Déjà 91 morts. 4.500 cas déclarés : en moyenne, une cinquantaine par département. Cette fois, nous y sommes. La France est entrée en stade 3, samedi à minuit. En gros, la France sous couvre-feu. Bistrots, restaurants, cinémas, théâtres fermés : tous les lieux « non indispensables ». Ce qui nous ramène à des temps très lointains.
Le 24 janvier – il y a une éternité -, Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé, déclarait que le « risque d’importation depuis Wuhan est modéré. Il est maintenant pratiquement nul. » Des scientifiques lui avaient sans doute inspiré cet optimisme béat. Madame Buzyn était en responsabilité. En répondra-t-elle un jour ?
La semaine dernière, Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement, déclarait que « L’Italie a pris des mesures qui n’ont pas permis d’enrayer l’épidémie », soulevant la colère de nos voisins. Cette arrogance tellement française… Sibeth Ndiaye se taira-t-elle un jour ?
Et ce samedi soir, le Premier ministre annonce des mesures qui ont tout l’air de nous amener à une situation à l’italienne. Mais attention, si le gouvernement prend ces mesures, c’est parce que les règles de distanciation sociales sont «imparfaitement » respectées. En clair, les Français ne sont pas assez obéissants. Les Français plus indisciplinés que les Italiens… On tient déjà un premier coupable.
Un second coupable : l’opposition, bien sûr. L’opposition qui s’est opposée au report des élections municipales. La petite musique est partie vendredi du député MoDem Jean-Louis Bourlanges, donc de la majorité : « Le Président a dû céder au chantage de l’opposition… » Peut-être. Le seul problème, c’est qu’il n’y a qu’un seul responsable : le Président de la République. C’est comme ça, c’est la Ve République. Les conseillers ne sont pas les payeurs, comme dit le vieux dicton populaire. Et en même temps qu’il annonce le passage au stade 3, Edouard Philippe confirme que le premier tour des élections municipales va se tenir.
Churchill disait «vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur. Vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre ». Dira-t-on que Macron a voulu éviter la «dictature» en ne reportant pas les élections municipales au prix de laisser passer le coronavirus mais que nous auront la «dictature» et le coronavirus ? Et en prime, un «foirage» total de ces élections. A l’heure où sont écrites ces lignes, on ignore quelle sera la participation de ce premier tour. On peut craindre le pire. Et quid du second tour ? S’il ne peut pas se tenir, au rythme où vont les choses, ira-t-on jusqu’à annuler le premier tour ? En faisant voter une loi dans l’urgence dans la semaine. Compliqué. En plus d’une catastrophe sanitaire, quoiqu’il en soit, un fiasco démocratique.
Sinon, il resterait l’article 16, disent certains : les pleins pouvoirs au Président. La constitution dit ceci : « Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des Présidents des Assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel ». Stricto sensu et sans être constitutionnaliste, est-ce que la situation sanitaire actuelle entre dans ce cadre ? Les institutions, l’indépendance de la nation sont-elles menacées ? Le fonctionnement des pouvoirs publics constitutionnels est-il interrompu ? Rappelons que l’article 16 n’a été appliqué qu’une fois, en 1961, par le général de Gaulle, lors du putsch des généraux en Algérie. Seulement, Macron n’est pas de Gaulle.
En tout cas, sans vouloir accabler le chef de l’État et son gouvernement, on constate seulement qu’après qu’Emmanuel Macron s’est adressé aux Français, jeudi soir, ces derniers se sont précipités pour faire des stocks de nourriture, comme si demain nous allions avoir la guerre. Et deux jours après, la France entre, en quelque sorte, en couvre-feu.