Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Deux islams inconciliables ?

L’Islam religion de la conquête, chacun le sait aujourd’hui, est tenté par un vrai projet de réforme. Après Al Sissi en Égypte voici Mohammed VI au Maroc. Le commandeur des croyants ne mâche pas ses mots.

Les musulmans modérés ? On peut toujours les accuser de taqqyia, on peut penser qu'ils mentent volontairement pour mieux cacher la vraie nature de l'islam dont ils sont complices plus ou moins clairement. On peut aussi comprendre qu'ils prennent des risques, que les zelanti islamistes ont tôt fait de les traiter de kouffars et d'abréger leur séjour terrestre et que ces musulmans-là ne veulent pas forcément mourir. J'ai donc pris au sérieux le témoignage de Al Sissi à la Noël 2014-2015, demandant que les musulmans en restent au dîn, le cœur de la religion et ne deviennent pas des fanatiques de la charia. N'est-ce pas une timide tentative de faire comprendre l'urgence d'une réforme de l'islam ?

Cette fois, c'est un autre responsable politique, qui est en même temps un grand chef religieux, Mohammed VI, roi du Maroc. Pour lui, les terroristes sont « des individus égarés, condamnés à l'enfer pour toujours ». C'est à l'occasion d'un solennel Discours à la nation, au mois de juillet dernier qu'il a essayé de raisonner ses compatriotes. Justement, comme on sait, certains terroristes sont marocains ou franco-marocains, comme ce Larossi Abbala qui, le 13 juin dernier, a tué le couple de policiers de Magnanville, avant de laisser sur you-tube une sorte de testament délirant, qui montre bien son mysticisme religieux islamique. Profitant de sa double casquette, politique et religieuse, le roi du Maroc insiste : « les terroristes qui agissent au nom de l'islam ne sont pas des musulmans et n'ont de lien avec l'islam que les alibis dont ils se prévalent pour justifier leurs crimes et leurs insanités ». Et d'ajouter, en citant le meurtre du Père Hamel : « Ceux qui incitent au meurtre et qui font du Coran et de la sunna [la loi des sunnites] une lecture conforme à leurs intérêts ne font que colporter le mensonge. C'est cela la vraie mécréance. » Je cite ce discours pour remarquer que, pour l'instant, on n'entend pas de tels propos de la part des fameux imams de France. Traiter Daech de kouffar, c'est étonnant de la part d'un Commandeur des croyants, parce que... c'est risqué. Et le retour du bâton est prévisible. Attaquer Daech, quand on est musulman, c'est s'exposer au pire.

En lisant Mohammed VI et en se souvenant que son père Hassan II tenait des discours semblables, on se prend à rêver d'un islam de paix, celui justement que François, pape, avait salué avec emphase et sans jamais une critique, en appelant le Coran « un grand livre prophétique de paix » (après son voyage en Turquie au mois de décembre 2014). Existera-t-il un monde où le Coran puisse être un livre de paix ?

Daech préfère Benoît

Tant que Daech fait parler la poudre, ce sera difficile à concevoir. Le dernier numéro de Dabik, leur revue eschatologique (qui porte le nom du village syrien d'où doit partir la fin du monde) porte sur le christianisme. Il faut  « casser la croix » disent-ils. Ce n'est pas un hasard si ce numéro sort au début du mois d'août quelques jours après le sacrifice du Père Hamel. Le plus cocasse est qu'à cette occasion, les djihadistes s'érigent en arbitre des élégances au sein de la théologie chrétienne, en désignant le pape Benoît comme celui qui avait raison concernant la nature de l'islam : et de citer le pape Benoît XVI dans son livre Foi, vérité, tolérance, où il expliquait que la démocratie « contredit l'essence de l'Islam, qui n'a tout simplement pas le principe de séparation entre sphère politique et sphère religieuse que le christianisme possède depuis le début ». Après cette citation, tombe la conclusion des djihadistes : « Même si c'est un menteur, Benoît l'incroyant a certainement dit la vérité sur ce sujet, montrant par-là que beaucoup d'apostats de l'islam, comme les imams occidentaux ou les professeurs de prétendues universités islamiques, ont une bien moindre compréhension de l'islam que lui ». En revanche, Dabik n'a pas de mots trop durs pour le pape François, « qui se cache derrière un voile trompeur de bonne volonté ». En guise de commentaire à ce jugement péremptoire ? La photo où François serre la main de l'imam de la mosquée Al Azhar au Caire, Ahmed el Tayeb, considéré, lui aussi, d'ailleurs, comme un apostat.

Comment comprendre ce chassé-croisé ? L'œcuménisme à la mode Daech nous réserve sans doute quelques surprises, et peut-être, pour le pape François, pourtant tellement laudateur de l'islam, des surprises un peu désagréables... C'est que, bien sûr, notre œcuménisme n'est pas le leur et le dialogue de sourds peut durer longtemps. Reste que pour Daech, le plus grand danger, c'est l'islam modéré et ceux qui le servent. 

Claire Thomas monde&vie 1er septembre 2016

Les commentaires sont fermés.