Il est naïf de penser que la réforme des retraites vise à viabiliser le système de répartition sur le temps long. D’abord parce que toute réforme sociale sans mesures radicales sur l’immigration est une entreprise inconséquente par nature, que le projet concerne les retraites comme l’école, les prisons ou les hôpitaux. Ensuite parce que les visées de l’exécutif sont, comme souvent, d’abord électorales et court-termistes.
La mort programmée du système
Au gouvernement comme parmi les Français, peu croient encore à la viabilité du régime des retraites. Ce constat semble partagé dans tout le spectre de la population, des jeunes actifs aux personnes âgées. Fatalistes, les premiers devinent qu’ils cotisent contraints et forcés pour une assurance retraite obligatoire dont ils ne verront jamais la contrepartie à la fin de leur carrière. Craintifs, les seconds redoutent un effondrement anticipé du système, entraînant une baisse drastique de leur pension mensuelle et, plus généralement, de leur rente.
Les gagnants
Paradoxalement, c’est d’abord vers ces retraités craintifs que la réforme se tourne. Le programme d’Emmanuel Macron en 2017 prenait d’ailleurs bien soin de le préciser : pour eux, rien ne changera. Les personnes âgées ont en effet besoin que tout change pour que rien ne change pour eux. La réforme les rassure car elle prétend pérenniser le système, au moins pour un temps. Conséquence logique : les retraités sont la seule tranche de la population soutenant majoritairement la réforme.
En réformant les retraites sans toutefois toucher aux pensions des retraités dont le poids démographique menace pourtant la viabilité du système, Emmanuel Macron compte avant tout conforter son socle électoral. Un tiers des plus de 65 ans a voté Nathalie Loiseau aux européennes. Un poids considérable, les personnes âgées étant la tranche de l’électorat la plus mobilisée lors des élections. L’horizon de l’exécutif n’est pas 2025 – date à partir de laquelle la réforme des retraites commencerait progressivement à s’appliquer – mais 2022. Échéance pour laquelle Macron aura à nouveau besoin d’un soutien clair et massif des plus de 65 ans pour s’assurer la victoire.
Les perdants
Dans le même temps, Édouard Philippe a annoncé le 11 décembre dernier que les personnes nées avant 1975 ne seront pas concernées par le nouveau système. Quand l’un des principaux arguments avancés pour faire accepter une réforme repose sur son report dans le temps, c’est que la première génération concernée par son application sera lésée par rapport aux précédentes.
Et en l’espèce, ceux qui se verront appliquer la réforme seront les actifs de 30-50 ans. Or cette tranche constitue le cœur sociologique de l’électorat du Rassemblement National. La génération des actifs sur le dos de laquelle tout le système de retraite par répartition repose, mais aussi celle des parents qui s’inquiètent pour l’avenir de leurs enfants, la première génération à avoir grandi avec l’immigration de masse, celle des Gilets Jaunes originels, celle animée par un double sentiment de déclassement et de dépossession.
Pas de victoire sans les retraités
Si le RN parvient à séduire l’électorat des actifs, celui des retraités constitue pour lui un véritable boulet électoral : au second tour en 2017, Marine Le Pen n’avait réalisé que 22 % des voix chez les plus de 70 ans.
Photo du vote selon l’âge
Il est tentant de pester contre une génération qui semble accorder plus d’importance au maintien de ses revenus qu’au destin de son peuple. Mais si victoire électorale il doit y avoir, il ne faut pas insulter les retraités, mais les rassurer. Ne serait-ce que parce que dans nos sociétés occidentales vieillissantes, il n’y a pas de victoire électorale sans percée chez les personnes âgées. Des États-Unis à l’Italie en passant par le Royaume-Uni ou la France, il est très difficile de gagner avec un retard tel que celui du RN dans cette tranche d’âge. La victoire ne peut passer que par l’union des actifs des classes moyennes et populaires et d’une partie des personnes âgées. Les uns doivent être sur-mobilisés, tandis que les autres doivent être rassurés, au moins pour une partie d’entre eux.
Les retraités ou les immigrés
Or, sur la question des retraites, la lutte contre l’immigration et la mise en œuvre de mesures de remigration sont objectivement les meilleurs moyens de mobiliser un électorat inquiet pour sa pension. La raison est mathématique : démographiquement, les papy boomers et les immigrés sont deux populations en pleine croissance. Les actifs français ne pourront plus indéfiniment porter sur leur dos le poids toujours plus lourd de deux populations dépendant des pensions et des aides. Dans la décennie 2020 à venir, les gouvernements français devront faire des choix et nécessairement réduire les droits des uns pour continuer à financer ceux des autres. Faire infuser cette donnée dans l’électorat retraité constitue sans doute un levier – parmi bien d’autres – d’une victoire dont l’imminence apparaît chaque jour plus vitale et nécessaire.
Cyril Raul
Texte repris du site de : Les Identitaires