Quoi ? Encore un papier sur Nathalie Loiseau ! Nos lecteurs, qui ont du cœur, vont bientôt nous soupçonner d’acharnement. Pourtant, à propos d’acharnement, certains, dans son propre camp, auraient plutôt tendance à penser que c’est elle qui s’acharne, en fait, à couler sa propre campagne, un peu comme les pirates des aventures d’Astérix le font parfois de leur bateau.
Car, à chaque jour, une nouvelle sortie, généralement plus funeste que la précédente, quoique souvent moins désastreuse que celle à venir, suscite l’émerveillement des commentateurs politiques. Nathalie Loiseau sait qu’il n’y a pas de plus beaux défis que ceux qu’on se lance à soi-même.
D’où ce long entretien qu’elle vient d’accorder au Monde. On la dit très « critiquée » ? « Pour les opposants, attaquer la tête de liste de la majorité, c’est plus important que de proposer quelque chose pour les Français. » C’est donc pour cela qu’elle concentre toutes ses attaques sur Marine Le Pen. C’est-à-dire qu’elle fait l’inverse, mais en sens contraire. T’as raison, Zébulon !
On lui fait ensuite remarquer : « Vous avez mis en garde contre “un retour du fascisme en Europe” ? N’est-ce pas une manière de dramatiser ? » Non, car la situation est évidemment dramatique. La preuve ? « Marine Le Pen s’est rendue à Tallinn, en Estonie, mardi, pour rencontrer le ministre de l’Intérieur, qui a des gestes de suprémaciste blanc américain, qui dit “black must go back” ou qu’une femme de plus de 27 ans n’ayant pas d’enfant est un déchet de la société… »
Confondrait-elle avec d’éventuels propos tenus par ses anciens amis du GUD ? Toujours est-il que Marine Le Pen, invitée aux « 4 Vérités », sur France 2, réfute le tout en bloc, rappelant que le ministre incriminé est membre d’un « gouvernement centriste ». Au fait, ces mouvements que Nathalie Loiseau stigmatise ne seraient-ils pas issus des urnes ? Si. C’est compliqué, la démocratie ; surtout pour quelqu’un dont c’est le baptême du feu électoral.
Après, la question « godwinesque » : « Vous nous décrivez un retour aux années 1930… » La réponse est digne d’un dialogue entre professeur Tournesol et capitaine Haddock : « C’est justement pour cela que je me bats. Je ne veux pas d’un retour aux années 1930 ! » Je dirais même plus… Cédric Villani peut manger sa lavallière devant le concept. Car même dans ses plus folles équations, il n’aurait osé rêver de cette prospective rétroactive en forme d’incantation archéo-futuriste. Nathalie Loiseau, ce n’est plus Caliméro, c’est Capitaine Flam.
Seulement voilà, elle se prend ensuite les escarpins dans le tapis du salon quand assurant que le RN a « toujours fait le contraire à Strasbourg et à Bruxelles de ce qu’il prônait à Paris ». Si la chose était avérée, cela signifierait donc que ce mouvement ne présente pas le moindre danger. Ou alors que cela dissimule une réalité autrement plus noire : « Le groupe d’extrême droite qu’ils veulent constituer, c’est le groupe Poutine au Parlement européen. Par ailleurs, elle nous a expliqué qu’elle allait former ses cadres grâce à Steve Bannon. »
Au-delà de ces affirmations pour le moins fantasques, Nathalie Loiseau nous affirme que le RN serait un mouvement pro-américain et pro-russe à la fois, tout en persistant à refuser de dialoguer avec l’étranger car trop eurocentré. Là, c’est sa broche en forme d’araignée (au plafond ?) que Villani va bouffer.
En fait, elle avoue, dans un final façon feu d’artifice : « Je préférerais avoir comme principal adversaire une autre liste qui croit à l’Europe, même avec un projet différent. » C’est sûr qu’avec une liste unique pour tout le monde, ce serait autrement plus pratique.
Assez logiquement, on a pris la mesure du péril, chez LREM. Sur toutes les affiches électorales à venir, Nathalie Loiseau devrait ainsi disparaître, comme jadis les pigeons dans le chapeau-claque de Garcimore. À la place ? Emmanuel Macron en majesté.
Si ce n’est pas là un réflexe misogyne typique des « années 1930 », c’est qu’on a manqué un épisode de ce feuilleton tant jouissif que consternant.