Dans L'Homme Nouveau, Joël Hautebert revient sur les propos du député européen Sophie Montel lors du banquet du Front National le 1er mai. Il révèle une petite expérience réalisée avec des étudiants :
"[...] Nous partons du principe que la pensée conditionne l’action et qu’il est probable que son expression dans le discours d’investiture d’un chef de parti, futur candidat à la présidence de la République, nous informe sur les conditions requises pour prétendre exercer le pouvoir suprême en France. Afin de s’approcher de la plus grande objectivité, il n’est pas inapproprié, dans certains cas, de se dégager de la répulsion ou de la séduction qu’exercent a priori les noms des orateurs. Nous avons testé l’expérience suivante avec deux promotions d’étudiants bénéficiant d’un minimum de connaissances en philosophie politique. Ils devaient comparer et commenter des extraits significatifs des deux discours, sans aucune indication sur l’identité des auteurs, le temps et le lieu. Le résultat fut le suivant : le discours de Jean-Marie Le Pen [lors du congrès de Tours de janvier 2011] fut qualifié de discours patriotique traditionnel, défendant l’attachement à la France charnelle. Le second [de Marine Le Pen, également prononcé lors du congrès de Tours de janvier 2011] fut qualifié de jacobin, étatiste et laïciste, émanant peut-être d’un radical de la Troisième République, en tous les cas d’une personne d’un univers mental opposé au premier. Ainsi, au-delà des mots-clefs employés par les deux orateurs (nation, France, État) deux mondes intellectuels s’affrontaient, confirmant l’analyse de Jean de Viguerie sur les deux patries, la patrie charnelle versus la patrie révolutionnaire. Si l’énoncé de l’identité de l’auteur du premier discours n’a pas surpris, il n’en fut pas de même pour le second. Ce fut même une très grosse surprise pour beaucoup.
Comment faut-il analyser ce changement brutal ? Simple stratégie discursive ou affirmation d’une profonde mutation des références intellectuelles du mouvement et du modèle civilisationnel à promouvoir ? Les propos de Sophie Montel avalisent à nos yeux le choix de la seconde option. Le constat de l’affirmation d’un nouveau marqueur intellectuel débouche nécessairement sur l’appréciation de son objectif politique. Pour espérer parvenir au pouvoir il faut prioritairement donner des garanties, en l’occurrence démontrer son ancrage républicain, au sens idéologique du terme : « Au plan des principes, parce que cette question est centrale pour la paix publique, je répète que la République n’admettra aucune tentation théocratique. Il appartient aux fidèles de mettre leur pratique religieuse en accord avec la République. (...) nous relèverons les valeurs traditionnelles de la République française ; les véritables défenseurs de la République, c’est nous ! » (Marine Le Pen). Ainsi, avant de démontrer sa capacité à gouverner, le Front National doit d’abord conquérir son droit à gouverner. Pour y parvenir, il est passé du compromis nationaliste au sein duquel la pensée catholique avait sa place, au pacte républicain dont il est l’élément nationaliste et sécuritaire, réduisant de facto la pensée catholique à une variable d’ajustement. Dans l’hypothèse d’un clash d’envergure conduisant à un légitime raidissement sécuritaire de la population, le parti de Marine Le Pen apparaîtrait alors comme une solution politique de dernier recours, acceptable pour l’idéologie républicaine, en dépit des fortes réticences de beaucoup. C’est visiblement l’objectif poursuivi, loin d’être gagné. Il faudra sans doute que ce parti concède toujours plus de garanties... [...]"
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