De Jean-Claude Guillebaud dans La Vie :
"Petit rappel : la vraie matrice idéologique du djihadisme mondial, c’est l’islam dans sa version wahhabite, c’est-à-dire l’Arabie saoudite. Jusqu’alors, on fermait assez lâchement les yeux. Après le massacre du 12 juin à Orlando, Hillary Clinton avait enfin osé évoquer le rôle ambigu de ce royaume, pourvoyeur de fonds destinés aux tueurs djihadistes. « Il est plus que temps,avait-elle dit, que les Saoudiens, les Qataris, les Koweïtiens et d’autres empêchent leurs ressortissants de financer des organisations extrémistes. » Enfin, avait-on pensé, les Américains – qui n’ont plus besoin du pétrole arabo-persique – ont le courage d’en finir avec leur complaisance pour les monarchies du Golfe. Hélas, d’autres informations ont immédiatement recadré cette prétendue audace. Elles tiennent en peu de mots : la Fondation Clinton, qui soutient, indirectement, la campagne d’Hillary, est largement financée par… l’Arabie saoudite. La confirmation est venue du prince saoudien lui-même, Mohammed ben Salman al-Saoud (vice-prince héritier). Il a déclaré que l’Arabie saoudite avait versé à ladite fondation « plus de 20% » du coût de la campagne de Madame Clinton. Et cela, « bien qu’il s’agisse d’une femme » (sic). On imagine le parti que les terroristes pourront tirer d’un tel double jeu de l’Occident qu’ils jugent « décadent ».
Gardons-nous pourtant de donner des leçons aux Américains.Nous-mêmes, Français, sommes-nous très clairs dans nos rapports intéressés avec les bédouins multimilliardaires d’Arabie saoudite ? Ce sont nos « nouveaux » amis. Ils achètent nos armes, nos missiles et nos navires de guerre. Alors, nous aussi, nous fermons les yeux. Pour complaire aux Saoudiens, le 4 mars, notre Président a même décoré de la Légion d’honneur le prince héritier Mohammed ben Nayef al-Saoud. L’opposition de droite, soucieuse elle aussi de favoriser nos industries d’armement, n’aurait sans doute pas agi différemment. Et alors ? Réfléchissons d’abord à notre propre responsabilité de citoyen. Avons-nous protesté assez fort contre cette priorité indécente accordée aux gros sous ? Pas sûr. Gardons en mémoire la remarque sans appel du juge Marc Trévidic, ancien responsable du pôle antiterroriste de Paris, après les attentats du Bataclan :« Proclamer qu’on lutte contre l’islam radical tout en serrant la main au roi d’Arabie saoudite revient à dire que nous luttons contre le nazisme tout en invitant Hitler à notre table. »"