Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La peur des minorités et le cadenas législatif

Pleven, Gayssot, Avia, la peur qu’éprouvent certaines minorités et la peur qu’elles diffusent autour d’elles conspirent à élaborer un véritable cadenas judiciaire à travers lequel la liberté de penser trouve de moins en moins son compte et où la simple justice est oubliée. Police de la pensée et insincérité obligatoire : l’espace public devient un enfer. GT

Depuis le 28 septembre, la chasse est ouverte. Presse, pouvoirs publics, justice, firmes italiennes de pâte à tartiner à la grande conscience, tout le monde veut la peau de celui qui a osé prendre la défense du mâle blanc hétérosexuel catholique, et dénoncer l'Islam comme religion d'occupation. Faites-le taire ! Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ! Le pilori serait encore une peine trop douce. Le système veut la tête, la mise à mort sociale d'Eric Zemmour. La Justice s’associe pour son déshonneur à cette odieuse et pernicieuse censure. Elle poursuit le paysan du Danube, celui qui, avec des mots tranchants et désagréables, a le courage de désigner les plaies à vif de sa patrie blessée. Le polémiste qui nomme le mal provoque à la guerre civile : il est donc poursuivi pour incitation à la haine, et diffamation raciale.

Comment en est-on arrivés là ? La loi sur la presse du 29 juillet 1881 ne pénalisait que les provocations à commettre des infractions, les délits contre la chose publique offense au chef de l'État, etc. ), et les atteintes aux personnes, comme l'injure, ou la diffamation, qui est le fait d'imputer à autrui ou à un corps un fait de nature à porter atteinte à son honneur. Mais, en 1972, le législateur veut aller plus loin, et dans la loi Pleven, il réprime deux nouveaux délits la diffamation et l'incitation directe à la haine et à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes à raison de son origine, de son appartenance ou de sa non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. Ces dispositions sont complétées en 2004 par l'incrimination des diffamations, et incitations à la haine et à la discrimination à raison « du sexe, de l'identité de genre ou de l’orientation sexuelle ».

Un basculement remarquable

La vertu de justice, comme chacun sait, consiste à rendre à chacun ce qui lui est dû. Le juriste veille à ce que chaque personne, ou chaque corps constitué, reçoive la part de biens qui lui est dévolue. Le juge est donc légitime pour réprimer les propos qui rongent injustement la réputation d'autrui.

Or, la loi Pleven crée de toutes pièces un nouveau sujet de droit : le groupe désarticulé d'individus. Cette entité inédite rassemble tous les individus qui partagent une origine, un sexe, une orientation sexuelle ou une sexualité commune. Le groupe ne correspond à aucun corps constitué, à aucune communauté réelle : il est seulement une essence partagée. La loi distingue donc, et consacre, au sein du corps social, des communautés caractérisées par un concept, auxquelles elle accorde des droits. Cette consécration légale génère un phénomène d'identification. Pour ne prendre qu'un exemple, qui aurait cru que l'homosexualité, privée et individualiste par essence, deviendrait un facteur d'identité, le dénominateur d'une communauté, le générateur d'une culture bourgeoise ? La loi est donc l’artisan d'un multiculturalisme de contrebande. Singeons Saint-Just elle crée des factions. Et elle donne à ces factions un visage ce sont les associations de défense des « groupes », qui peuvent saisir le juge, sans même une plainte de la victime, pour obtenir la condamnation des contrevenants, et de lourds dommages et intérêts. Assistez à une audience de la 17e chambre correctionnelle vous assisterez à la lutte sans merci que se livrent, en douce France, les communautés antagonistes hérissées de droits.

Or, à bien y réfléchir un groupe ne peut pas subir d'injustice : il n’a pas d'existence concrète, ni de réputation à préserver. Le groupe étant seulement caractérisé par un concept, c'est la critique de ce concept qui devient prohibée. Le juge cesse de dire le juste ou l'injuste, pour sanctionner le contenu de la pensée.

La non-violence contre la justice

Prenons un exemple : Si j'insulte les riches, je profère un propos désagréable, moralement condamnable, antisocial, mais je ne commets pas une injustice puisque ma parole est impersonnelle. Le groupe « riches » n'a pas de réputation à perdre. Dans le système Pleven, si je dis que l'essence « riches » est méprisable, je suis susceptible d'être condamné par la loi, pour la simple raison que ma pensée heurte le groupe protégé. L’objectif de la loi n’est donc plus de sanctionner une injustice, mais de prévenir le heurt entre pensées.

Car le critère de la légalité ou de l'illégalité est celui de la « violence ». On peut être violent par l'insulte, mais aussi par le simple rappel de vérités désagréables. Qu’elle soit vraie ou fausse, l’affirmation tranchée blesse le groupe; elle l’oppresse, elle le stigmatise. Elle doit donc être retranchée du discours public. Le groupe a pour caractéristique essentielle d'être « fragile » de ne pas supporter la contradiction, ou l'adversité, d'où peut émerger la vérité. En même temps qu'elle renforce les groupes protégés, la loi les enferme dans un-champ clos, où ils ne peuvent entendre que des paroles agréables, qui les confortent dans leur singularisation. Et c'est ainsi que le jugement se perd...

