Concrètement, les grandes plateformes en ligne auront l’obligation de faire disparaître les contenus « manifestement » illicites sous 24 heures, sous peine d’être condamnés à des amendes de 250.000 euros par oubli, et pouvant grimper jusqu’à 1,25 million d’euros. Les éventuels signalements abusifs par les utilisateurs de plateforme seront eux passibles d’un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende. Ce signalement sera facilité par l’intégration obligatoire d’un bouton dédié sur les réseaux sociaux. Le délai est réduit à une heure pour les « contenus pédopornographiques et terroristes ».
L’objectif de mettre fin aux propos diffamatoires, insultants ou appelant explicitement à la violence et au meurtre sur Internet est louable. Cependant, plutôt que de se donner les moyens d’appliquer la législation existante en sanctionnant les auteurs de tels propos, la loi Avia, sous prétexte de lutter contre la haine, étrangle la liberté d’expression.
Ce texte, voté définitivement par l’Assemblée nationale, bouleverse la conception française de la liberté d’expression. En principe, la censure préalable (a priori) n’existe plus depuis les lois républicaines sur la liberté de la presse. La sanction pour des propos illicites, prononcée par la justice, intervient a posteriori, chacun étant responsable de ses écrits.
Le projet de loi qui vient d’être voté par l’Assemblée nationale bouleverse cette logique: d’une part, la censure préalable est rétablie ; d’autre part les opérateurs privés d’Internet sont chargés de faire respecter eux-mêmes ce principe en pratiquant la censure préalable, sous la menace de lourdes sanctions financières, et non plus la justice et des magistrats formés dans ce but.
Le caractère dramatique de ce texte tient en deux points: d’une part, la justice est privatisée, déléguée aux opérateurs d’Internet, auxquels il revient de se prononcer sur le caractère manifestement illicite d’un texte. D’autre part ce caractère « manifestement illicite » est une notion générale, dont l’appréciation est éminemment relative. Qu’est-ce qui est manifestement illicite?
Dès lors qu’il reviendra au opérateurs Internet de se prononcer, sous la menace de gigantesques amendes prévues, le risque est d’établir une censure préalable sur toute expression s’éloignant des sentiers battus du conformisme. La moindre parole critique touchant une minorité, ou un sexe, un pays, une région, voire une personne, deviendra suspecte et sera exposée à la possibilité d’une censure. En somme, l’expression sur Internet sera placée sous surveillance.
Voilà qui fait peu de cas de l’article 11 de la Déclaration de 1789: « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. »
Cette loi est à l’image d’une société et d’un pouvoir qui basculent subrepticement dans l’esprit totalitaire et qui méprisent la liberté. La liberté d’expression est ainsi martyrisée. Un conformisme étrange pèse déjà, depuis longtemps, sur les médias télé-radios. Désormais, l’objectif est de faire entrer Internet dans le rang. Que des députés se prétendant démocrates ou républicains aient pu voter une telle loi est une honte. On ne peut que se féliciter du réflexe démocratique des députés LR qui ont massivement voté contre cette loi. [Ci-jointe la liste des députés qui ont voté contre]. Que des journalistes d’une certaine presse soient serviles envers le pouvoir au point d’accepter une telle atteinte à leur propre liberté d’expression est lamentable. Je souhaite de tout coeur que cette loi liberticide soit déclarée inconstitutionnelle.
Maxime Tandonnet
Texte repris du blog de Maxime Tandonnet