Un article de Minute daté du 27 avril 2016, relayé par plusieurs medias, affirme que le Front National a tort de se réjouir de la victoire du FPÖ, ou Parti de la Liberté d’Autriche, lors du 1er tour des élections présidentielles du 24 avril 2016.
En effet, ce journal affirme que le FPÖ « défend une ligne ‘national-libérale’ », à l’opposé du FN, qui ferait bien de s’en inspirer.
Ainsi serait validée, en outre, la thèse selon laquelle les nationaux devraient s’allier aux libéraux pour l’emporter, tel le FN en France en vue d’une victoire en 2017.
Rien n’est plus faux.
Sur le prétendu libéralisme du FPÖ
Si le FPÖ a pu être libéral dans le passé, aujourd’hui il ne l’est plus … depuis 1993 !
En effet, en 1993 et sous l’impulsion de feu Jorg Haider, le FPÖ a résilié son adhésion à l'Internationale libérale. La même année et fort logiquement, l'aile européenne et libérale du FPÖ quittait le parti pour fonder le Forum libéral.
Le FPÖ est aujourd’hui et depuis plus de 20 ans un parti nationaliste populiste à forte dimension sociale. Sur son site, en première page, figure d’ailleurs ce slogan : « FPÖ, die social heimatpartei » soit « FPO, le parti de la maison sociale ». Dans le programme de 2015, on découvre par exemple la lutte contre le « lohndumping » ou « dumping salarial » et la nécessité de concilier l’économie de marché et la responsabilité sociale.
Si l’on considère également son discours de protection face aux poussées migratoires et d’autonomie face à Bruxelles, on ne peut que constater la parenté du FPÖ avec le FN. Tout au plus peut-on constater que le FPO insiste plus que le FN sur les valeurs de civilisation notamment la famille, ce qui est tout à son honneur.
Sur les alliances du FPÖ
Revenons maintenant sur la période libérale du FPÖ : l’aile libérale du parti a pris en main le FPÖ en 1980 à l’initiative de Norbert Steger, qui fit entrer son parti au gouvernement dans une alliance avec … les socialistes du SPÖ ! Ainsi, non seulement le FPÖ n’est plus libéral, mais quand il était libéral, il s’associait aux socialistes (1983-86) … de quoi nous rappeler que les libéraux et les socialistes, nommées ‘droite’ et ‘gauche’, ne sont jamais très loin.
Déplaçons nous quelques années plus tard, en 1999, quand le FPÖ -alors national-populiste- créait la sensation en devenant 2è parti autrichien à l’occasion des législatives. Au grand dam des socialistes du SPÖ arrivés en tête, le FPÖ formait alors une alliance gouvernementale avec le Parti populaire (ÖVP), parti conservateur chrétien, jusqu’au milieu des années 2000.
Quand le FPÖ était national-libéral, il s’associait aux socialistes.
Quand le FPÖ était national-populiste, il s’associait aux conservateurs chrétiens.
Sur les mouvements nationaux au pouvoir en Europe
Actuellement deux pays européens connaissent une direction politique « nationale » : la Hongrie et la Pologne.
Sont-ils nationaux-libéraux ? Au contraire, ils sont nationaux, conservateurs, populistes et sociaux, accordant en particulier un rôle important à l’Etat dans la lutte contre les dérèglements financiers et le désordre économique.
En Hongrie, le parti Fidesz-Union civique hongroise au pouvoir depuis 2010 est un parti conservateur, protectionniste, nationaliste, chrétien. Il a abandonné son libéralisme depuis 1995. Le Fidesz-Union civique hongroise de Viktor Orban gouverne par une alliance avec le Parti populaire démocrate-chrétien (KDNP) qui n’a rien d’un parti national-libéral ni libéral mais est un parti conservateur, social et catholique. Cette alliance est de pure forme car le Fidesz-Union civique hongroise est largement minoritaire sans le KDNP.
