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Un chiffrage de l’enjeu de la fraude sociale est-il possible ?

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Un chiffrage de l’enjeu de la fraude sociale est-il possible ? La réponse à cette question est très importante lorsqu’on entend les spécialistes évoquer les montants estimés d’une telle fraude ! Mais, sur ce sujet, l’omerta politique règne malgré quelques initiatives isolées de parlementaires effrayés par les proportions de cette fraude. Et il semblerait que les puissants ne veulent pas voir la vérité être révélée au grand jour ! Heureusement, André Posokhow est là. Dans une série de quatre article, il va s’attacher à étudier en profondeur la question. Voici son premier texte.
Polémia

Dans une première note, parue le 3 août 2019 sur le site de Polémia, nous avons tenté de faire le point sur la problématique de la fraude sociale soulevée depuis plusieurs années par le magistrat Charles Prats et la sénatrice UDI Nathalie Goulet. Afin d’apporter des réponses  aux critiques et aux interrogations de ces lanceurs d’alerte qui se sont heurtées à de fortes réticences et qui ont soulevé une controverse qui fait toujours rage, Matignon a confié une mission d’enquête à N. Goulet et à la députée LREM Carole Grandjean avec une mission d’évaluation de cette fraude.

Ces deux parlementaires ont rendu un premier rapport d’étape au début de septembre 2019 et un rapport définitif au début de novembre. Mais ce rapport définitif ne clôt nullement la question puisqu’il n’aboutit à aucune évaluation chiffrée, celle-ci ayant été jugée comme impossible et surtout « inopportune politiquement ».
En fait cette question de la fraude sociale et de l’estimation de son coût se trouve aujourd’hui  dans une impasse.
C’est pourquoi Polémia va tenter dans les quatre articles qui suivent de faire le point sur l’enquête menée par les deux parlementaires et présenter une estimation de l’enjeu potentiel de la fraude sociale.
Nous précisons qu’il a été choisi de ne pas se lancer dans la présentation de cas de  fraudes particulièrement scandaleux pour illustrer notre propos. Il faudrait pour être complet une encyclopédie en plusieurs volumes. Ce n’est pas notre propos.
Pour plus de détails nous renvoyons le lecteur au lien d’une étude réalisée en 2015 : https://www.polemia.com/wp-content/uploads/2020/01/La-fraude-sociale-Etude-Posokhow.pdf.

Des rapports parlementaires sur la fraude aux prestations sociales sans évaluation chiffrée de son coût

Un rapport d’étape choc sur la fraude aux prestations sociales

Les deux parlementaires, Nathalie Goulet et Carole Grandjean, ont rendu un rapport d’étape choc au début du mois de septembre à l’occasion d’une conférence de presse tenue le 3 septembre qui fit beaucoup de bruit dans les médias. Les conclusions ont été présentées dans la note Polémia du 4 septembre 2019 à laquelle nous renvoyons le lecteur.

On peut retenir quatre points essentiels.

  • En premier lieu, les constats de la mission mettent en évidence de graves incohérences et un laxisme ahurissant dans la gestion des fichiers du Répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP).
  • Les deux parlementaires avancent d’ores et déjà un certain nombre de recommandations, comme la limitation de la durée de vie des cartes Vitale.
  • Elles ont annoncé que, dans un délai de un à deux mois, elles présenteraient une évaluation chiffrée de la fraude aux prestations sociale.
  • Elles ont avancé sur la place publique, sur la base d’une étude de l’université de Portsmouth et du versement par la France de 450 milliards de prestations sociales, une estimation entre 3 et 10 % de ce montant, du niveau de fraude sociale dans notre pays. Ces ratios placeraient le montant de la fraude entre 13 et 45 milliards d’euros par an.

Des réactions virulentes des organismes de sécurité sociale (SS) et de l’INSEE

Le 5 septembre, les organismes de SS et l’INSEE, visiblement contrariés, ont souhaité rappeler dans un communiqué, d’une manière détaillée et fouillée, les règles de fonctionnement et les principaux dispositifs existants pour l’immatriculation et le versement de prestations sociales.

