Le syndicat CFTC de la métallurgie des Yvelines a publié un certain nombre d’articles à ce sujet, dont voici une synthèse.
Cette réforme comporte 5 volets que nous vous proposons de considérer séparément. Quant au conflit social qui bloque les transports ferroviaires, un éclaircissement s’impose également, ce qui nous fait 6 points dans cet article.
1/ Le régime de la CNAV (sécurité sociale) serait en déficit du fait de la pyramide des âges. C’est exact que la démographie, pyramide des âges et allongement de l’espérance de vie, crée un déséquilibre. Mais le déficit du système est également –et surtout – dû à la baisse des rentrées d’argent, liée au chômage et à la concurrence sociale déloyale des pays à bas coûts de main d’œuvre, et au manque de patriotisme des consommateurs. C’est une vraie question que l’on n’entend pas débattue dans les medias et dont vous pouvez parler en famille ou avec les collègues. En réalité, le déficit envisagé (3 ou 4 Md€) est modeste comparé au budget de la CNAV (400Md€), soit 1%. En tout état de cause, retarder l’âge de la retraite, avec la difficulté qu’ont les séniors à trouver un travail, c’est transférer la dépense sur l’assurance chômage, ce qui permettra ensuite de « vendre » une précarisation accrue des travailleurs sous prétexte de « libération de l’emploi ».
Ajoutons au passage que le gouvernement, en confiant aux partenaires sociaux la détermination de la valeur de service du point, se débarrasse d’un gros problème…et confie les clés du camion “retraites” à des pilotes qui n’ont pas les commandes, puisqu’ils ne peuvent pas agir sur les entrées d’argent dans les caisses. Si seulement les partenaires sociaux pouvaient définir des taxes sociales aux importations, on aurait résolu une partie du problème.
2/ les régimes autonomes sont privés et gérés paritairement. Ils ne privent personne et sont adaptés aux branches concernées. La réforme est une nationalisation/confiscation, et un déni de savoir-faire vis-à-vis des partenaires sociaux. C’est aussi une façon de vider ces branches de leur substance, pour accélérer cette fameuse réforme décidée lors des lois Rebsamen et El Khomri.
3/ les régimes spéciaux de EdF, de la SNCF et de la RATP, entre autres, doivent être réformés parce qu’ils ne sont pas autonomes, eux : ils prennent sur la CNAV alors que les salariés ne cotisent pas la durée prévue par la CNAV (Assurance vieillesse). Ils fonctionnent donc en parasites, et l’Etat, qui garantit le budget de la Sécu dont fait partie la CNAV, a raison de vouloir les intégrer à un régime commun. La question est très différente de celle des régimes autonomes, qui servent de monnaie d’échange dans le projet gouvernemental, gage donné (en vain) aux bénéficiaires des régimes spéciaux.
Pour ces 3 premiers points, techniques, le Gouvernement a répondu par une solution technique « universelle » : la retraite par points. Par exemple Chaque 10 euros gagné ouvre droit à 1 point de retraite. Mais même cette équation simpliste est injuste, car il y a des euros difficilement gagnés et des euros injustement et trop facilement gagnés. Tous euros ne se valent pas. C’est la question, entre autres, de la pénibilité.
4/ la réforme est financière dans la mesure où elle mettra sur les marchés financiers de grandes sommes d’argent qui, pour l’instant, échappent aux circuits assuranciels et bancaires du fait de la re-distribution immédiate. A terme, l’incertitude sur la retraite par répartition amènera la population qui le pourra vers plus de retraite par capitalisation. On les voit venir, tous ces organismes de conseil en placements…..qui cherchent à remplir les bulles spéculatives qui enflent avec votre épargne, quitte à vous la faire perdre lors du prochain krasch.
5/ La réforme est surtout sociétale, doublement, d’ailleurs : D’une part, vis-à-vis des familles : les meilleures années de la vieillesse, jadis dévolues à « l’art d’être grand père » ou grand-mère, seront orientées vers l’activité productrice. Les grands parents jouent un rôle déterminant dans le soutien logistique des familles accaparées par le double salaire devenu pour ainsi dire obligatoire, et dans la transmission de certaines valeurs. Partir à la retraite après 64 ans, c’est un coup dur pour la cohésion familiale, c’est un pas de plus (après beaucoup d’autres) vers la séparation enfants/familles.
D’autre part, l’incertitude sur les moyens pécuniaires des personnes âgées en feront des acteurs économiques peu fiables. La paupérisation aura un impact sur la décence de l’habitat, sur la possibilité de se faire aider à la fin de la vie, avec, on s’en doute, le re-surgissement de la revendication euthanasique. Et c’est toute notre compréhension de la dignité humaine qui sera remise en question, mais ne l’est-elle pas déjà ?
6/ Lors des concertations avec les organisations syndicales, le gouvernement a pris en compte des revendications CFTC au sujet de la reconnaissance du travail familial (majoration de 5% dès le premier enfant, sans plafonnement), de la solidarité familiale (réversion). C’est embryonnaire, mais c’est un ajustement qu’il faut garder, quelle que soit l’issue de la contestation. A propos des grèves, la position de la CFTC est simple : la grève est un ultime recours lorsque la situation est dans une impasse ; c’est peut-être le cas… encore que tout rapport de force crée un perdant qui n’a de cesse de construire sa revanche, et tout le monde y perd. S’il faut une grève, elle doit toujours mettre la pression sur la partie « adverse » et non sur les personnes fragilisées ou vulnérables. Or, typiquement, c’est ce qui se passe avec la grève des transports ferroviaires. Le transport public est d’abord une obligation d’Etat liée à l’aménagement du territoire. La grève des cheminots est injuste parce qu’elle touche les gens avant de toucher le Gouvernement. Elle doit cesser. Elle est également illégale, car un accord de « service minimum » avait été signé naguère (par la CFTC, qui l’a payé de sa représentativité ensuite), accord qui prévoyait un trafic normal aux heures de pointe. La notion de « bien commun » est étrangère à ces grévistes, alors que c’est précisément leur régime de retraite qui plombe les équilibres de la CNAV.
Conclusion : c’est là que l’on remarque que le « logiciel » de combat de la CGT n’a pas changé en dépit de ses apparences réformistes : ils cherchent le coup de force, la déstabilisation en faisant des victimes collatérales. Celui de la CFDT est constant : il s’agit d’être dans l’accompagnement de l’air du temps. Celui de la CFE-CGC est de se battre pour les CSP+ (ils font une fixette sur les revenus supérieurs à 120k€) et celui de la CGT- FO est actuellement aligné sur la CGT puisqu’on parle de service public, secteur protégé où FO est particulièrement et historiquement présent.