Voilà bien un étrange calcul statistique auquel s'est livrée la rédaction du Monde. Le journal papier en a même fait la première page de son édition N° 22296 du 20 septembre sous le titre alléchant : "Départs en série dans les ministères et à l’Élysée". On pourrait en faire le point de départ d'une chronique de l'élection présidentielle, alors même qu'est commencée, désormais officiellement, la primaire de la droite et du centre.
Or, la perspective d'une candidature de Hollande pour un deuxième mandat de 5 ans se profile. Le discours d'un soir présenté comme offensif contredit ce que pouvait constater un observateur lucide : le fait "qu'avec une certaine impudeur, le locataire de l’Elysée trouve la charge bien lourde et découvre le 'tragique'… Aveu ahurissant et inédit de la part d’un chef d’Etat au ton geignard."[1]
De la sorte cette deuxième hypothèse avance avec l'impossibilité mécanique d'une locomotive sans wagons et la quasi-certitude d'une rencontre avec un engin roulant vers elle sur la même voie, et dont la marche se mesure à la baisse des sondages prédictifs du candidat.
Le caractère suicidaire apparent du scénario échappe de moins en moins aux observateurs. Tel chroniqueur dépeint fort justement l'attitude présidentielle comme celle d'un "Narcisse mou" d'un "commentateur du désastre". Son désastre.[2]
Tout ceci n'échappe évidemment pas aux 57 conseillers du pouvoir, dircabs et autres soutiers du gouvernement qui ont déjà démissionné, plus quelques autres, sur un cheptel total de 570. On ne les verra plus dans les allées du pouvoir mais on les verra à divers emplois de pantouflage et de rattrapage, comme l'ombre du régime en détient ou en protège tels des terrains délaissés de concessions d'autoroutes. Au moins l'une de ces 57 personnes a-t-elle su choisir un métier utile, puisqu'elle a demandé et obtenu de devenir commissaire de police comme on se rachetait autrefois en s'engageant dans la Légion. Souhaitons-lui de se montrer digne de cette fonction clef, dans une société aussi menacée que la nôtre. Mais qu'on se rassure, les 56 autres semblent s'être investies dans des parcours plus confortables. Pensons au chef du protocole de l'Élysée qui sera désormais ambassadeur de France à l'Unesco, faute d'ailleurs d'avoir obtenu d'être agréé par le Vatican où l'on ne badine pas, ou plus, sur certaines questions de mœurs. La soutane pourpre n'aime pas le voisinage de la jaquette flottante.
D'après la recension du Monde, les 10 % de rats ayant déjà quitté le navire un an à l'avance bat tous les records. En 2011, ils étaient exactement 28. Deux fois moins. Et pourtant, en 2012, la seule chose qui a convaincu une [courte] majorité de Français de voter, alors, Hollande au deuxième tour avait été la déception occasionnée par les changements de main, et de pied, les voltes et les pirouettes de son prédécesseur, l'anti Chirac de 2005 devenant une fols élu un néo-Chirac.
Mais ce peuple est ainsi fait qu'après avoir tenu Chirac en si piètre estime, on nous affirme, pour ne citer qu'un exemple, qu'il en manifesterait aujourd'hui la nostalgie.
La rivalité des deux personnages qui prétendent reprendre le flambeau l'un de la droite, l'autre de la gauche, pour, l'un comme l'autre, l'abandonner une fois élu, ne doit pas d'ailleurs nous faire oublier l'autre nuisance en embuscade… celle du personnage qui quitta le gouvernement sur le désastre électoral de 1997 puis après avoir purgé au Canada sa condamnation de 2004, revint aux Affaires étrangères en 2011, le temps de faire accepter par la communauté internationale le principe de la glorieuse opération de Libye, "le meilleur d’entre nous" dixit Chirac en connaisseur… l'homme qui, en 1993 força l'Europe à ouvrir à l'industrie turque de la contrefaçon et de la sous-traitance les portes de l'union douanière… le corédacteur, avec son camarade Toubon, du désastreux traité de Nice signé en février 2001… tout cela est bien oublié … c'est vrai.
Je n'ose donc aggraver mon cas en rappelant ici le nom du vieux soldat qui constatait combien les Français avaient la mémoire courte.
JG Malliarakis
Apostilles
[1] cf. cf. Charles Hægen in L'Ami Hebdo de Strasbourg le 19.9. L'aveu de la difficulté devant le 'tragique' se trouve dans le livre d'Antonin André et Karim Rissouli Conversations privées avec le président (ed. Albin Michel) basé sur pas moins de 32 rencontres avec Hollande