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TRENTE TROIS LISTES ET LES BANQUES

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Franck Buleux

On peut penser, en constatant les trente-trois listes validées par l’Intérieur qui vont briguer nos suffrages le 26 mai prochain, à l’occasion des neuvièmes élections européennes, à une vitalité démocratique sans précédent dans notre pays.

En tout cas, c’est l’a priori qui me vient immédiatement à l’esprit. L’immédiateté supprime la réflexion. Les médias me disent, m’inoculent « 33 » et je me dis, c’est beaucoup ! Et je vois d’ores-et-déjà cette grosse enveloppe kraft marron adressée par la Préfecture de mon département comprenant 33 professions de foi et 33 bulletins de vote avec, chacun, soixante-dix-neuf candidats. Oui, 79 car la France a récupéré 5 sièges à la suite du Brexit, qui n’a pas encore eu lieu. Il y a donc 74 sortants français et 79 candidats, alors que des élections auront lieu au Royaume-Uni… Donc, il n’y aura que 74 élus si les Britanniques votent, sinon 79. Cela fait partie du rêve européen, l’incapacité à trois semaines du scrutin de connaître la répartition des élus par pays. Il y aura donc 5 battus qui atteindront, impatiemment, le Brexit, même s’ils sont opposés à la sortie de la Perfide Albion.

Bref, tel n’est pas notre propos. Je m’imaginais donc déjà attendre de longues minutes pour voter car Madame Louise (appelons-là comme cela puisque l’Alliance royale a déposé une liste), âgée de 90 ans et qui ne loupe jamais une élection, avait des difficultés compréhensibles à prendre, un à un, les grands bulletins avec tous ces patronymes. Les prendre un à un, les ranger, retrouver le « bon » (alors qu’elle a pris le bon chez elle, qu’elle a glissé dans une poche) pendant que les autres tombent… Le calvaire du vote. Du vécu, j’ai longtemps été assesseur et même présidé un bureau pendant quelques scrutins.

De longues files d’attente, des personnes qui désespèrent, ne trouvant pas sur quelle liste se trouvent Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen (en fin de listes car déjà députés nationaux français tous les deux, pour cause de non cumul des mandats), quelle belle journée que ce dimanche 26 mai. Des assesseurs débordés qui doivent vérifier l’ordre des bulletins déposés sur la table à l’entrée, le niveau des tas (qui doit être homogène) et cette masse d’hommes et de femmes qui représentent toutes les tendances, toute la diversité nationale… Des animalistes aux décroissants, des communistes aux insoumis, et toux ceux qui cherchent, en vain, le terme « parti socialiste » sur les bulletins… Mais il n’y a plus de Parti socialiste ? Ben non, mais bon on ne peut pas dire –tout haut- que le compagnon de Léa Salamé a réalisé une OPA sur ce qui reste du PS. Raphaël Glucksmann a créé le mouvement « Place publique » et a rencontré sa concubine sur le plateau de « On n’est pas couchés ». Tout doit être révélé, donc.

Mais non, mon rêve s’est évanoui, les banques, l’oligarchie financière (d’ailleurs depuis la disparition de son mentor américain, Lyndon LaRouche, le groupe Solidarités & Progrès de Jacques Cheminade, a jeté l’éponge, du moins pour cette année ; ainsi, ce terme est moins employé même s’il nous reste le gaulliste candidat pour Jean Tibéri en 2001 à Paris, Asselineau). Eh oui, car ce sont les banques qui financent via des prêts de centaines de milliers d’euros, les mouvements politiques. Pourtant, me direz-vous, la Constitution du 4 octobre 1958 prévoit que les partis politiques concourent à la vie politique et il existe désormais un financement public lié aux résultats, en voix et en nombre de députés, des élections législatives. Oui, mais pour concourir, il faut de l’argent.

Pour une campagne électorale avec une information complète et totale, chaque liste devrait, ayant glané quelques informations à ce sujet auprès de compétiteurs, apporter 800 000 € et ces deniers seraient remboursés (il y a un plafond) à la condition de représenter 3 % du corps électoral exprimé. Environ un million de voix, enfin selon le nombre de personnes qui se déplaceront dans les isoloirs.

Je trouve 3 % un peu élevé. Même des élus importants de notre République ont parfois des difficultés à atteindre cet objectif : Jean Lassalle, homme apprécié des Français, n’a obtenu que 1,1 % des suffrages exprimés lors de la présidentielle de 2017 et l’Eurodroite avec Jean-Louis Tixier-Vignancour n’avait pesé que 1,3 % des suffrages lors des premières élections européennes en 1979 (rappelons que le Front national de Jean-Marie Le Pen en obtenait 11 % seulement cinq ans plus tard, en 1984). Toujours en 1979, le trio que l’on qualifierait aujourd’hui de populiste Malaud (qui deviendra président du CNIP), Médecin (l’ancien maire de Nice) et Poujade (du mouvement éponyme) n’obtint que 1,7 %….

Donc, une liste non connue (et même connue, parfois car une banque ne souhaite pas être associée au Rassemblement national, car dans « Rassemblement », il y a « Race », non ?) a peu de probabilités d’obtenir 3 % et donc, préalablement, d’obtenir un prêt. Alors, bien sûr, il y a les dons, les appels aux militants, aux proches, mais tout le monde n’est pas sponsorisé par les médias pour faire connaître un projet et des militants il en faut et ils doivent avoir quelques moyens. Tout le monde n’a pas le même répertoire que Macron ou Fillon.

Mon rêve s’est envolé. Il n’y aura ni 33 bulletins dans vos enveloppes, ni même 33 bulletins déposés sur les tables tenues par les employés de mairie le 26 mai.

Plutôt que de se lamenter, essayons de développer une alternative : celle du vote électronique. À l’heure de la digitalisation, il apparaît naturel d’utiliser ce type de procédé électoral pour choisir son candidat et éliminer les autres.

Alors, rêvons à nouveau : nous pourrions voter sans voir le regard courroucé du professeur des écoles, militant Insoumis sur la place publique (ou l’inverse), la dame âgée (Louise, voir plus haut) pourrait voter sans faire tomber son bulletin (LERM ou LR) ou/et sa canne, on pourrait éviter les banalités dominicales avec ses voisins (puisqu’on n’a pas le droit de parler de politique dans le bureau de vote).

Les hommes politiques ont peur des hackers ? Ah, la belle excuse, on connaît, depuis des années, les modes de fraude à petite ou à grande échelle de certains de nos édiles. Souvenez-vous, en 1983, le nombre considérable de municipalités d’union de la gauche qui avaient vu leur victoire annulée (pour fraude) et qui sont toutes, en presque, passées à droite lors de partielles organisées entre juin 1983 et les européennes de juin 1984. Parmi ces municipalités, Dreux qui vit la victoire avec plus de 55 % de l’union des droites, Front national compris.

À quand un projet de loi (ou une proposition mais un projet est plus certain quant à son résultat, puisqu’il émane du gouvernement) sur le vote électronique ?

Ce modèle électoral permettrait de sortir de l’hypocrisie : disposer d’un choix de 33 listes et de 2607 candidat(e)s serait alors une réalité et non une simple annonce médiatique.

Je sais cette proposition ne fait pas partie du Grand débat. Alors, si cela ne concerne pas le Grand débat, c’est comme l’immigration, on classe. Verticalement.

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