si ce n’est poétique. Évidemment, si on parlait d’une AFMDS, Amputation fiscale mensuelle du salaire, cela rendrait un son moins champêtre.
Pourquoi cette réforme ? Par souci de simplification et de modernisation, nous assure-t-on. On ne voit pas en quoi le système sera plus simple, au contraire ! Le seul avantage pour le contribuable eut été qu’il fût dispensé du pensum de sa déclaration annuelle, or, elle sera maintenue pour actualiser ses données.
Le fisc transmettra à l’entreprise le taux de prélèvement, laquelle l’appliquera puis reversera à l’administration la somme ponctionnée sur le salaire. Au circuit court actuel on en substituera un plus long. Avec une étape de plus, aux risques d’erreurs du fisc, s’ajouteront celles de l’entreprise.
L’intérêt est surtout pour le trésor public qui n’aura plus à faire la chasse aux mauvais payeurs puisque c’est l’employeur, devenu collecteur d’impôts, qui confisquera sur le salaire de son employé la part revenant au percepteur.
Notons au passage que, dans son timide « choc de simplification » le gouvernement entend supprimer quelques-unes des innombrables lignes de la fiche de paie et là, il en ajoute une. Ce n’est pas seulement parce que le nouveau système représentera une charge supplémentaire que les chefs d’entreprise sont réticents.
C’est aussi parce qu’ils redoutent que leurs salariés fassent leur siège pour obtenir une augmentation. Ce qu’ils regardent, c’est la dernière ligne de leur bulletin de salaire, ce qui leur restera sera évidemment moindre qu’avant et pour compenser, ils seront tentés de demander une « rallonge ». 66 % des foyers sont déjà mensualisés, il eut été plus simple d’essayer d’en accroître le nombre plutôt que d’opter pour cette usine à gaz.
Quant à la modernisation, il s’agit simplement de s’aligner sur ce que font la plupart des pays européens. On remarquera que lorsqu’on donne l’exemple de l’action réformatrice de nos voisins dans le domaine social par exemple, on invoque « l’exception française » pour ne pas les imiter, là, en revanche, nous devons faire comme eux !
Le prélèvement à la source est le serpent de mer de notre fiscalité. L’ancien ministre des Finances, Thierry Breton, avait promis son instauration pour le 1er janvier 2009 ! On ne se demande pas pourquoi les gouvernements successifs finissent par y renoncer. C’est à cause de la complexité de notre système fiscal. En Grande-Bretagne, que l’on nous donne en exemple, l’imposition est individuelle, la notion de foyer fiscal, donc de quotient familial, n’existe pas. En outre, la France a une kyrielle de « niches » fiscales, c’est le plus grand chenil d’Europe, entraînant moult déductions.
Cette fois non plus, ce n’est pas gagné ! En 2018, la droite sera probablement de retour aux affaires, on peut penser que dans le domaine fiscal elle aura d’autres urgences que de puiser notre impôt à sa source.
Guy Rouvrais