De Guillaume de Thieulloy dans Les 4 Vérités :
"Les médias se font unanimement l’écho des déclarations d’Emmanuel Macron sur les APL.
« Le colonel Beltrame est mort parce que la France, ce sont des idées, des valeurs, quelque chose d’une guerre qui le dépasse, a déclaré, au détour d’un documentaire, le président, dans le sabir caractéristique de la caste politico-médiatique. Les gens qui pensent que la France, c’est une espèce de syndic de copropriété où il faudrait défendre un modèle social qui ne sale plus, une République dont on ne connaît plus l’odeur [sic] et où l’on invoque la tragédie dès qu’il faut réformer ceci ou cela, et qui pensent que le summum de la lutte, c’est les 50 euros d’APL, ces gens-là ne savent pas ce que c’est que l’histoire de notre pays. »
Au-delà du jargon, cette déclaration est merveilleusement symbolique de la caste qui prétend nous gouverner.
Tout d’abord, on constate une absence complète de cohérence dans les réformes. Voici un an, il fallait, toutes affaires cessantes, diminuer de 5 euros par mois les APL (aides personnalisées au logement). Aujourd’hui, le gouvernement qui a réalisé cette réformette juge que c’était une mauvaise idée. Comment voulez-vous que nous fassions confiance à des gens qui changent d’avis comme de chemise?
Par ailleurs, la mise en regard de la baisse des APL et du sacrifice du colonel Beltrame me semble d’un goût douteux. Il est clair que la France traverse une crise grave aux multiples facettes, de la crise économique à la crise morale, en passant par la crise identitaire. Mais tout ne peut pas se mettre sur le même plan. Même si l’on pensait que la réduction des APL soit de nature à restaurer les finances publiques, on ne pourrait pas la mettre en regard de l’impératif de résister au totalitarisme islamique – auquel, d’ailleurs, en dépit de la fermeté occasionnelle du langage, nos dirigeants cèdent tout.
Mais ce qui me frappe le plus, en lisant cette déclaration bizarre du chef de l’État, tient au sentiment que le principe de non-contradiction n’a aucune prise sur nos dirigeants: pour eux, une chose peut être à la fois blanche et noire, vraie et fausse – et sous le même rapport.
Ainsi M. Macron exige-t-il de nous que nous prenions la France pour une « start-up nation », ce qui nous invite à cesser de voir la nation sous l’angle politique, pour la voir uniquement sous l’angle économique. Pourquoi pas ? C’est une pensée (politique!) qui a une certaine cohérence. C’est la doctrine de certains constituants de 1789 ou de la monarchie de juillet. De façon générale, c’est la doctrine des réformateurs qui ne sont pas assurés de leur légitimité. Mais on ne peut pas à la fois nous présenter la France comme une entreprise dynamique et nous interdire de la voir comme un « syndic de copropriété » –puisque, dans une entreprise, la question de la propriété est évidemment centrale.
De même, quand Emmanuel Macron en appelle à « l’histoire de notre pays », il se moque du monde. N’est-ce pas lui qui prétendait naguère que la France avait commis un crime contre l’humanité en arrachant l’Algérie aux Barbaresques ? N’est-ce pas lui qui prétendait que la culture française n’existait pas ?
Plus grave, cette diatribe manifeste que la stratégie du chef de l’État consiste à n’accepter face à lui qu’une seule opposition, celle de l’extrême gauche, qu’il cajole par ailleurs en refusant de sanctionner ses violences. Or, Kerenski ou Barnave ont abondamment prouvé que les réformistes qui s’appuyaient sur des révolutionnaires terroristes finissaient toujours par être broyés par leurs alliés d’hier – entraînant, hélas, avec eux leur pays dans un bain de sang."