Il y a des jours où l’on deviendrait presque complotiste. Imaginez si un sondage en bonne et due forme avait enregistré une forte remontée de la cote de popularité d’Emmanuel Macron : un +5 points, par exemple. Imaginez les unes, les commentaires, les plateaux télé, les pâmoisons en direct, les tremblements de l’écharpe rouge de Christophe Barbier.
Mais pour un -5, rien. Ou quelques (rares) titres anodins, rassurants, fondus dans le gris de l’actualité de début novembre. Ouest-France ? « La cote de confiance d’Emmanuel Macron et Édouard Philippe en baisse. » Ah oui, en baisse comment ? Pourtant, il s’agit d’un vrai sondage d’Elabe pour Les Échos et Radio Classique, publié il y a quatre jours. Et d’un -5 de satisfaits qui se double d’un +5 de mécontents : une différence de 10 points en un mois ! 28 % de satisfaits, 65 % de mécontents ! Ce n’est pas rien. Un tel décrochage est historique dans la courbe d’Emmanuel Macron.
Réalisé en pleine période des polémiques sur le voile et sur la politique d’immigration du gouvernement, le sondage démontre que les Français ne sont pas convaincus par sa désinvolture en la matière : son « ponce-pilatisme » sur le voile et son coup des quotas n’ont visiblement pas convaincu. Pire : ils ont inquiété les Français.
Surtout, ce sondage enregistre un tournant historique dans la structure de la popularité du chef de l’État. Pour la première fois depuis deux ans, c’est sa base électorale du premier tour de la présidentielle qui se dérobe, doute, l’abandonne. À la fois en termes de classes d’âge et de catégories socio-professionnelles. Les jeunes et les actifs le lâchent : il perd 16 points chez les 25-34 ans, tombant à 22 %, et 12 points chez les 35-49, à 23 %, l’inquiétude née du flou entourant la réforme des retraites venant s’ajouter à la défiance sur les sujets liés à l’immigration. Chez les cadres, piliers du macronisme, la chute est aussi de 13 %, de 50 % à 37 % : c’est considérable, et révélateur. Chez les ouvriers et les employés, il accroît encore ses pertes, atteignant un plancher de 20 % d’opinions favorables seulement.
Autre signe révélateur : Macron décroche dans l’électorat de droite : -8 % chez les électeurs de François Fillon. Tout cela devrait encourager ceux qui, à droite, rêvent d’une alliance entre le peuple, dont l’anti-macronisme est massif et définitif, et les classes moyennes et les cadres qui sont en train de se détacher de lui mais qui attendent d’être rassurés par un programme, une équipe et des perspectives crédibles. La victoire et l’alternance ne se gagnent pas seulement sur la faiblesse de l’adversaire.