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La plus longue guerre de l’histoire de l’Amérique est-elle en train de se terminer ? Le 29 février dernier, à Doha, l’Américain (d’origine afghane) Zalmay Khalilzad et le mollah Abdul Ghani Baradar, cofondateur des talibans, ont signé un accord prévoyant le retrait définitif de toutes les troupes étrangères d’Afghanistan, et notamment des 12.000 soldats américains.
C’est en 2001 qu’une coalition internationale menée par les États-Unis envahissait ce pays pour en chasser le régime des talibans, au pouvoir depuis 1996. C’était, bien sûr, une des conséquences du 11 septembre et de l’affront subi par l’Amérique. Deux coupables furent désignés et châtiés : l’Irak, qui n’avait rien à voir dans l’histoire (d’ailleurs, les motifs avancés pour son invasion évolueront largement ensuite), et l’Afghanistan, qui abritait de nombreuses cellules d’Al-Qaïda.
Renverser ce régime islamiste féroce ne fut guère difficile. Mais installer un pouvoir crédible le fut davantage. Jamais, en dix-neuf ans, un président afghan ne parvint à réaliser un semblant d’unité : corruption, oppositions tribales (les Pachtounes accaparent les prébendes), faiblesse militaire furent et sont toujours la marque d’un régime artificiel qui, sans la présence de l’armée américaine, se serait effondré depuis longtemps. La guérilla des talibans n’a d’ailleurs jamais cessé.
Alors, pourquoi redonner le pouvoir à des talibans qui avaient multiplié les exactions pendant leur règne ? Parce que nous assistons à la fin de l’hégémonie mondiale américaine. Non par une pression extérieure, mais parce qu’elle ne veut plus. Ou, pour être plus plus précis, le peuple américain ne veut plus. La belliciste Hillary Clinton voulait toujours : elle avait accompagné Nicolas Sarkozy dans l’invraisemblable destruction de la Libye et promettait de régler son compte à Bachar el-Assad en Syrie, propulsant ainsi les islamistes au pouvoir. Elle n’avait rien vu, rien compris.
Ce ne fut pas le cas de Donald Trump, qui avait parfaitement senti que le petit Blanc du Middle West voulait qu’on s’occupe de lui et que l’on arrête de dépenser l’argent de ses impôts à d’improbables aventures extérieures dans des pays dont il ne connaissait pas le nom.
Le retrait d’Afghanistan s’inscrit dans cette logique qui suit la retenue affichée en Irak dont l’invasion catastrophique a durablement marqué l’Amérique, en Syrie où elle occupe tout de même les puits de pétrole mais sans chercher à changer le cours de l’Histoire et face à l’Iran. Certes, Trump a fait tuer le général Soleimani, mais c’est bien peu après la destruction de la moitié des installations pétrolières saoudiennes par des missiles iraniens.
Dans les Afghanistan Papers révélés en décembre par la presse américaine, il y avait cette phrase d’un ancien officier de l’administration Bush : « Finalement, qu’a-t-on obtenu après avoir dépensé 1.000 milliards de dollars ? Cela valait-il la peine ? »
Si l’accord est appliqué (tout est possible), l’armée américaine quittera l’Afghanistan dans un peu plus d’un an. On voit mal le pouvoir fantomatique actuel (d’ailleurs divisé en deux présidents, chacun revendiquant la victoire électorale des dernières élections) résister longtemps aux talibans qui se feront une joie de rétablir la charia.
C’est l’occasion de repenser aux 88 militaires français tombés en Afghanistan. Certes, ils sont morts en faisant leur devoir et en luttant contre le vrai fléau mondial actuel : l’islamisme. Mais tout de même, la pilule est amère.