Georges Feltin-Tracol
La chronique hebdomadaire du 11 mars dernier abordait l’existence méconnue des communautés arabes sur le sol américain. Penchons-nous aujourd’hui sur une conséquence de cette présence, à savoir l’islam, quand bien même tous les Américains d’origine arabe ne professent pas la foi musulmane.
Endroit par excellence du multiculturalisme, le Canada en compte environ 3% au point que le gouvernement provincial du Québec cherche à interdire toute ostentation vestimentaire, ce que ne peut accepter le gouvernement fédéral du libéral Justin Trudeau. Les musulmans aux États-Unis ne sont que 1%. La plupart sont des arrivants de fraîche date. La diaspora iranienne préfère ainsi la Californie. Bien des Noirs ont adopté l’islam à l’instar de Malcolm X dans les années 1960. Plusieurs organisations défendent l’islam. L’une des plus anciennes, des plus célèbres et des plus actives demeure Nation of Islam de Louis Farakhan. Elle souhaite la partition des USA et la formation d’un État afro-américain indépendant.
On recense respectivement 20%, 7% et 6% de musulmans dans trois États de l’aire Caraïbe (le Surinam, la Guyana et Trinité-et-Tobago). Si l’islam reste négligeable au Brésil, en Argentine, 2,5% de la population serait musulmane. Encore catholique, l’Amérique romane engendre en réalité un syncrétisme christiano-animiste et devient dorénavant la cible privilégiée des sectes évangéliques et du prosélytisme mahométan. Des prédicateurs, locaux ou venus d’autres continents, parlent sans arrêt des souratesauprès des populations indigènes les plus pauvres de l’Altiplano dans les Andes, en particulier en Bolivie, au Pérou et en Équateur.
La révolte zapatiste du Chiapas au Mexique en 1994 à l’initiative du fameux sous-commandant Marcos attira des imams téméraires. Ils parvinrent à convertir des familles mayas intriguées par cette foi qui inquiète tant le grand voisin du Nord. D’autres Mexicains, indigènes, d’ascendance européenne ou métis, ont eux aussi prononcé la chahada. Ils se justifient par un syllogisme audacieux : « Le Mexique a été conquis par l’Espagne. Or l’Espagne fut une terre d’islam. Donc le Mexique peut devenir musulman. »
Pour l’instant, l’islam maya s’inscrit dans la spiritualité soufie. Embryonnaire, cet islam mexicain n’est pas organisé et n’a toujours pas de structure officielle. Ne maîtrisant pas (ou très mal) l’arabe, ces fidèles lisent le Coran et écoutent les prédications en espagnol et en tzotzil, une langue maya. Cela n’empêche pas les autorités et le renseignement extérieur étatsuniens de les surveiller. Si l’islamisation de l’Amérique n’est pas d’actualité, il reste possible que la religion musulmane soit dans les prochaines décennies une alternative crédible au catholicisme conciliaire sclérosé et à la « théologie de la prospérité » des sectes néo-protestantes.
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• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n°126, mise en ligne sur TVLibertés, le 20 mai 2019.