Fut un temps où on voyait régulièrement Alain Soral à la télévision. On ne l’y voit quasiment plus. L’affaire Dieudonné est passée par là. Il s'est réfugié sur Internet et à Egalité & Réconciliation, association qu’il anime Dans son dernier opus, qui rencontre un public assez large, il s'efforce de « comprendre l’Empire ». Ou comment on est passé de l’universalisme républicain, égalitaire et national, au cosmopolitisme impérial, inégalitaire et déraciné. C'est un succès de librairie d’autant plus inattendu que le livre s'est heurté à une conspiration du silence de la presse mainstream. C’est pour nous l’occasion de lui donner la parole.
Le Choc du mois : Votre ouvrage représente une sorte « d'histoire de France et du monde de 1789 à nos jours » vue au travers de votre grille d'analyse politique, économique et sociale. Pour atteindre ce but ambitieux tout en restant dans le format d'un ouvrage grand public, vous avez recours à une multitude de courts paragraphes, condensés et incisifs. Cette formule donne une grande densité et une indéniable facilité d'accès à l'ouvrage, mais ne vous a-t-elle pas parfois contraint à un excès de « simplification » des problématiques traitées qui peut être « frustrant » pour un auteur ?
Alain Soral : Je ne pense pas que le synthétique soit simplificateur. Je pense même que mes chapitres, additionnés les uns aux autres, produisent une analyse des plus complexe de la réalité. Mais l'habitude de la lourdeur universitaire et de sa poudre aux yeux bibliographique peut donner, c'est vrai, cette impression de légèreté au lecteur influençable.
Dans votre évocation du processus d'imposition progressive du pouvoir de l'Empire, c'est-à-dire, pour vous, de la Banque, vous évoquez notamment l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy que vous attribuez de façon assez affirmative aux milieux bancaires dont il aurait contrarié les projets. Ne craignez-vous pas d'être taxé de « complotisme » ?
L'assassinat de Kennedy résulte bien d'un complot. Je me permets juste de faire remarquer que la théorie du complot officielle, attribuée à un individu mu par un mobile psychologique, est infiniment moins crédible que la mienne, validée par toute l'histoire cachée des États-Unis d'Amérique.
Face à « l'empire bancaire », vous excipez comme modèle de « résistance » la finance islamique. N'est-ce pas une vision un peu naïve de ce qu'est réellement cette finance dont la pratique réelle est assez éloignée des beaux fondements théoriques comme le montrent, par exemple, la faillite de l’Amlak et la Tamweel, deux banques islamiques des Émirats Arabes Unis, lors de l'effondrement de la bulle immobilière au Moyen-Orient ou les difficultés de Banque islamique de Malaisie, « symbole de la finance islamique en Malaisie », qui a avoué, en 2005, des pertes massives sur des créances douteuses et de mauvais investissements et qui n'a été sauvée de la faillite que grâce à une recapitalisation ?
Il me semble que ce que j'écris est un peu plus subtil. Je fais juste remarquer que le rouleau compresseur libéral s'agace, par définition, de tout sacré qui lui résiste en théorie, et que la finance islamique lui résiste encore théoriquement. Une raison suffisante pour que l'islam soit mis au pas définitivement par l'Empire, comme ce fut le cas de notre chrétienté, qui n'était pourtant pas plus exemplaire en la matière.
Dans votre évocation des tentatives de résistance à l'Empire, vous semblez avoir une certaine indulgence pour l'URSS présentée comme une sorte de tentative judéo-chrétienne maladroite de rupture avec le monde de la Banque. Mais l'URSS, maintenue en survie à bout de bras par la finance occidentale, n'a-t-elle pas plutôt été un « partenaire » et un formidable accélérateur du développement de la domination bancaire en décrédibilisant pour longtemps, notamment par l'étendue de ses crimes, toute solution socialiste susceptible de s'opposer au modèle capitaliste-affairiste ?
