L’autre raison du boycott du gouvernement d’Orbán était l’intervention du premier vice-président de la Commission, le travailliste néerlandais Frans Timmermans dont le parti a en revanche été durement sanctionné aux dernières élections législatives dans son pays, avec seulement 5,7 % des voix contre 24,8 % en 2012. Ne pouvant plus espérer se faire élire chez lui, reste à M. Timmermans l’espoir d’une nomination au poste de président de la prochaine commission. Selon le mécanisme du Spitzenkandidat non prévu dans les traités mais inauguré pour la nomination de Jean-Claude Juncker en 2014, le Parlement européen propose au Conseil européen son candidat à ce poste, et M. Timmermans est le candidat proposé par le groupe socialiste. La Hongrie, comme la Pologne, reproche au vice-président de la Commission chargée de l’amélioration de la législation, des relations interinstitutionnelles, de l’Etat de droit et de la charte des droits fondamentaux de mener sa campagne politique sur son dos.
Pendant la discussion de mercredi au Parlement européen, le Néerlandais a en effet à nouveau lancé ses accusations, toujours populaires auprès de la majorité des députés au Parlement européen qui supportent mal les gouvernements conservateurs, d’atteintes aux droits fondamentaux en Hongrie, de mauvais traitements à l’égard des Roms, de violation de l’indépendance du système judiciaire, d’influence excessive du gouvernement sur les médias, etc.
La Commission a d’ailleurs lancé une procédure contre la Hongrie qui devrait bientôt aboutir devant la Cour de justice de l’UE à propos des fameuses lois « anti-Soros » adoptées l’année dernière afin de lutter contre ces ONG qui favorisent l’immigration illégale.
Commission et députés ont appelé les Etats membres à se saisir de la procédure de sanctions contre la Hongrie lancée en septembre dernier par le Parlement européen, ce que les gouvernements nationaux ne sont pas pressés de faire. Il est vrai que pour lancer cette procédure sans disposer de la majorité des deux tiers prévue dans les traités, la présidence du Parlement avait choisi, en toute illégalité, de ne pas compter les abstentions. Quand on veut faire respecter l’Etat de droit chez les autres, il faut commencer par soi-même !
Pour le gouvernement hongrois, les vraies motivations de ce énième « débat » sont ailleurs. Il s’agit de maintenir les pressions sur un pays qui refuse d’ouvrir ses frontières à l’immigration. Zoltán Kovács, secrétaire d’Etat pour les communications et les relations internationales, l’a exprimé très clairement : « la gauche et les partisans d’une politique d’immigration libérale » ont « kidnappé » les institutions européennes, et le débat de mercredi est « de toute évidence une campagne politique ».
Olivier Bault
Article paru dans Présent daté du 1er février 2019