Dans les premiers mois de son règne, notre président jupitérien avait entretenu une sorte d'illusion dans laquelle s'est engouffrée une partie de l'opinion de droite. Il semble, au vu des sondages d'opinion, et notamment de l'écart de popularité, qui s'aggrave, avec la cote de son Premier ministre, que cet effet perde chaque jour un peu plus de son actualité. Produit de ce qu'on appelle le dégagisme et de la déception engendrée par l'échec de la candidature Fillon, le mythe macronien du rassemblement réformateur ne semble pas avoir longtemps survécu à l'année 2017.
Conseillé sans doute par quelques bons esprits, d'un haut niveau philosophique, comme la citoyenne Mimi Marchand ou le brillantissime Stéphane Séjourné, le président que le monde nous envie envisage aujourd'hui de se refaire une santé électorale. Et il entend saisir l’occasion que lui offrira, pour sûr, le scrutin européen de 2019.
Sur le papier l'idée pourrait paraître excellente : le clivage qu'il a lancé oppose ainsi les progressistes, qu'il incarnerait et rassemblerait, aux nationalistes qu'il invite à exécrer. Ceci reproduirait le second tour de 2017, en somme. Qui peut penser a priori dès lors qu'une reconstitution de cet épisode tournerait au bénéfice des perdants de la première manche ? Qui donc en dehors des électeurs brésiliens, italiens, hongrois, bavarois, suédois, tchèques, nord-américains, polonais, etc. pourrait imaginer une seconde voter contre le merveilleux progrès et les gentils progressistes ? Qui, depuis la chute du mur de Berlin, oserait encore se méfier d'une étiquette désignant, dans l'ancien monde, les compagnons de route du communisme lequel ne menace plus le nouveau monde ?
Cette stratégie ou cette tactique revient donc surtout à vouloir ramasser les miettes d'une social-démocratie qui s'écroule partout en Europe.
On peine cependant, malgré le génie de ses concepteurs, à trop parier sur sa victoire.
Le premier piège dans lequel nous devrions tous éviter de tomber a été identifié par Milton Friedmann sous le nom de modèle naïf. Il consiste à croire que ce qui s'est produit récemment se reproduira constamment. Ainsi, depuis l'élection du printemps 2017 la désillusion risque fort de manifester un désamour sensible en 2019.
Avant même de s'interroger sur les intentions effectives de vote tel sondage[1] nous indique que 84 % des Français pensent que Macron n'améliorera pas leur pouvoir d'achat, et surtout 72 % considèrent que leur pouvoir d'achat a baissé depuis mai 2017. L'économiste Philippe Herlin souligne à cet égard : "Vous avez le sentiment que votre pouvoir d’achat régresse, que la hausse des prix est sous-estimée, mais année après année l’INSEE affirme que vous vous trompez"[2].
On peut s'accorder à considérer que cette question jouera un rôle central. Or, l'Insee imposera de moins en moins son arbitrage faussé par ses indices prétendument scientifiques. À partir de 1946, la statistique officielle instrument du pouvoir d'État, a pu être transformée en outil de désinformation, depuis la création de cet organisme unique fusionnant les divers bureaux publics dont le plus ancien remontait à 1801. Aujourd'hui par exemple l'une de ses manipulations les plus éclatantes porte non seulement sur les prix de l'immobilier, qui n'évoluent pas de la même manière en milieu urbain et en milieu rural, mais aussi sur la part du logement dans le budget des ménages. Les statisticiens marxisants ou cégétistes la pondèrent arbitrairement à 6 % des revenus. Or, les classes moyennes supportent évidemment un taux d'effort très supérieur en faveur du logement, les agences de location et les organismes de crédit l'évaluant entre 30 et 35 %. Or, dans un contexte où le marché de la construction s'effondre en chute libre, ce poids ne s'allégera pas. D'autres postes de dépense aggravent cette distorsion, contribuant à paupérisation des Français.
Mais la haute stratégie macronienne n'en a cure. Exclusivement tournée vers une communication artificielle, elle descend des sommets de l'Olympe étatique vers l'opinion du bas peuple, sans se préoccuper en retour de ce que ressentent les manants.
JG Malliarakis
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Apostilles
[1] cf. sondage Ifop pour le JDD du 27 octobre
[2] cf. "Pouvoir d'achat : le grand mensonge"par Philippe Herlin, ed. Eyrolles, octobre 2018, 162 pages, 16 euros.