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Quand un bon Allemand était un Allemand mort….

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Encore un « point de détail » de la Deuxième Guerre mondiale

Quand un bon Allemand était un Allemand mort….

Après la Libération, dans les camps américains et français, on a laissé mourir délibérément environ un million de prisonniers de guerre allemands, au mépris de la Convention de Genève et des plus élémentaires « droits de l'homme ». Telle est la thèse explosive que développe l'écrivain canadien James Bacque dans un livre qui, apparemment, n'a pas l'air de plaire à tout le monde... « pour raisons diverses ».

Lorsque James Bacque débarque en France avec son assistante il y trois ans, ce n'est nullement pour jeter un pavé dans la mare de l'histoire officielle, mais pour rassembler la documentation nécessaire afin de raconter une bien belle histoire : celle de Raoul Laporterie, héros de la Résistance française qui a sauvé au péril de sa vie quelque mille cinq cent juifs.

Mais le hasard veut qu'en compulsant les archives de Laporterie, au milieu de centaines de lettres de remerciements de séphardim bordelais, notre auteur tombe sur celle d'un certain Hans Goertz, soldat de la Wehrmacht qui lui aussi remercie Laporterie de l'avoir sauvé en l'extrayant d'un camp de prisonniers de guerre.

Etonnement de Bacque, qui ne comprend ni la raison pour laquelle  un  résistant  aurait   aidé  un « Boche  », ni de quoi il l'a « sauvé » exactement.

Du coup, l'écrivain décide d'inclure dans son livre un chapitre consacré aux camps de prisonniers allemands. Il part enquêter en Allemagne, retrouve le dénommé Goertz et l'interviewe. Mais ce n'est qu'une fois le magnétophone coupé que l'ancien prisonnier se confie réellement. Pour la première fois depuis quarante ans, il raconte à Bacque ce qu'il a sur le cœur : oui, Laporterie lui a sauvé la vie. Dans le camp ou il était interné, 25 % de ses camarades sont morts en un mois, et sans l'intervention du Français il n'aurait sans doute pas survécu non plus.

Survécu à quoi ? Aux mauvais traitements, au froid, à la famine et à toutes les maladies qui sévissaient dans le camp. Dès lors, la question qui s'impose à James Bacque est la suivante : s'agit-il du cas isolé d'un commandant de camp sadique ou d'un phénomène plus général ?

Il décide donc de se livrer à une enquête systématique, visitant un à un les anciens camps, recueillant les témoignages des prisonniers et des gardiens. Et chaque progrès de son investigation lui révèle un peu plus l'ampleur de ce qu'il appelle la « catastrophe » : le non-respect généralisé de la Convention de Genève dans les camps français, où les prisonniers, traites de façon inhumaine, privés d'abri et du minimum vital de nourriture, tombaient comme des mouches.

Pourtant le générai de Gaulle lui-même a été mis au courant en septembre 1945 par Jean-Pierre Pradertand, représentant le Comité International de la Croix-Rouge, qui l’a informé que si rien n'était fait, un tiers des 600 000 prisonniers remis aux Français par les Américains ne passeraient pas l'hiver. Et rien ne fut fait...

À Washington, James Bacque découvre que la même « catastrophe » s'est déroulée sur une plus grande échelle dans les camps américains, véritables camps de « la mort planifiée » comme le dit le titre de son livre dans la version allemande. C'est alors qu'il décide de remettre à plus tard son « Laporterie » et de mener jusqu'au bout cette enquête.

Au terme de trois années de travail de recherches dans tous les pays et de centaines d'interviews, ce qu'il découvre vaut son pesant de rutabagas...

C'est le général Eisenhower lui-même qui, dans un message du 10 mars 1945, a créé pour les prisonniers allemands la catégorie jusqu'alors inconnue de « DEF » (forces ennemies désarmées), leur ôtant par là même toutes les garanties attachées au statut de « prisonnier de guerre ».

C'est le Département d’État qui a refusé à la Croix-Rouge le droit d'entrer dans les camps et donc :

1° de révéler la situation qui y régnait (manque de nourriture, d'espace, de tentes, d'hygiène, etc.).

2° de livrer aux prisonniers la nourriture dont elle disposait.

Et James Bacque de détruire au passage le mythe du chaos et du manque de nourriture utilisé pour justifier le traitement des prisonniers allemands. Il existait par exemple, à Genève, d'importants dépôts de vivres destinées aux prisonniers qui ont été saisies par le SHAEF(1).

Conclusion de l'auteur : en 1945-46, Américains et Français ont intentionnellement laissé mourir de froid, d'inanition, de dysenterie et autres maladies neuf cent mille à un million de prisonniers allemands.

Reste à comprendre les raisons de cet acharnement Pour l'auteur, les choses sont claires : du côté américain, c'est la « haine » d'Eisenhower envers les Allemands, exprimé par le général lui-même et confirmée par son biographe Stephen Ambrose, qui est le mobile de ce « crime contre l'humanité ». Du côté français, ce serait plutôt la négligence et le désintérêt envers ce qui n'était guère considéré que comme du bétail humain.

Faut-il s'en étonner ? En RFA, le livre a fait l'effet d'une bombe et n'a pas tardé à devenir un « best seller ». L'auteur a reçu plusieurs milliers de lettres d'anciens prisonniers de guerre qui toutes lui disaient la même chose : merci d'avoir enfin révélé la situation réelle dans ces camps, après tant d'années de silence concerté.

Aux États-Unis, la controverse a été plus vive, on l'imagine. Certains ont contesté les travaux de James Bacque, d'autres au contraire ont apporté de l'eau à son moulin. Ainsi des généraux Lee et Littlejohn qui se sont plaint de nombreuses destructions et falsifications de documents, et notamment de la disparition d'un million de prisonniers allemands d'un rapport à l'autre dans les statistiques du corps médical de l'armée américaine...

En France, on peut dire qu'on n'a pas perdu de temps pour allumer des contre-feux. En décembre dernier, soit quatre mois avant la publication du livre, Libération consacrait sous la plume de Sélim Nassib trois pleines pages non pas à réfuter, mais à nier en bloc le travail de James Bacque présenté comme « une thèse sans rigueur » à coups d'approximations, de contresens et de généralisations et se fondant exclusivement sur le seul cas du camp de Thorée-les Pins, près de La Flèche - dont M. Nassib prétend compter les cadavres un par un...

Amusant de voir les limiers de Libé, obligés de se transformer, pour nier les crimes de guerre alliés, en Faurisson au petit pied.

Xavier Berthelot

(James Bacque, Morts pour raisons diverses, Editions Sand, 315 p.)

(1) grand quartier général des Forces expéditionnaires alliées, placé sous le commandement du général Eisenhower.

Le Choc du Mois N° 31 Juillet-Août 1990

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