À lire certains articles de presse, à écouter certains reportages télévisés et à entendre certains témoignages, on ne peut que se demander pourquoi Aboubakar F., ce délinquant abattu par la police à Nantes il y a trois jours, n’a pas été canonisé de son vivant. Comme d’habitude dans ce genre de situation, celui qui, à 22 ans, avait déjà un passé judiciaire copieux et faisait l’objet d’un mandat d’arrêt diffusé par la Justice pour une ixième affaire d’escroquerie en bande organisée est présenté à tous les médias comme « un jeune homme respectable et respecté », « un garçon sans problème », « un grand frère modèle »… Et la presse nationale de relayer avec complaisance ces appréciations dithyrambiques qui, en d’autres temps, auraient fait rougir n’importe quel enfant de chœur.
Cette malheureuse affaire ne vient pourtant que confirmer l’état de délabrement sécuritaire dans lequel se trouvent de nombreux quartiers dans notre pays. Le quartier du Breil, à Nantes, où se sont déroulés les faits, fait partie de ces endroits tenus par des bandes de délinquants. La présence de la police n’y était d’ailleurs pas un hasard, puisqu’elle était consécutive à divers événements qui, ces derniers mois, avaient touché des quartiers de la cité ducale (quartiers des Dervallières et Beaulieu, notamment), au cours desquels des tirs d’armes à feu avaient été enregistrés et des individus blessés. Ce quartier n’avait donc rien de paisible, mais la présence des CRS ne pouvait que perturber les trafics qui font le quotidien de ces endroits.
Cependant, comme d’habitude, le procès médiatique qui s’est ouvert, tout comme celui généré par « l’affaire Théo » en son temps, ne sera qu’à charge contre l’État et sa police. Les vraies questions seront éludées, et les réponses, toutes dans le compassionnel de circonstance, éviteront d’aborder les sujets qui fâchent. Ainsi, aucun journaliste ne se demandera véritablement pourquoi de si nombreux quartiers partent à la dérive.
Pourquoi, de jour en jour, les tensions entre la police et les délinquants montent sur le terrain. Quelles sont les conséquences possibles d’un emploi à outrance des unités de police et de gendarmerie. Ou encore pourquoi des délinquants au casier judiciaire long comme le bras peuvent aller défier les forces de l’ordre à longueur de journée. Non, ces médias préféreront sortir des rapports officiels, comme celui de l’Inspection générale de la police nationale qui révèle que l’usage des armes par les policiers a augmenté de 54 %, entre 2016 et 2017 (15 % pour la gendarmerie). Et ils en concluront facilement que cet état de fait est dû à la récente modification (février 2017) des règles de la légitime défense. Ils oublieront toutefois, le plus souvent, de préciser que si augmentation il y a bien eu, elle est antérieure à cette modification législative. De même que la légitime défense des forces de l’ordre a été reconnue à chaque fois par la Justice.
Ainsi, à l’heure où aucun qualificatif n’est de trop pour vanter la personnalité d’Aboubakar F., mes pensées vont vers ce policier qui, dans un moment difficile, a dû faire le choix, dans l’intérêt général, et pour que l’immense majorité de nos concitoyens puissent encore vivre en paix dans notre pays, d’utiliser son arme de service. Ce CRS, apprécié de tous ses collègues et loyal serviteur de l’État, va devoir porter ce fardeau et faire face à un système qui, après l’avoir envoyé au casse-pipe, va maintenant le sommer d’expliquer pourquoi, dans un contexte délétère et violent, il a tout simplement rempli la mission dont notre société l’a chargé.
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