Selon ce communiqué, les méthodes de détection et de contrôle de la fraude sociale en France seraient particulièrement efficaces. Il est en effet rappelé qu’en “2018, la fraude détectée par l’ensemble des branches et régimes de sécurité sociale s’est élevée à 1,2 milliard d’euros contre 860 millions en 2014, soit une augmentation de près de 43% en quatre ans”.

Soulignons les différences de point de vue. Les chiffres des parlementaires sont des évaluations d’une fraude globale alors que l’administration ne cite que ceux des fraudes qui ont simplement fait l’objet d’une détection, par nature partielle.

Tout cela se passe dans un climat de très grande tension. C.Prats a dénoncé dans Boulevard Voltaire l’agression violente et incompréhensible par la presse et les organismes sociaux des deux parlementaires qui étaient tout de même missionnées par le gouvernement. Ces réactions montrent, d’une part, l’alliance objective de l’idéologie et des procédés gauchistes avec les intérêts bien compris de certaines administrations et, d’autre part, que cette problématique contient des zones d’ombre que beaucoup souhaitent ne pas voir lever.

Un rapport définitif qui reprend et approfondit le rapport d’étape

Le rapport définitif a été remis sur le bureau du 1er ministre le 5 novembre et la sénatrice s’est lancée dans le dépôt d’amendements dans le cadre du Projet de Loi de Finances (PLF) de 2020 de la SS.

Des constats toujours accablants

Pour N. Goulet, sa conviction est que « cette fraude sociale ce n’est pas la faute du pauvre ! C’est de la vraie fraude, organisée, pas du petit bricolage de survie…. Notre système est pillée par des réseaux bien organisés ». Pour Nathalie Goulet, la fraude aux prestations se cache à tous les étages.

Les fraudeurs sont très créatifs et les types de fraude multiples : fraudes à l’état civil, à l’identité, à la composition familiale, au lien de parenté, à la déclaration de décès, à la nationalité, à la résidence, au logement, aux documents et attestations médicales, ou encore fraudes aux déclarations de ressources et de patrimoine, à la dissimulation d’activité, aux coordonnées bancaires, au RSA, fraudes transfrontalières ou celle des entreprises.

La sénatrice entend pointer du doigt la question du nombre de cartes vitales en circulation qui lui semble surréaliste : « Nous sommes environ 66,9 millions de Français. Si on enlève les 12,8 millions de 0 à 16 ans qui ne sont pas obligés d’avoir une carte Vitale, on arrive à un trou de… 5 millions de cartes par rapport aux 59,4 millions de cartes actives qu’annonce la Sécurité sociale dont on ne sait pas d’où elles sortent, c’est le paradis des morts-vivants ! »

Copier le système belge interconnecté qui marche ?

Les deux parlementaires ont constaté notamment « un manque de coordination et d’échanges de données » entre administrations, ce qui facilite la fraude. Elles préconisent notamment de s’inspirer du modèle belge de la banque Carrefour de la sécurité sociale. Celui-ci est constitué par une interconnexion et un croisement automatisé des fichiers du fisc et de la SS pour détecter les bénéficiaires des prestations suspectes et il semblerait qu’il marche bien.

Douze recommandations novatrices

N. Goulet et C. Grandjean ont présenté douze propositions novatrices dont nous citerons à titre d’exemple celles qui nous semblent les plus incisives.

  • Adopter des définitions juridiquement claires et communes des notions de domicile social, de vie commune et clarifier la différenciation de la sanction entre fraude, omission et erreur. Le domicile social doit être le même que le domicile fiscal et être automatiquement alimenté. Sécuriser les justificatifs de résidence.
  • Sécuriser les données sur lesquelles les organismes de protection sociale et Pôle emploi travaillent et lutter contre la fraude documentaire. Renforcer les moyens de contrôle et de lutte contre la fraude.
  • Lutter contre les entreprises éphémères.