Circonstance aggravante l'infraction d'incitation à la haine est désespérément floue. Personne, dans la vraie vie, n'appelle à haïr un groupe. La haine est par ailleurs une passion essentiellement individuelle. Tout dénigrement du groupe ou de ses membres sera donc susceptible d'être interprété, suivant les variations jurisprudentielles, comme une incitation à la haine. Ce qui sous-tend le jugement, c'est le sentiment supposé qui inspire la parole litigieuse. Souvent, le couperet tombera si l’on croit percevoir que, dans sa critique, l’orateur éprouve de l’aversion pour l’essence qui fait le groupe. Le juge sonde donc les reins et les cœurs, pour réprimer le sentiment déviant. Cette immixtion totalitaire crée une situation d'inhibition, d’énervement latent, propre à nourrir les inévitables tensions nées du vivre-ensemble, et à retarder l'infaillible déchaînement des passions.

Une justice victimaire

La protection de groupes privilégiés ne tiendrait pas sans Histoire officielle qui la légitime. Nul ne songe à punir l'incitation à la haine des riches, car nul n'a pitié d'eux. En revanche, si l'on punit les paroles violentes contre les homosexuels et les immigrés, c'est parce que ces communautés sont, de toujours, considérées comme victimes. Victimes, les homosexuels affichés qui appartiennent plutôt aux strates supérieures de la société. Victime, l'Islam, coupable de siècles de réduction en esclavage des chrétiens - et de l’Afrique noire.

Quant à la France et à l'Église outre qu’elles sont du mauvais côté de l'Histoire, ce sont des corps vivants, organiques, constitués. Or, seules les incitations à la haine perpétrées contre des « groupes » désarticulés sont réprimées, pas celles commises contre les « corps » constitués.

Les dernières évolutions législatives confirment le juge comme censeur de l'histoire. Elles interdisent de nier, minorer ou banaliser de façon outrancière l'existence d'un quelconque crime de génocide, crime de guerre, crime contre l'humanité ou de réduction en esclavage du moment qu'il a fait l’objet d'une condamnation pénale. (Loi égalité et citoyenneté du 24 janvier 2017).

Or, les Tribunaux se sont surtout illustrés, dans l'Histoire, par la condamnation d'illustres innocents (Socrate, Jésus-Christ, Jeanne d’Arc, etc.). La loi confie donc au juge, faillible et influençable, le soin de graver dans le marbre l'histoire officielle que nul ne pourra nier. Non seulement l'histoire ne pourra plus être niée : mais elle ne saurait être discutée, ni pondérée, ni minorée.

Enfin, un nouveau cap sera franchi avec l’actuelle proposition de loi Avia, votée par les députés en première lecture le 9 juillet 2019. Elle cherche à lutter contre toute « idéologie haineuse, qu elle soit raciste, antisémite, anti-musulmans, homophobe ou sexiste ». Que le chrétien relise lentement cette phrase : il comprendra à quel point le législateur se soucie de sa défense. Selon cette proposition de loi, les grands opérateurs de plateformes en ligne (Google, Facebook, etc.) seront sommés de supprimer tout message manifestement illégal dans un délai de 24h après notification, sous peine d'encourir une amende du CSA pouvant atteindre 4 % de leur chiffre d'affaire mondial.

De tout cela on déduira que notre droit de la presse est totalitaire. Il ne cherche pas à prévenir l'injustice, mais, par la réduction des mots, la maîtrise de l'histoire, la recherche inquisitoriale des intentions, à maîtriser la pensée. Sous prétexte d'empêcher tout heurt entre communautés, il empêche la critique de la division du corps social, et la franche discussion des désaccords entre groupes. En tarissant le dialogue, il creuse le fossé entre les factions, en attendant l'inévitable partition.

Que faire ?

Beaucoup d’esprits libres réclament la suppression de ces lois au profit d'une totale liberté d’expression. Il me semble qu'ils se bercent d'illusions. La parole publique a toujours été limitée. Si les actes blessent, les paroles le peuvent davantage. On ne voit donc pas pourquoi elles échapperaient à la juridiction. Les paroles peuvent être injustes envers autrui injustes envers la chose publique, injustes envers Dieu. Elles peuvent répandre une vulgarité morale avilissante. À ce titre, il est nécessaire que les citoyens menacés de l'injuste flétrissure des mots trouvent un Tribunal pour réhabiliter leur honneur.

Mais nous devons dire que la sanction de l’expression ne peut se faire qu'au nom de la justice. Or, la justice se borne à établir l'harmonie des relations. Son domaine n’est pas celui des sciences intellectuelles. La censure des opinions divergentes est non seulement néfaste, mais inefficace. Tout au plus la justice peut-elle contenir ce qui heurte frontalement le bien commun. Mais ce contrôle doit se faire avec d'infinies précautions : car la première exigence de la justice est que l'on puisse librement, et contre l’ordre établi, dire la vérité, dût-elle blesser ou offenser. La justice, qui est la seule harmonie, s'épanouit dans la vérité, et donc dans liberté de ton. En réhabilitant la justice, nous parviendrons à réhabiliter cette idée que dire son fait à son frère, c'est vraiment le respecter.

Par Grégoire Belmont, Avocat à la Cour monde&vie 24 octobre 2019

Les commentaires sont fermés.