En Pologne, le parti Droit et Justice (PiS) est au pouvoir depuis 2015, après avoir battu les libéraux de la Plateforme civique. C’est un parti conservateur, catholique, social, nationaliste.
Il gouverne sans alliance.
En conclusion
Il serait bon que les medias « nationaux », au moment de publier des analyses politiques largement diffusées et participant au débat d’idée pour la présidentielle de 2017, sortent des raisonnements a priori pour préférer les raisonnements à partir des faits. On ne peut espérer bâtir des espoirs pour 2017 quand on bâtit sur des postulats faux.
L’alliance nationale-libérale est un des mythes qui participent à freiner l’ascension du mouvement de redressement national français, pour deux raisons :
- D’une part le libéralisme, par sa croyance dans les bienfaits du marché économique libéré de toute contrainte de la morale ou du bien commun, est en opposition à la fois avec les libertés, la justice, la morale et l’intérêt national
- D’autre part et comme l’ont bien compris Philippe de Villiers ou Marine Le Pen, la ligne de fracture actuelle n’est pas entre la ‘droite’ et la ‘gauche’, entre les ‘libéraux’ et les ‘socialistes’, mais entre les partisans de l’ordre national et les partisans de l’ordre supranational libéral-socialiste.
L’alliance qui doit pouvoir amener une force nationale au pouvoir en France, à l’exemple de la Pologne ou de la Hongrie, c’est l’alliance d’un discours national (identité, souveraineté), conservateur, social et moral.
Cette alliance ne signifie pas forcément la présence de plusieurs structures politiques, ainsi que le montrent les exemples polonais et hongrois : non seulement les partis Droit et Justice et Fidesz-Union civique hongroise trouvent en eux-mêmes l’ensemble des principes politiques nécessaires au redressement, mais en plus ils disposent de la majorité absolue.
En France, le net recul du FN sur la question des valeurs morales (vie, famille, école) rend pour l’instant indispensable l’émergence d’une force conservatrice capable de porter ces valeurs dans le but d’une future alliance de gouvernement avec le FN.
A ceux qui sont très justement attachés aux libertés, qu’ils ne confondent pas les libertés scolaire, syndicale, d’entreprise par exemple, avec la Liberté qui prétend fonder l’ordre républicain sur la négation de la justice, sur le règne de la finance, et enfin sur le désordre social, économique et moral.
A ceux qui sont très justement attachés aux libertés, il convient de rappeler qu’elles ne pourront jamais s’exercer dans un système où le marché et le laissez-faire font la loi … à moins d’être la liberté de l’injustice, du cynisme et du trafic de main d’œuvre … la liberté du renard dans le poulailler … ; la Liberté est l’ennemie des libertés ; ces libertés ne pourront pleinement s’exercer que dans un système national et international fondé sur les patries libres et fortes.
Les patries sont ce lieu naturel et historique où l’on conserve et transmet un héritage, où l’on sauvegarde la dignité humaine, où l’on protège et élève le peuple dans toutes ses dimensions morale, économique et sociale, où l’on développe les libertés dans un ordre juste.
Les patries doivent être dirigées par un Etat indépendant et libre, qui fixe les lois permettant la défense du bien commun national, à l’intérieur comme à l’extérieur.
Tant que les nationaux français courront après les libéraux, qui n’ont pourtant fait que collaborer à la décadence française (lois sur la pilule sous de Gaulle ; loi sur l’avortement sous Giscard ; ralliement de l’UDF-RPR à la concurrence déloyale du marché européen et à l’UE totalitaire et matérialiste ; diabolisation du FN par l’UDF-RPR, l’UMP puis LR), ils ne feront que retarder l’échéance du redressement français.
Puissions-nous, à Béziers ou ailleurs, voir se lever les prémisses de la constitution d’une grande alliance nationale et conservatrice, fondée sur la patrie et la civilisation chrétienne, qui mette fin au règne du social-libéralisme comme l’ont déjà fait nos voisins hongrois, polonais et peut-être bientôt autrichiens.
Marcouf de Segons, 28 avril 2016