Le chiffrage de la fraude aux prestations sociales : c’est l’impasse

L’objectif des deux parlementaires était de remettre une évaluation de la fraude aux prestations à l’occasion de la présentation du rapport définitif. Cela n’a pas été le cas.

Selon C. Grandjean, « nous ne sommes pas allées plus loin qu’en septembre, nous n’avons ni le temps ni les moyens, ni les compétences ». Elle ne parle plus de l’évaluation entre 13 et 45 Md€ sur la base du rapport de l’université de Portsmouth citée au mois de septembre en particulier par la sympathique députée de Meurthe et Moselle. Celle-ci d’appartenance LREM a-t-elle dû affronter diverses remontrances ?

Il était certes évident qu’au vu du temps imparti cette évaluation ne pouvait être que très difficile. Mais ce n’est pas ce qui a été réellement invoqué, notamment par Nathalie Goulet.

Celle-ci, particulièrement offensive et visiblement frustrée, et sa collègue ont conclu en plus de l’impossibilité matérielle, à « l’inopportunité politique » de leur tâche sans plus d’explications sur la profonde signification de ce terme mais en précisant simplement qu’elles ont souhaité éviter des polémiques. Inopportun pour qui ? Pour un gouvernement aux abois en pleine crise de retraites ? Il apparaît indigne dans un pays censé être démocratique qu’une problématique de stricte nature technique et administrative fasse l’objet s’un camouflage et d’une occultation au détriment des citoyens pour des raisons d’inopportunité politique. Ce vocable raffiné n’est en réalité que la version en langue de bois de l’omerta dont a parlé le juge Prats.

En réalité, la sénatrice UDI dit s’être heurtée à des «refus polis» de la part des administrations lors de ses demandes d’informations : « ll y a effectivement eu un «défaut de réponse» officiel sur cet aspect du problème. Nous n’avons pas pu obtenir certaines données. La Cnav a répondu par l’impossibilité «juridique et technique» de produire des requêtes sur des assurés qui sortent de son champ. Elle n’a d’ailleurs également pas pu répondre aux questions du sénateur Sébastien Meurant, rapporteur spécial du budget de l’immigration. Je ne présume aucunement des raisons de cette attitude mais elle nous a déçues! Par ailleurs nous n’avons pas eu toute l’assistance technique nécessaire pour nos rapports avec les services administratifs ». (Le Figaro.fr du 6/11/2019). Elle s’emporte vraiment contre l’inertie des administrations : « Nous sommes parlementaires et on nous a parfois refusé des accès. On se fait ouvrir plus facilement des prisons que des livres de comptes ! » (actu.fr)

Une non-évaluation de la fraude aux prestations sociales par la Cour des Comptes

La Cour des Comptes a rendu son rapport sur les prélèvements obligatoires en décembre 2019. Elle a tenu à élargir le champ de ses investigations aux fraudes sociales. Néanmoins, elle s’est pas jugée en mesure de délivrer un chiffre de la fraude aux prestations ce qui est tout de même décevant.

Conclusion

Les deux parlementaires ont réclamé un audit indépendant. Très probablement, il n’aura jamais lieu.

N. Goulet a indiqué que, dans les neuf mois, un rapport sur les modalités de gestion et d’utilisation du répertoire national commun de SS doit être rendu. Aucune mention d’une évaluation. Et qu’attendre d’un tel rapport s’il sort des mains de compères ?

Et pourtant, ces deux dames attachées à l’intérêt général l’ont réaffirmé : le phénomène de la fraude aux prestations sociales reste « largement sous-estimé ».

C’est la raison pour laquelle nous allons, face à cette opacité, tenter de procéder à notre propre travail d’évaluation dans un prochain article.

André Posokhow 12/01/2020

Source : Correspondance Polémia

Crédit photo : Domaine public

https://www.polemia.com/un-chiffrage-de-lenjeu-de-la-fraude-sociale-est-il-possible/

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