D'Anne Merlin-Chazelas :
"S’il est une faute morale qui semble impardonnable au microcosme politico-médiatique c’est bien, pour un contribuable effectivement imposé (C’est-à-dire, en France et par les temps qui courent, une personne qualifiée de « riche » sans l’être suffisamment pour aller établir ses pénates dans un pays moins spoliateur, ou une entreprise qualifiée de « grande » ou de « multinationale »), de souhaiter payer moins d’impôts. Et le plus grand crime possible c’est d’y parvenir en n’employant que des moyens légaux.
Afin de pouvoir poursuivre et condamner ces criminels aujourd’hui intouchables, il convient, évidemment, de modifier les législations pour que ces moyens légaux deviennent illégaux, notamment en transformant les pays qui pratiquent une politique fiscale plus modérée (c’est-à-dire presque tous) en « paradis fiscaux » sanctionnés dès lors qu’ils accueillent de tels criminels.
Aucun des scribouillards et des bredouillants qui peuplent les médias en diffusant cette doxa ne songe que, s’il n’y avait pas d’enfers fiscaux, il n’y aurait pas de paradis fiscaux.
Aucun non plus ne s’interroge sur la nature et la légitimité de l’impôt : à leurs yeux, tout impôt, dès lors qu’il est décidé par le pouvoir en place, est légitime.
Ce n’est pourtant pas ce que pensent la plupart des philosophes et des économistes.
En effet, pour qu’un impôt soit légitime, il faut
- Que les contribuables aient réellement besoin des services qui sont financés par l’impôt et que, en ayant conscience, ils y consentent.
- Que l’impôt soit réparti équitablement, au prorata de l’utilisation qui est faite des services rendus.
Or c’est loin d’être le cas dans la majorité des pays et ce ne l’est certainement pas en France.
Jamais les contribuables ne sont consultés pour s’assurer de leur consentement à l’impôt qui leur est prélevé, pas même par l’intermédiaire de leurs représentants élus : d’une part ceux-ci se voient dans l’obligation de reconduire sans modification les « services votés » précédemment et qui concernent notamment les salaires des fonctionnaires et les frais de fonctionnement de l’État, soit grosso modo 80% du total ; en second lieu, ils ont tout intérêt à créer des dépenses nouvelles (et donc des impôts nouveaux pour les financer) au profit de telle ou telle partie de l’électorat qui assurera leur réélection.
Jamais non plus, depuis longtemps, il n’a été recherché quels étaient les services dont les habitants ont un réel besoin et qu’en conséquence ils consentiront à financer par l’impôt.
Pourtant, il existe – depuis des siècles – un consensus sur un point : ce dont les habitants (citoyens et étrangers domiciliés dans le pays) ont besoin, qu’ils souhaitent avant tout et que seul l’État peut leur assurer : c’est d’une part la sécurité intérieure (par prévention et punition des comportements délinquants et criminels) et extérieure (par l’existence de moyens de défense suffisants contre tout autre État ou organisation qui voudrait s’en emparer), et d’autre part la justice, assurant par un contrôle a posteriori que les forts n’abusent pas des faibles.
Les contribuables qui se déroberaient au paiement de l’impôt destiné à financer les moyens de défense contre l’insécurité intérieure et extérieure et ceux de la justice, ainsi que le fonctionnement des rouages essentiels de l’État, seraient évidemment coupables.
En revanche, les contribuables sont en droit de ne pas accepter que l’État use de l’impôt comme d’un moyen d’imposer l’idéologie régnant au sein de la majorité politique ou l’idée que se fait le pouvoir en place du bien des habitants, qu’il s’agisse de « réduire les inégalités », de favoriser la « diversité » ethnique, linguistique ou religieuse, d’améliorer la santé publique, d’éduquer les enfants, etc. … Ils peuvent consentir à ce que l’État organise et finance, au moyen de leurs impôts, telle ou telle partie d’un programme annoncé par le pouvoir exécutif en place, mais l’État ne peut légitimement l’imposer du seul fait qu’il en a le pouvoir.
D’autre part, la répartition de l’impôt doit être équitable et correspondre, peu ou prou, aux services rendus par l’État. Rien, si ce n’est la volonté d’imposer la volonté du pouvoir en place de « réduire les inégalités », ne peut justifier qu’il soit progressif, même si l’équité exige que les plus pauvres (Mais rien ne justifie non plus que ceux-ci représentent plus de la moitié des habitants, faisant reposer l’impôt sur une minorité de contribuables. Les plus pauvres, ce sont évidemment ceux qui, trop âgés ou trop jeunes, personnes seules ayant la charge de petits enfants, malades, infirmes, etc. ne peuvent subvenir à leurs besoins par leur travail et aussi ceux qui en tirent des ressources insuffisantes, et non les bénéficiaires d’une assistance aveugle) soient exemptés de verser leur quote-part et que celle-ci, par le fait même, soit répartie sur les plus aisés. Inutile de rappeler que cette règle n’est plus respectée depuis un bon siècle par les gouvernements successifs.
Le « politiquement correct » de la classe politico-médiatique conduit, de fait, à un totalitarisme où ceux qui ont réussi à obtenir le pouvoir imposent leur idéologie à une population à qui ils contestent même le droit de protester."