Collaborateur régulier de la presse monarchiste ainsi qu'au quotidien Présent et à la revue Synthèse nationale, Aristide Leucate est intervenu plusieurs années durant comme chroniqueur dans l'émission "Synthèse" animée par Roland Hélie et Philippe Randa sur Radio Libertés. Dans le cadre de notre enquête, il nous livre ici ses réflexions sur l'après coronavirus...
S.N.
Aristide Leucate
Et si l’on revenait au Moyen Age ?
J’entends d’ici les bonnes âmes se récrier, trépigner, s’offusquer, hurler au scandale sur le ton courroucé du « mais vous n’y pensez pas », et, dans le même temps (attitude très à la mode, ces derniers temps), condamner sans appel ce « retour à l’obscurantisme et à l’ignorance », à ces autres heures sombres où la peste, la misère, l’Inquisition, les corvées, les guerres féodales, le servage et la sorcellerie, s’abattaient sur le monde comme les sept plaies d’Egypte. Et tous d’invoquer en chœur les mânes de Michelet.
Tout d’abord, on recommandera instamment à ces bonnes consciences modernistes sûres de leur fait – d’autant plus assurées, d’ailleurs, qu’elles ont pour elles, du moins le croient-elles, le sacro-saint « sens de l’histoire », utopie dialectique hégélienne, devenue plus tard, avec les résultats que l’on sait, l’enfer marxiste sur terre – de se calmer et de prendre séant dans quelques bassines d’eau froide.
Ensuite, pour les rasséréner, dirons-nous qu’il s’agit moins d’un « retour » que d’un « recours » – sinon d’un secours – à cette lointaine époque que, par convention, l’on fait remonter à la chute de l’Empire romain d’Occident pour la faire choir aux marches de la Renaissance – « Moyen Age » et Renaissance », deux concepts qui, naguère, provoquèrent l’ire dévastatrice mais érudite d’historiens sourcilleux mais non dogmatiques tels que Régine Pernoud et Jacques Heers. Mais là n’est pas le débat.
Mais foin de toute légende noire ou de glorieux âge d’or.
C’est qu’en ce temps-là, l’on ne cherchait pas à mimer Prométhée – bien que la tentation de l’hubris, fût déjà profondément enracinée dans le cœur de l’homme, ainsi que les Attiques nous l’enseignaient depuis longtemps –, quand bien même s’écharpait-on gaillardement et souvent de la façon la plus sanguinaire qui soit.
Qu’il suffise d’évoquer Saint-Louis, Jeanne d’Arc, Bouvines, Thomas d’Aquin, la chevalerie, l’amour courtois et Chrestien de Troyes, Aliénor d’Aquitaine, Blanche de Castille, le monachisme, les cathédrales, la féodalité (les liens d’homme à homme fondés sur l’aide et le conseil réciproques), pour que l’on saisisse l’esprit d’une époque où il n’était véritablement de richesse que d’hommes.
Recourir à l’esprit médiéval consiste donc à retrouver une certaine enfance de l’âme que surent sublimer Walter Scott et Chateaubriand. Oubliés les hyper-marchés et leurs vastes parkings recouverts d’amas de tôles, oubliés aussi les angoissantes conurbations faisant disparaître la campagne sous d’épaisses toundras de béton et de bitume, oubliés encore les agitations en tous sens, les courses folles vers des buts dérisoires, les brouhahas incessants – toutes ces conspirations contre la vie intérieure, disait Bernanos…
Place au silence, aux angélus, au rythme naturel de la vie, à la germination lente, à la prière, au plain-chant grégorien, à l’élévation mystique, aux forêts, à leurs génies et dieux, aux battements telluriques de la terre, aux métiers cent fois remis, à la terre qui ne ment pas – celle de nos aïeux tutélaires –, à la fine amor – cette féminité sensuelle et raisonnable à mille lieux des hydres répugnantes du féminisme non-genré –, à l’éthique arthurienne, aux vieilles pierres debout, aux contes du vieux-vieux temps, aux flèches effilées d’absolu de nos cathédrales, aux tours crénelées de nos imaginaires, aux fabliaux, aux Sommes théologiques, à l’Edda…