A Dallas, cinq policiers ont été assassinés par un Noir, Micah Johnson, parce qu’ils étaient blancs. Cette tuerie raciste a eu lieu au cours d’une manifestation sur le thème Black Lives Matter (la vie des Noirs compte). Selon le chef de la police de Dallas, pour expliquer son geste, l’assassin « a dit qu’il était en colère contre les récentes fusillades impliquant des policiers, en colère contre les Blancs, il voulait tuer des policiers blancs ».
Bien entendu, tout le monde condamne cette attaque « haineuse, calculée et méprisable », a affirmé le président Obama sans toutefois la qualifier de raciste,ce qu’elle est, de l’aveu même de son auteur. Barak Obama venait quelques jours auparavant de fustiger la mort de deux Afro-Américains, selon la terminologie officielle, et ce sont ces deux victimes-là qui auraient décidé Micah Johnson à passer à l’acte.
Mais la condamnation de principe n’empêche évidemment pas que l’on murmure dans les milieux officiels ce qui se dit tout haut dans la communauté noire et dans certains médias : ça devait arriver, « ils » l’ont bien cherché. « Ils », ce sont ces policiers blancs qui abattraient les Noirs, si ce n’est à la chaîne, du moins sans trop de scrupules. En somme, l’assassin aurait appliqué la loi du talion.
C’est un parallélisme mensonger. Les Noirs sont tombés sous les balles de policiers qui agissaient dans l’exercice de leurs fonctions, ils ont utilisé leurs armes soit pour arrêter un individu n’ayant pas répondu à leurs sommations, soit pour se défendre ou encore pour protéger leurs concitoyens. Et non pas parce qu’ils voulaient tuer des Noirs parce qu’ils étaient noirs. La justice, quand elle est saisie, dit si l’usage de la force a été légitime ou non, rien à voir avec on ne sait quelle sauvage chasse aux Noirs à laquelle se livrerait la police. Laquelle, d’ailleurs, comprend de plus en plus en d’Afro-Américains – dont le chef de la police de Dallas – conformément à la politique du gouvernement.
Même s’il y en a davantage, ce sont toujours les policiers blancs essentiellement qui paient de leur vie la protection de leurs concitoyens, selon les statistiques officielles : depuis le début de l’année, vingt et un policiers ont été tués par arme à feu : dix-neuf Blancs, un Noir et un Hispanique. Selon ces mêmes statistiques, 509 personnes ont été abattues par la police, 238 Blancs, 123 Afro-Américains, 79 Hispaniques et 69 « autres. »
Sur environ 320 millions d’Américains, on ne saurait dire qu’il s’agit d’une hécatombe, comme on pourrait le croire en lisant les propos effrayés et alarmistes selon lesquels les policiers d’outre Atlantique auraient la gâchette plus facile que d’autres. Certes, par rapport à leur taux de population respective, il y a, proportionnellement, un peu plus de Noirs que de Blancs, mais c’est une analyse simpliste et partisane que d’imputer cette surreprésentation au facteur ethnique, il y a également un taux de délinquance plus grand à prendre en compte.
Il est certain en tout cas que la mort sous les balles de la police d’un Blanc n’a pas le retentissement de celle d’un Noir, et que des manifestations ne sont pas organisées pour protester et pourtant White Lives Matter (la vie des Blancs compte), quoique médiatiquement un peu moins sans doute.
Guy Rouvrais
Article paru dans Présent daté du 12 juillet 2016