Par Jean Bonnevey, journaliste
C’est un échec pour le président Macron. Malgré la séquence des mamours, celle de la leçon professorale et diverses interventions, Donald Trump quitte l’accord nucléaire avec l’Iran. C’est de toute évidence la ligne Netanyahu qui l’a emporté, la plus anti-iranienne qui soit.
Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahu, plus ferme soutien de Donald Trump dans ce dossier, a en revanche dit soutenir « totalement » une décision « courageuse ». Le royaume sunnite d’Arabie saoudite, grand rival régional de l’Iran chiite, a également affiché son « soutien ».
Il y a bien une triple entente, Israël, les USA et l’Arabie saoudite porte-parole du monde musulman sunnite, qui prend le risque d’une épreuve de force régionale avec Téhéran. Dans la guerre mondiale qui oppose le sunnisme et le chiisme, les USA ont fait leur choix. Ce sera l’islam sunnite dont, tout de même, est issu Daech. C’est une grande victoire pour les faucons américains et la droite israélienne la plus radicale. Donald Trump tient son programme et le retour de l’Amérique passe par des épreuves de force, quitte à fâcher les alliés historiques européens.
Les signataires de l’accord ont, eux, vivement exprimé leur désaccord. « La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni regrettent la décision américaine », a déclaré sur Twitter Emmanuel Macron. Dans un communiqué commun, le président français, la chancelière allemande, Angela Merkel, et la première ministre britannique, Theresa May, qui s’étaient tous trois investis en vain pour tenter de convaincre Donald Trump de rester dans l’accord, se sont dits « déterminés à assurer la mise en œuvre » du texte en « maintenant les bénéfices économiques » au profit de la population iranienne. L’annonce américaine était très attendue au Moyen-Orient, où beaucoup redoutent une escalade avec Téhéran. La Turquie a dit craindre « de nouveaux conflits ».
Le pari de Trump est clair : obtenir de l’Iran ce qu’il semble avoir obtenu de la Corée du nord par la menace verbale. Il y a cependant des différences régionales capitales.
On va attendre la vraie réaction de l’Iran. Le risque est évident : un durcissement du régime avec l’arrivée au pouvoir des ultras. Le président iranien, Hassan Rohani, qui s’était beaucoup investi dans cet accord, a accusé son homologue américain de pratiquer « une guerre psychologique ». Assurant vouloir discuter rapidement avec les Européens, les Chinois et les Russes, autres signataires de l’accord, il a averti que son pays pourrait mettre un terme aux restrictions qu’il a consenties pour ses activités d’enrichissement d’uranium. Il est affaibli et menacé. Cela risque d’avoir des répercutions en Syrie en Irak et même au Liban ou les chiites ont remporté, autour du hezbolla, les élections législatives avec la défaite d’Hariri le candidat sauvé par Macron. Un sunnite kidnappé par nos ex alliés saoudiens.
Bombarder la Syrie avec Donald Trump pour se retrouver contre Trump sur le dossier iranien où la géopolitique sioniste mène le jeu, décidément pour le président français, l’orient s’annonce très compliqué.
Jean Bonnevey 13/05/2018
Source : Metamag
Crédit photo : Gage Skidmore [CC BY-SA 2.0], via Flickr