Le 2 septembre 2015, en pleine crise des migrants, la publication d’une photo d’un enfant de 3 ans dénommé Alan Kurdi, échoué mort sur la plage turque de Bodrum, a changé le cours des événements. À l‘occasion du récent épilogue judiciaire de cette affaire intervenue le 13 mars 2020, le recul permet de passer du gros plan sensationnaliste à un arrière-plan plus complexe.
La photo bouleversante en gros plan d’un enfant mort sur une plage a été reprise à l’époque dans de nombreux médias. Elle a été un élément majeur dans l’ouverture des frontières de plusieurs pays européens à l’immigration clandestine. Une ouverture amorcée par l’annonce un peu plus tôt de la chancelière Angela Merkel de son souhait d’accueillir jusqu’à 800 000 migrants en Allemagne. Depuis cette date, si la route des Balkans vers l’Europe de l’ouest est plus difficile à emprunter, ce sont néanmoins des millions de migrants extra-européens qui se sont installés en Europe. Le temps a permis d’en savoir plus sur les circonstances de ce drame excessivement médiatisé.
L’image choc du « petit Aylan »
C’est un photographe turc, Nilufer Demir, qui a pris début septembre 2015 la photo du jeune garçon échoué sur la plage, Alan (ou Aylan) Kurdi. Interrogé peu après à ce sujet par le site Vice, il ne cachait pas sa volonté de « faire changer l’opinion de l’Europe concernant les réfugiés ».
L’objectif a été rempli au-delà de ses espérances. Dès le 3 septembre, de très nombreux médias ont repris cette image choquante. Celle-ci, présentée dans les médias de grand chemin sans autre grille de lecture que le « drame de la migration » et l’égoïsme des Européens, ne pouvait que provoquer sidération par l’émotion, tristesse et colère. Cette exploitation d’une scène émouvante a non seulement amené un changement d’une partie de l’opinion publique vis-à-vis de l’ouverture des frontières, elle a également amené plusieurs gouvernements d’Europe de l’ouest à ouvrir leurs frontières à des centaines de milliers de clandestins.
Après les réseaux sociaux, ce sont les médias d’information qui se sont emparés de cette image choc. Comme le souligne un collectif de chercheurs britanniques dans une étude sur le traitement médiatique de cette photo, parmi les titres de la presse internationale, le journal anglais Daily Mail a été le premier à titrer sur « le terrible destin d’un petit garçon qui symbolise le désespoir de milliers de personnes ». Il était vite suivi par d’autres médias : The independant, le Huffington Post, The Guardian, Al Jazeera, etc.
La France n’a pas été en reste. Alors que certains médias ont flouté la photo, d’autres ont pris le parti de la jeter en pleine face aux yeux du public. Sur France Inter, Sorj Salandon estimait qu’« une photo comme ça, ça ne se floute pas, ça se prend dans la gueule ». Des sondages ont montré que la part des français favorables à l’accueil des réfugiés syriens avait augmenté de 10% après l’hyper médiatisation de la photo choc en 2015. Nous avions analysé à l’époque la position du Monde qui expliquait simplement que cette « photo permettrait peut-être la prise de conscience de l’Europe » (sic).
La mort d’un enfant n’emporte pas de réserves
Les réserves vis-à-vis des circonstances de la noyade de l’enfant ont été sur le moment singulièrement rares, comme s’il ne fallait pas ternir ce grand moment de compassion et d’humanité. La simple remarque d’Arno Klarsfeld s’étonnant que l’on puisse partir de Turquie sur une embarcation de fortune, par mer agitée, provoquait le 7 septembre 2015 un concert de protestations outragées largement médiatisé.
Mais comme le précise avec regret L’Obs 2 mois plus tard, les attentats du 13 novembre 2015 ont freiné en plein élan cet « élan de compassion ». Des freins dont on se demande l’efficacité au regard des flux migratoires croissants que connait la France depuis plusieurs années…
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