Comme l’a montré le discours présidentiel de ce 16 mars, l’infirmier-major général Macron a entrepris une guerre inespérée, sanitaire, qui le met davantage à son aise que face à d’autres ennemis, humains, car elle est totalement sous couvert et contrôle d’experts médicaux. Sa seule munition nécessaire est la persuasion, son exercice préféré. La clé de la victoire par les médecins est scientifique, pour lui, rhétorique, pour les Français, civique. Il suffit de suivre l’avis « de ceux qui savent » et de faire appliquer les consignes à des citoyens-enfants récalcitrants.
Or, situation rare, la France vit désormais un état supplémentaire de guerre, après celle décrétée à maintes reprises contre le terrorisme par son prédécesseur François Hollande. Celle-ci ne s’est jamais terminée ; elle a été encore moins gagnée. Et pour cause, l’ennemi (islamiste) n’a jamais été désigné clairement, ni aucun objectif fixé autrement que par des prophéties autoréalisatrices de « victoire finale du bien contre le mal » dignes des néo-cons états-uniens. Drôle de guerre, qui ne modifie en rien le mode de vie dilettante d’une société improductive qui a érigé les loisirs en droit absolu de l’homme.
Pour se tailler une stature sur mesure (bientôt une statue ?) de chef de guerre d’un genre nouveau par un solennel « appel à la mobilisation générale », on aura noté la réminiscence d’une touche virile dans un semblant d’ordre d’opération : « J’ai décidé pour cela qu’un hôpital de campagne du service de santé des armées serait déployé dans les jours à venir en Alsace. » Cette campagne militaire sera sûrement consignée comme fait d’armes dans son « livret de citoyenneté », cet édifiant parcours de formatage idéologique mis en place dans les écoles depuis l’année scolaire 2017-2018. De surcroît en Alsace, face à un ancien ennemi dont la France a cru sortir victorieuse en 1918. Avec un hôpital de campagne, arme pacifique que ce technocrate allergique au monde rural a peut-être ordonné d’installer dans une fortification vestige de la ligne Maginot. Son armée de communicants doit se régaler de manipuler tant de symboles destinés à nous rassurer et à rallier les objecteurs de conscience les plus coriaces.
Comment va-t-on gérer l’autre guerre d’usure, celle des nerfs, également invisible et qui progresse face à la pluralité et à la durée indéfinie de celles qui s’accumulent ? « Il n’y aura pas de passe-droit », nous dit solennellement Macron pour flatter le sentiment égalitariste ; on comprend qu’il n’y aura pas, non plus, d’échappatoire pour ceux qui voudraient préserver une part individuelle d’indépendance d’esprit et de liberté responsable de vie.
À moins qu’il ne s’agisse, justement, d’accabler les citoyens moyens français, jugés trop libres et indépendants, résistants culturels considérés comme des cons-patriotes. Pour les habituer progressivement, par la peur, à se soumettre à un gouvernement supranational, mondial, dont nous serions incapables de voir l’urgente nécessité pour la survie de la planète et l’avènement d’une humanité enfin intelligente.
C’est ce que l’oracle Jacques Attali avait annoncé, en 2009, dans un article de L’Express intitulé « Avancer par peur » : « L’humanité n’évolue significativement que lorsqu’elle a vraiment peur : elle met alors d’abord en place des mécanismes de défense ; parfois intolérables (des boucs émissaires et des totalitarismes) ; parfois futiles (de la distraction) ; parfois efficaces (des thérapeutiques, écartant si nécessaire tous les principes moraux antérieurs). Puis, une fois la crise passée, elle transforme ces mécanismes pour les rendre compatibles avec la liberté individuelle et les inscrire dans une politique de santé démocratique. La pandémie qui commence pourrait déclencher une de ces peurs structurantes. » Ce gourou de la prospective, proche de Macron, ayant imaginé à peu près tous les scénarios possibles, il faut bien que l’un ou l’autre se réalise de temps à autre.
Or, sans succomber à la grande « théorie du complot » mais en constatant une multitude de petits complots ourdis en permanence par des intérêts particuliers (corporatismes, élites diverses, lobbies), celui-ci paraît plausible si l’on considère le pouvoir et l’ingérence croissants des organisations supranationales auxquelles se rallient des dirigeants nationaux déracinés dans un entre-soi technocratique mondial. Est-ce ce que l’on veut ? Est-ce inévitable ?
Effectivement, comme le dit Macron, « l’ennemi est là, invisible, insaisissable, qui progresse », comme on le dit d’un cancer qui progresse. C’est peut-être, justement, l’idéologie du progrès incontrôlé par un État autoproclamé providentiel qui est en cause ?
Les urnes locales n’ont pas fini de parler.