Réduire l'épopée soviétique à cette simple ruse de l'Histoire, voilà le complotisme ! Ne pas croire au roman communiste russe n'implique pas qu'on tombe dans l'excès inverse. Ce serait comme réduire le rôle historique du FN, sous Jean-Marie Le Pen, à une délégitimation orchestrée de la cause nationale. Par respect pour les hommes qui font l'Histoire en combattant, je refuse de tomber dans cette simplification-là…
L'islam spirituel, antibourgeois, patriote, dont vous vous faites l'avocat, les Français ne le discernent pas forcément aussi clairement que vous, eux étant plutôt confrontés dans leur vie quotidienne à une sorte d'islamo-racaillisme, où le Coran se résume souvent à un marqueur identitaire couvrant les agissements d'un lumpenprolétariat de voyous totalement intégrés aux codes de l'Empire.
Concrètement, quelles sont en France les personnalités et les organismes ou mouvements qui incarnent cet « islam français » que vous considérez comme un élément de la résistance nationale face à la puissance de la Banque mondialisée ?
Concrètement, ce sont ces milliers de musulmans du quotidien qui vivent et travaillent discrètement en France et dont vous n'entendez jamais parler. J'en rencontre à chacune des réunions d'Egalité & Réconciliation, et eux, contrairement à certains nationalistes, stupides ou lâches, savent très bien quel est l'ennemi principal de la Nation française. Contrairement aussi à nos gauchistes de souche, ces musulmans français ne trouvent non plus aucune excuse à la délinquance ethnique.
Vous insistez à plusieurs reprises dans votre ouvrage sur la rupture fondamentale que représente la logique de l'Empire avec la pensée et la morale chrétiennes. Cela signifie-t-il pour vous qu'une « sortie » de l'Empire ne peut passer que par une redécouverte et une réappropriation par les Français de leurs racines chrétiennes et de leur héritage catholique ?
Redécouvrir le sens du « nous », du don et de la transcendance est une absolue nécessité pour sortir de la domination impériale bancaire sur les esprits. Pour ça, ici, nous avons les Evangiles et leur message. Un message d'amour et de combat que je trouve très éloigné de celui, fait de lâcheté et de soumission, que diffuse l'Eglise actuelle. Une Église que Jean, prophétiquement, qualifiait déjà de « putain de Babylone ».
Selon vous, les récents soulèvements populaires au Maghreb sont-ils plutôt un signe d'ébranlement de l'Empire ou une nouvelle manipulation de celui-ci ?
Dans le cas libyen, partagez-vous la défense de Mouammar Kadhafi exprimée par votre ami Dieudonné ?
Un des principes de la domination impériale est la manipulation et la récupération des colères légitimes. Donc difficile de savoir, pour l'instant, qui va sortir gagnant de cet ébranlement, des peuples ou de l'Empire. Ça peut être aussi bien demain « la gouvernance globale ou la révolte des nations » que la gouvernance globale par la révolte des nations, habilement récupérée… Quant à Kadhafi, c'est un personnage complexe qui a beaucoup fluctué durant ses quarante années au pouvoir, mais il suffit que Bernard-Henri Lévy me dise d'aller l'abattre pour que je sache, comme Dieudonné, qu'en ce moment, c'est plutôt l'homme à soutenir !
Bien que ne bénéficiant que de très peu de relais médiatiques et publicitaires, votre ouvrage est un véritable succès en termes de vente. Au-delà des qualités intrinsèques du livre, comment expliquez-vous cet attrait du public et par quels biais êtes-vous parvenu à le toucher ?
Sans modestie aucune, par mon charisme, mon courage et mon talent. Je sais que c'est agaçant, mais c'est comme ça ! Être présent sur Internet ne suffit pas.
Propos recueillis par Xavier Eman Le Choc du Mois mai 2011
Alain Soral, Comprendre l'Empire, Demain la gouvernance globale ou la révolte des Nations ?, éditions Blanches, 237 p., 15 €.