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Besoin séculaire d'un gouvernement

6a00d8341c715453ef0240a4d0686e200d-320wi.jpgLa séquence que nous vivons ces jours-ci peut hélas se prolonger. En cette fin d'année, nos géniaux technocrates et stratèges gouvernementaux auraient quand même pu noter certains points de détail de terrain. Par exemple, le 13e mois des salariés de la SNCF leur étant versé le 15 de ce mois de décembre, ils pourront tenir sans trop souffrir leur perte de rémunération. À la RATP, en cette période hivernale, les frimas rendent tout à fait plausibles des arrêts maladies, techniquement plus pénalisants pour l'organisation du travail que les grèves déclarées 48 heures à l'avance.

Bénéficiant eux-mêmes de gros avantages, nos technocrates et nos maîtres peuvent afficher un élégant détachement de certaines contingences propres au petit peuple. Ils en dénoncent dès lors, au nom de l'égalité, ce qui lui tient lieu d'une épargne impossible dans le contexte : du fait de l'hyper fiscalité hexagonale, des monopoles assurantiels sociaux et de la société de consommation.

Ainsi cet excellent Delevoye qui, si j'en crois le journal Capital[1],une publication gauchiste pour sûr, encaisse chaque moisoutre ses émoluments de ministre, deux pensions de retraite : comment saurait-il admettre les [odieux] privilèges de ces gens qui travaillent dans les couloirs du métro ou qui réparent les caténaires du chemin de fer ?

Mais on doit relever d'abord, comme cause aggravante de la galère imposée aux usagers des transports publics, la cacophonie au sein même du pouvoir. Dans le dossier de la réforme des retraites, cela soulève une question qui préoccupe depuis fort longtemps les trop rares Français soucieux du bien public.

Joffrin, de par le pseudonyme qu'il a choisi, se trompe presque toujours de métro. Quand il descend à la bonne station, on doit y voir l'effet d'une double erreur. Il voulait donc focaliser, dans son éditorial de Libération du 9 décembre, la crise actuelle sous l'angle de la rivalité entre CGT et CFDT[2].

Une telle concurrence entre les deux grandes centrales syndicales, pourrait être tenue pour un des derniers reliquats de démocratie dans notre pays.

On devrait s'interroger cependant sur une contradiction beaucoup plus grave, selon votre serviteur, parmi les princes qui nous gouvernent et peut-être d'abord sur l'absence de pilote dans l'avion.

Il ne s'agit pas, en effet, d'une conjoncture occasionnelle, due à l'élection par défaut en 2017 d'un candidat qui n'avait guère pour lui que sa nouveauté. Les prédécesseurs communiquaient souvent de manière plus légère, moins dérisoire, mais ils n'ont guère mieux fait. Et le mal séculaire de la gouvernance du pays s'est traduit, de la sorte, par son affaiblissement durable.

Une illusion d'autorité fut créée en 1958, consolidée par une constitution taillée sur mesure pour le fondateur de la Cinquième république. L'édition précédente votée en 1946 avait conduit à une série de crises non résolues et d'humiliations. On imagina donc de recourir à un chef plébiscitaire, héritier du bonapartisme et du boulangisme. On voulut museler la représentation nationale.

En conclusion de son livre sur la Ratification du traité de Versailles, Beau de Loménie place "la phrase de Charles Benoist : Ce traité exige de nous la chose la plus rare et la plus fragile : un gouvernement. [3]"

Car, dans le débat auquel le livre est consacré on découvre que les pires sottises et les plus gros mensonges sont proférés, du banc du gouvernement, et par l'insubmersible parti ministériel qui gouverne la France, aussi mal dans notre régime plébiscitaire comme il y a un siècle, en 1919.

Les tares du traité firent l'objet, l'année suivante à partir de 1920, des livres de Bainville, quant aux garanties géopolitiques, et de Keynes, quant aux conséquences économiques des réparations

Or, toutes ces erreurs complémentaires avaient été dénoncées et argumentées avec précision lors du débat parlementaire, entre août et octobre 1919, à la Chambre des députés,

  • par la droite largement consciente des faiblesses du traité,
  • ainsi le 26 août 1919, c'est le député conservateur des Côtes-du-Nord Louis de Chappedelaine, qui allait ouvrir le débat par un diagnostic exact des faiblesses du traité et un pronostic très juste du redressement de l'Allemagne vaincue.
  • le lendemain 27 août ce fut l'historien, membre de l’Institut, Charles Benoist, rapporteur de la question de nos frontières orientales, qui développa à son tour les erreurs qui allient perdre le pays, malgré sa victoire si chère payée[4].
  • cependant que la gauche s'accrochait à ses illusions internationalistes et mondialistes.
  • quant au gouvernement Clemenceau, il se révéla aussi médiocre, mensonger et incompétent sur l'ensemble des traités de paix que l'est aujourd'hui son successeur lointain sur le dossier des retraites.
  • car, outre le ministre des finances Klotz, inventeur du fameux slogan "l'Allemagne paiera", outre Loucheur qui endormit l'opinion sous une avalanche de chiffres faux et de milliards factices, outre Clemenceau lui-même chef du gouvernement, ce fut son collaborateur André Tardieu principal rédacteur du traité qui mentit le plus effrontément : "Entraîné par l’excès de sa propre assurance, écrit Beau de Loménie, et en réponse à Charles Benoist et Albert Thomas qui avaient demandé pourquoi le gouvernement avait cédé aux instances de nos Alliés, il déclaraitNous n’avons point cédé ; nous avons choisi. La solution que nous avons adoptée nous paraît la meilleure.[5]"

On mesura le résultat, 20 ans plus tard quand recommença la seconde guerre mondiale, suite de la première ; de même l'on peut prévoir que tous les 10 ans l'absence d'un vrai gouvernement conduira à une nouvelle crise des retraites et de la sécurité sociale.

Comme on le voit, le mal séculaire n'a toujours pas été guéri.

JG Malliarakis

Apostilles

[1] cf.  article "Le joli bonus financier qu'empoche Jean-Paul Delevoye au gouvernement"
[2] cf. sa Lettre politique "Le duel Martinez-Berger" "C’est le conflit dans le conflit,écrit-il , qui redouble la bataille qui oppose gouvernement et syndicats. Celui-là est pour l’instant feutré mais il influera sur l’avenir des relations sociales en France. C’est le duel CGT-CFDT, Martinez-Berger."
[3] cf. p. 195 du livre "La Ratification du traité de Versailles" par Emmanuel Beau de Loménie ed. Trident
[4] cf. ibidem p. 53.

https://www.insolent.fr/2019/12/besoin-seculaire-dun-gouvernement.html

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