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Avant un scrutin crucial

6a00d8341c715453ef0240a4a8b23a200b-320wi.jpgLa publication des 33 listes déposées en France en vue du scrutin européen du 26 mars laisse, pour la majorité d'entre ellles, évidemment rêveur. Que de médiocrités méconnues. Que de calculs politiciens. Que d'amateurisme quant aux décisions futures.

Quand acceptera-t-on, dans l'Hexagone, de prendre en compte l'importance et le rôle qu'assumeront, dans les années cruciales à venir, les 79 personnes[1] censées représenter ce pays, le nôtre, dans des délibérations cruciales.

C'est en 1979 que fut mise en œuvre pour la première fois la décision giscardoïde d'élire au suffrage universel une institution siégeant à Strasbourg et dont personne ne se préoccupait jusque-là.

Cette assemblée était désignée au titre des communautés européennes, dont le marché commun constituait le pivot. Depuis la signature du traité de Rome en 1956 on cherchait d'abord à fusionner un espace économique, réduit à 6 États. Au départ, il ne s'agissait que de délégations désignées par les parlements nationaux comme il en existe dans la plupart des unions d'États, dont ni le public ni les médias ne se préoccupent guère en général.

S'agissant des gros journaux, des radios ou des télévisions, nous pouvons d'ailleurs mesurer dans l'Hexagone lui-même combien petite est devenue la place qu'ils consacrent aux débats et travaux parlementaires de leur propre pays.

La comparaison avec ce que nous connaissions encore il y a 50 ou 60 ans fait frémir. Déjà pourtant l'essentiel des décisions effectives semblait découler de la volonté présidentielle du général De Gaulle. Cependant à l'époque, aussi bien Le Figaro que Le Monde reproduisait abondamment les propos tenus à la tribune ou dans les commissions : invitons nos amis lecteurs à parcourir, pour s'en rendre compte, les colonnes de ces vieilles feuilles de papier imprimé que nous utilisons pour allumer les cheminées.

Semblant ne siéger que pour la forme au palais bourbon, l'assemblée centrale parisienne aura joué ainsi pendant plusieurs décennies, – au-delà de la fonction d'assistance sociale assumée par élus de circonscriptions, – le rôle d'une sorte d'équivalent du Tribunat. Rappelons qu'instituée après le 18 brumaire, par le régime du consulaire du premier Bonaparte, cette réunion de notables reprenait seulement une partie des fonctions du Conseil des Cinq-cents qu'avait connue l'étrange époque du directoire. On y délibérait, sous un angle quelque peu philosophique, sur les projets gouvernementaux avant que ceux-ci soient votés par le Corps législatif. Il siégea ainsi au Palais-Royal de 1800 à 1807, date de sa suppression par un pouvoir devenu impérial et de plus en plus irritable et tyrannique[2], malgré ou peut-être en raison de ses victoires militaires.

Les deux chambres de la Cinquième république disposent d'un pouvoir un peu plus large. On leur a concédé sur le papier notamment celui, pour les députés mais non pour les sénateurs, de censurer le gouvernement : ils ne l’exercèrent qu'une fois, en 1962. Au bout du compte, les Français ne peuvent guère, ni prendre au sérieux le caractère formel de leur propre démocratie parlementaire ni, encore moins se préoccuper de sa projection à l'échelon du continent.

Le déplacement du siège du Parlement européen vers Bruxelles, – à 440 km de la capitale alsacienne prévue, depuis 1952, par les traités fondateurs – est en lui-même un beau résultat d'un compromis aberrant adopté en décembre 1992 à Edimbourg sous présidence britannique. Celui-ci fut entériné par le traité signé à Amsterdam par Chirac en 1997. Les déplacements de Mr Nigel Farage vers sa tribune préférée en ont ainsi été rendus plus commodes.

Il y a 40 ans l'assemblée siégeant à Strasbourg[3] ne détenait au départ aucun véritable pouvoir, l'essentiel des décisions dépendait de ce qui est devenu depuis le Conseil européen formé des chefs d'États et de gouvernements.

Par glissements successifs assez naturels il fut reconnu comme assez logique de confier aux eurodéputés, directement élus par les peuples, un contrôle sur les grandes décisions et d'abord sur les directives. Celles-ci ont surtout concerné depuis 60 ans l'aspect consommatique de la vie des Européens.

Aujourd'hui la première vocation des futurs élus sera de trancher une ambiguïté du traité de Lisbonne. Ils devront user de leur pouvoir d'investir le prochain président de la Commission européenne : depuis les règnes de Barroso et de Juncker, les chefs d'États avaient pris l'habitude de nommer un ectoplasme aimable et docile et de le faire avaliser par une coalition socialo-centriste molle.

Les 33 listes déposées informent-elles beaucoup sur ce sujet les électeurs dont elles sollicitent les suffrages ? On se demande même pour la plupart d'entre elles si elles y attachent la moindre importance, etc. Ne parlons même pas des choix en cours en matière de défense, d'immigration, de sécurité, de concurrence intercontinentales, etc. Il est vrai que la météo et le salut de la Planète les préoccupent beaucoup plus.

JG Malliarakis  

Apostilles

[1] Contingent incertain calculé en fonction du retrait de la Grande Bretagne.

[2] Qu'on se souvienne de la fameuse tirade de Chateaubriand "Lorsque, dans le silence de l'abjection, l'on n'entend plus retentir que la châine de l'esclave et la croix du délateur"...

[3] En concurrence avec celle du Conseil de l'Europe, réunion continentale attachée à la promotion des droits de l'homme, remontant à 70 ans, évidemment beaucoup plus vaste puisqu'elle regroupe 47 États, ayant fort à faire avec les anciennes républiques de l'URSS et la Turquie.

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