Une semaine après l’attentat qui a frappé la capitale suédoise, le principal suspect, un Ouzbek de 39 ans débouté du droit d’asile, est passé aux aveux et a confessé ses sympathies islamistes. Les commémorations en hommage aux victimes ont débuté, s’accompagnant d’un discours systématiquement resservi à chaque fois qu’un attentat survient en Europe. Pour le résumer, citons le premier ministre suédois, Stefan Löfven, qui a déclaré : « Le but du terrorisme est de miner la démocratie. Mais ces actes n’arriveront jamais à gagner en Suède, nous le savons. Vous ne pouvez pas nous diviser […]. »
Le mythe de l’unité du pays
Cette rengaine sur la volonté supposée des terroristes de diviser la population des pays occidentaux, sous-entendu entre Européens de souche et immigrés, est devenue le leitmotiv de nos dirigeants car elle permet, par une pantalonnade bien culottée, de légitimer leurs politiques suicidaires, celles-là mêmes qui ont conduit à la situation actuelle de balkanisation de l’Europe. L’idée qu’ils cherchent à propager est la suivante : si le but du terrorisme est de nous diviser, alors pour lui faire échec, il faut renforcer les politiques « d’intégration », comprenez davantage d’antiracisme, de mixité contrainte et forcée et de concessions diverses envers les communautés immigrées au détriment des autochtones. Par contraposée, les solutions avancées par la droite identitaire ne constitueraient pas le bon remède à nos maux.
Sauf que ces brillants esprits ont oublié un détail : pour que ce raisonnement soit valable, encore faudrait-il qu’il n’y ait jamais eu une quelconque unité entre ces deux composantes de la société. Et c’est là que le bât blesse.
La fraternité ou même la simple cohabitation des Européens de souche et des immigrés n’a jamais été qu’une chimère, une douce illusion dont se bercent nos élites.
Pour le cas de la France, il suffit pour s’en convaincre de relire les travaux de Michèle Tribalat sur la ségrégation dans les quartiers et les stratégies d’évitement des Français de souche ou de Christophe Guilluy sur l’endogamie des élites blanches et urbaines. Cet entre-soi a pu être constaté de manière éclatante lors des manifestations pourCharlie qui ont rassemblé quasi-exclusivement des citadins blancs, les extra-Européens les ayant délaissées car ils ne se sentaient tout simplement pas concernés. Les photos d’ensemble publiées par la presse à l’époque attestent irréfutablement de cette homogénéité.
A bien y réfléchir, il n’y a rien de surprenant à ce constat. Comment des populations aux valeurs diamétralement opposées pourraient-elles fraterniser ? Pour le cas des « Charlies » qui se prévalent d’un vivre-ensemble harmonieux, il s’agit de personnes laïques, attachés aux droits des femmes et des minorités sexuelles, prônant l’émancipation hors des communautés d’origine et privilégiant le dialogue et le compromis. Pour ce qui est des jeunes issus de l’immigration, qui habitent souvent les quartiers sensibles et ont en majorité conservé une mentalité de « bledard », on a affaire à des individus misogynes, volontiers homophobes, obnubilés par leurs origines ethniques et religieuses et vouant un culte à la violence et au rapport de force. Il n’y a pour ainsi dire rien qui les rassemble tant elles sont aux antipodes l’une de l’autre.
La véritable signification des « amalgames »
Cet argument de la division ressassé par la classe politique est le corollaire logique de l’analyse qu’elle nous livre sur le phénomène terroriste qui voudrait que « 99 % des musulmans soient des gens pacifiques, horrifiés par le terrorisme ». L’avantage du terrorisme par rapport à d’autres formes de violence engendrées par l’immigration (délinquance, émeutes…) est sa dimension marginale qui permet au pouvoir d’absoudre l’entièreté des communautés d’immigrés musulmans, en renvoyant le terrorisme à un problème d’individualités. Présentée dans les médias comme une grille de lecture éclairée et nuancée face à l’assertion simpliste des beaufs (« tous les musulmans sont des terroristes »), elle trouve hélas de l’écho chez certains Français qui se pensent sans doute très intelligent de la rabâcher comme des perroquets.
Mais la réalité est sans doute plus complexe que cela et obéit à une logique de cercles concentriques. Sans se hasarder à avancer des chiffres, on peut affirmer sans trop prendre de risques qu’au-delà des militants actifs prêts à se sacrifier, il est aussi des islamistes convaincus qui soutiennent le terrorisme et passeraient à l’acte s’ils n’avaient pas peur de mourir ou de passer le restant de leurs jours en prison. Ils le feront du reste le jour où les forces de l’ordre perdront pied. D’autres encore plus nombreux se réjouissent des actes terroristes, juste par haine et sans forcément adhérer à l’idéologie djihadiste, comme l’ont montré certaines réactions d’élèves dans les établissements scolaires sensibles. Il y a enfin la masse de ceux que la violence terroriste indiffère royalement tant qu’elle touche des Européens de souche.
Prétendre que le problème du terrorisme n’a pas de dimension communautaire est donc un mensonge. Car si les terroristes kamikazes sont le fer de lance de la conquête islamiste en Europe, ils bénéficient d’un solide réseau de solidarités familiales, claniques ou religieuses sur lesquelles s’appuyer. Comment expliquer sinon que Salah Abdeslam ait pu se cacher trois mois à Molenbeek sans éveiller les soupçons ?
Par ailleurs, même si nous n’en sommes pas encore à ce stade, dans certains quartiers mis en coupe réglée par les salafistes, les menaces et le chantage leur suffiront à obtenir l’appui de leurs coreligionnaires. C’est déjà ainsi que procédaient les islamistes en Algérie dans les années 1990.
Pire, en cas de raidissement brutal de la situation, les non-militants, inquiets pour leur intégrité, s’en remettront de leur plein gré aux plus extrémistes et aux plus déterminés parmi les leurs. Ce sont là des mécaniques bien connues observées lors des guerres civiles (Irak et Syrie notamment).
Tout cela ne veut bien évidemment pas dire que tout musulman porte une responsabilité quant au terrorisme, ni que « les musulmans devraient s’excuser pour le terrorisme » (exigence grotesque), mais que tant qu’il aura une telle présence musulmane en Europe, le risque terroriste, et plus largement insurrectionnel, existera malgré tous les efforts politiques et sociaux déployés.Les médias se plaisent à vilipender ceux qui se rendraient coupable « d’amalgames », mais personne un tant soit peu sensé ne pense réellement qu’en chaque musulman sommeille un terroriste.
En revanche, beaucoup pensent que, comme les auteurs d’attentat sont indéniablement issus des rangs de la communauté musulmane, il est difficile de déceler par anticipation les passages à l’acte tant le phénomène islamiste devient massif et qu’il est quand même ici question de la préservation de la paix civile dans nos patries. Il serait peut-être temps d’arrêter les frais.
Louis Brequin