Monde & Vie consacre son dernier numéro à la question « Ni droite, ni gauche, vraiment ? ». Guillaume Bernard, maître de conférences à l’Ices, déclare :
"Dire que le clivage droite-gauche n’existerait plus, c’est feindre de croire qu’il ne peut être fondé que sur une référence économique, comme au XXe siècle. Or, puisque l’essentiel de la gauche s’est ralliée au marché, le clivage s’est évidemment émoussé. Mais il persiste sur un autre critère dont le souverainisme est une illustration : l’alternative philosophique entre les sociabilités naturelle et artificielle. Elle concerne aussi bien la nation que la famille.
Désormais, la frontière doctrinale entre la droite et la gauche passe sur les questions identitaires et sociétales entre les classiques et les modernes. Focaliser le débat sur l’opposition (très réelle) entre souverainisme et mondialisme, c’est de la stratégie politique : on essaie de rassembler à son profit le camp disparate du « non » au référendum de 2005. Mais c’est aussi prendre le risque de l’incohérence du discours quand sont développées, de concert, des positions plutôt classiques en matière d’ordre public (immigration) et modernes, en l’occurrence libérales, en matière d’ordre social (moeurs, bioéthique).
Que signifie, selon vous, l’impératif « ni droite-ni gauche » ?
Si le slogan « ni droite-ni gauche » s’applique au spectre électoral, il est assez facile d’en comprendre le sens : le rejet des partis politiques traditionnels qui ont dirigé (alternativement ou en cohabitation) le pays depuis plusieurs décennies tout en cherchant à mettre hors jeu le FN. Il faut cependant avoir à l’esprit la schizophrénie des électeurs : ils font de moins en moins confiance (depuis le milieu des années 1980) à la droite et la gauche pour gouverner, mais ils sont toujours une écrasante majorité à accepter de se classer selon ce clivage. Un tel slogan peut donc convenir à une partie des électeurs (ceux qui hésitent entre l’abstention et le vote) mais pas à tous.
En revanche, si cette expression est appliquée à la doctrine ou au programme, elle est plus qu’ambiguë. Comment un parti peut-il renoncer à incarner et à occuper un espace politique précis ? Comment peut-il se définir non par lui-même (la “vraie” droite par exemple) mais par rapport aux autres et de manière purement négative ? La formule pourrait être très contre-productive si le FN, au nom du « ni droite ni gauche » laissait inoccupé l’espace politique faisant le pont entre lui et LR.
Si le slogan « ni droite-ni gauche » s’applique au spectre électoral, il est assez facile d’en comprendre le sens : le rejet des partis politiques traditionnels qui ont dirigé (alternativement ou en cohabitation) le pays depuis plusieurs décennies tout en cherchant à mettre hors jeu le FN. Il faut cependant avoir à l’esprit la schizophrénie des électeurs : ils font de moins en moins confiance (depuis le milieu des années 1980) à la droite et la gauche pour gouverner, mais ils sont toujours une écrasante majorité à accepter de se classer selon ce clivage. Un tel slogan peut donc convenir à une partie des électeurs (ceux qui hésitent entre l’abstention et le vote) mais pas à tous."