Marc Rousset
Il en est en matière boursière comme en matière d’immigration. Les médias mentent et les boursiers se mentent à eux-mêmes, si ce n’est que les chiffres sont beaucoup moins truqués en matière économique et financière. C’est ainsi qu’après le recul des Bourses à plusieurs reprises pendant la semaine passée, jusqu’à 3,12 % en une seule séance pour le CAC 40, la bourse de New York a terminé en hausse de 1,42 %, le vendredi 4 octobre, sous le seul prétexte que le taux de chômage à 3,5 % était au plus bas depuis cinquante ans. Ce chiffre est contesté par de nombreux experts qui estiment le taux réel de chômage, aux États-Unis, à un minimum de 8 %.
En fait, les nouvelles ne sont pas bonnes puisqu’on nous avait annoncé, le 2 octobre, que l’activité du secteur manufacturier (indice ISM) aux États-Unis avait encore reculé en septembre pour tomber à son plus bas niveau depuis dix ans, tandis que le secteur privé a créé seulement 135.000 emplois en septembre, soit moins que le mois précédent et les attentes des analystes. La vérité, c’est que les créations d’emploi ralentissent, que l’augmentation des salaires stagne, que l’activité manufacturière diminue constamment (+3,5 % en septembre 2018, -0,4 % en août 2019), que le taux à 10 ans de la dette américaine est de 1,534 % (inversion de la courbe des taux). L’unique raison de la hausse de vendredi, à Wall Street, c’est que, suite à ces mauvaises nouvelles, il est à peu près certain que la Fed va baisser à nouveau ses taux d’intérêt fin octobre.
Le commerce mondial connaît une nette décélération constante (+4,6% en 2017, +0,5 % pour 2019) selon les dernières prévisions de l’OMC. L’Allemagne devrait entrer en récession au troisième trimestre 2019. L’indice PMI manufacturier, en raison de l’affaiblissement de la demande de biens d’équipement sur les marchés clés, est tombé en septembre à 49,1, soit en dessous du chiffre critique de 50, et son plus bas niveau depuis 2009. Quant à l’Italie, elle ne va pas sortir du marasme avec l’arrêt des investissements et de la progression des revenus, des gains de productivité trop faibles, une démographie défavorable, des banques dans une situation critique et une lourde dette de 134 % du PIB.
La France, avec une dette de 99,5 % du PIB, rejoint le « club » des pays surendettés dépassant les 100 % du PIB, soit les États-Unis (106 %), la Belgique (102 %), la Grèce (181 %) et le Japon (238 %).
Il suffirait que les rebelles houthis envoient de nouveau quelques drones sur des sites pétroliers en Arabie saoudite pour que les prix mondiaux du pétrole en baisse, suite à la récession économique, remontent à la verticale.
Les emprunts des États et des entreprises affichant des rendements négatifs viennent d’atteindre 17.000 milliards de dollars, soit 20 % du PIB mondial. Les fonds en euros d’assurance-vie, acheteurs obligés de ces titres, selon les réglementations prudentielles, continuent donc leur lente marche vers l’agonie en prélevant, pendant quelque temps encore, sur les réserves de la PPB (provisions pour participation aux bénéfices). Mais ces fonds seront un jour dans l’incapacité de faire face à la liquidité et de garantir le capital des épargnants.
Dès novembre, avec la nomination de Lagarde, se posera le problème de la survie de la zone euro. Ou bien les Allemands, tétanisés par les souvenirs de l’hyperinflation de 1923, tapent du poing sur la table et sortent de la zone euro avec, peut-être, les Hollandais et les Autrichiens, ou ils acceptent de sombrer lentement et inexorablement avec le navire européen, suite à la récession en vue, la perte de débouchés dans le monde et en Europe, et les difficultés supplémentaires pour leur économie que provoquerait une réévaluation du Deutsche Mark par rapport à l’euro.
L’Europe économique vit en fait, comme en matière migratoire, le supplice programmé de la mort de la grenouille dans sa casserole d’eau dont la température augmente régulièrement et inexorablement. La volatilité des Bourses augmente partout dans le monde et les épargnants français ont raison de se méfier des actions au moment où, véritable supplice de Tantale, Macron leur propose le plan d’épargne retraite (PER) avec la grande avancée de la déductibilité des versements du revenu imposable.