Par Paul Vermeulen
Un monde d’après qui ne serait plus jamais le même ? Des écologistes, végans et autres antispécistes se sont pris à rêver de gouvernements conduits par des chats, des chiens et des zèbres ; des souverainistes ont voulu voir l’amorce d’un retour des frontières ; ou encore des socialistes, gauchistes et autres insoumis imaginèrent, au vu du drame vécu par le système hospitalier, la venue du grand soir. Des mouvements de droite comme de gauche, ou bien ni de droite ni de gauche, verraient bien poindre, avec cet imprévu dans l’histoire, la possibilité d’une révolution. Sans compter la masse d’écrits d’intellectuels de tous les bords et de toutes les nationalités, publiés et traduits dans le monde entier, au sujet de ce que signifie cette pandémie, en attendant le déclenchement des machines à fric vers l’automne 2020, des éditeurs aux Lego ou Playmobil. BFMTV a commencé, LIDL « subventionnant » l’applaudissement des soignants en direct à 20 heures, au profit – qui oserait douter que la philanthropie est de retour ? – des bonnes œuvres de ces mêmes soignants.
Au fond, il règne un étrange climat en France : des êtres humains meurent tous les jours mais une majorité de la population ne le voit pas concrètement. Le réel de la violence de la pandémie est déréalisé, ce qui pose des questions simples : vers quel monde allons-nous ? Sommes-nous capables d’un autre monde ?
Le mondialisme comme accélérateur de la crise sanitaire
Il est pour l’heure difficile d’affirmer que le mondialisme est responsable de la pandémie planétaire du Covid-19. Il est cependant certain que le mondialisme, idéologie dogmatique de la mondialisation conçue comme un hyperlibéralisme, autrement dit un libéralisme qui n’a plus de libéral que le nom, oubliant qu’il est une fonction au service des humains et non le contraire, en a favorisé le développement : des frontières et des sociétés ouvertes, la perte de souveraineté des nations, de la monnaie aux productions stratégiques en passant par la sécurité sanitaire, tout cela a conduit les pays les plus mondialisés et les plus dépendants de l’Asie, ceux d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord, à être les principales victimes de la pandémie.
C’est l’avant-garde du « modèle » qui s’est écroulé sur le plan sanitaire, et l’Union européenne a en particulier montré combien elle est incongrue, ce qui ne signifie pas qu’elle ne se relèvera pas de ses cendres, même si l’Italie peut la quitter. Reste que la pandémie a frappé en premier lieu les pays dirigés par les mondialistes, vecteurs principaux de la mondialisation. Les « dominants » ont été les principales victimes. Un schéma que le temps fera évoluer : les continents les plus pauvres n’échapperont pas à des bilans catastrophiques qui ne seront pas sans conséquences, migratoires en particulier, concernant nos sociétés.
Davantage de mondialisation
Au-delà des doux rêves, des belles ou dangereuses utopies, il est à craindre que le remède soit plus difficile à supporter que le mal. Les mondialistes sont incapables de penser le monde autrement que sur la base d’une société ouverte et liquide, summum de leur point de vue de la démocratie qu’ils pensent incarner. Il ne s’agira donc sans doute pas de changer le monde, de revenir à un monde d’avant, de créer un nouveau monde ou de fixer des limites ; ce dernier point est une impossibilité pour un mondialisme qui est un progressisme fondé sur l’illimité. Tout va s’accélérer, on entend déjà la chanson, humanité augmentée, surveillance numérique, digitalisation généralisée, dénaturation de l’humain...
Jacques Attali, mentor de Macron, président de Positive Planet, en parlait sur BFM le 24 avril : « Il ne faut pas attendre le retour du même. On ne retournera pas à la situation antérieure. » Pour lui, il faut développer en ligne, concurrencer Amazon : « Il faut que tout le monde innove et une mobilisation totale pour transformer la société. Il faut changer pour être prêt pour le monde qui vient. » Cela rappelle Macron : « Il va falloir se réinventer, chacun d’entre nous, et moi le premier. » La volonté est en réalité de repenser ce qui est, de l’orienter différemment. Attali ne veut pas demander « poliment » mais « réquisitionner ». La dictature approche : une simple « stratégie du choc » qui n’a rien d’un complot, juste un choix politique imposé par la force – à l’occasion de ce virus.
Une réadaptation ? La part de la Chine dans le système manufacturier mondial est passée de 7 % en 2000 à 25 % en 2018, les échanges mondiaux ont explosé, les porte-conteneurs forment des files d’attente à l’entrée des canaux, les migrations sont devenues délirantes, comme le tourisme de masse, tout cela sur fond de numérisation accélérée. Difficile de penser que cette « réinvention » n’est pas le vœu des mondialistes : il s’agit d’adapter le système qui nous a conduits où nous sommes. De provoquer un « monde qui vient », mais tel qu’ils le souhaitent. La France montre l’exemple, le gouvernement trie les « bons » et les « mauvais » articles de presse sur un site Web de l’Etat, partout l’idée de contrôler les populations par le numérique et les smartphones, danger sur lequel j’attirais l’attention dans ces pages début 2020, devient une évidence (cf. Présent des 21 et 31 janvier 2020).
Attali, encore, et déjà en mai 2009 (L’Express), à l’occasion d’une épidémie : « On devra mettre en place une police mondiale, un stockage mondial et donc une fiscalité mondiale. On en viendra alors, beaucoup plus vite que ne l’aurait permis la seule raison économique, à mettre en place les bases d’un véritable gouvernement mondial. C’est d’ailleurs par l’hôpital qu’a commencé en France au XVIIe siècle la mise en place d’un véritable Etat. » Macron et Attali se sont rencontrés en 2007. Le Covid-19, pour les mondialistes, apparaît comme une occasion à saisir.
Source : Présent 8/5/2020