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L'Europe doit soutenir Taïwan

6a00d8341c715453ef0263e94b1311200b-320wiL'observation du passé de l'humanité ne relève pas de la zoologie. Les événements ne s'y reproduisent jamais à l'identique. Le libre choix permanent des fragiles fils d'Adam déjoue l'instinct de l'animal. Et pourtant l'histoire, cette "science des faits qui ne se reproduisent pas" [Paul Valéry]  nous livre d'inépuisables enseignements, sous des masques à peine renouvelés.

Ainsi l'expérience du XXe siècle, avec sa chaîne d'horreurs brutalement totalitaires, et après les condamnations plus ou moins sincères, du Procès de Nuremberg clos en 1946 au rapport Khrouchtchev de 1956, pourrait nous permettre de mieux comprendre la mise en place rampante des dictatures cybernétiques actuelles.

Désormais en effet, ceux qui ont aimé Hitler et Staline adoreront, en Xi Jinping, le stalinien assumé, et le national-socialiste d'un genre nouveau. On peut regretter qu'à Paris au moins, cet enchaînement, objectivement évident, ne s'impose guère dans les esprits qui formatent l'opinion.

Hélas, dans ce domaine comme dans tant d'autres, la France éternelle ne détient même plus le monopole de l'aveuglement, de la sottise et du nombrilisme.

Le 18 mai le Wall Street Journa lpubliait ainsi une étrange tribune libre. Elle est signée d'un ancien dirigeant de la diplomatie américaine, Robert Zoellick, un vétéran des présidences Bush père et fils. Il passe, aujourd'hui encore, pour associé au courant néoconservateur. Il a notamment représenté les États-Unis dans les négociations cruciales de l'époque 2001-2005Rappelons que c'est en décembre 2001 que la Chine a été admise au sein de l'OMC, en bénéficiant de clauses discrétionnaires. Puis, en 2005-2006 il devint l'adjoint de la secrétaire d'État Condoleezza Rice. Et en 2007, il fut nommé Président de la Banque mondiale.

Son texte est intitulé "les États-Unis n'ont pas besoin d'une nouvelle guerre froide".Comme si la guerre froide résultait d'un désir, alors qu'elle est un fait. Comme si seule l'Amérique décidait de cette réalité en fonction de ses besoins... alors que du Kazakhstan à la Malaisie, de l'Inde au Japon, en passant par le Vietnam, ce sont les nations de l'Asie centrale, de l'Asie méridionale et de l'Asie orientale qui, toutes, à la seule exception de la Corée du nord, craignent et dénoncent l'impérialisme chinois.

L'argumentaire affligeant de Zoellick mériterait sans doute d'être repris point par point. On retiendra qu'il en appelle à l'Europe pour servir d'intermédiaire dans un processus de capitulation.

Une telle prise de position pourrait surprendre ceux des Européens qui ignoreraient encore, par exemple, les illusions entretenues en occident à l'heure des accords de Yalta et de Potsdam de 1945[1].

Zoellick fustige ceux qu'il nomme les "New Cold warriors". Une telle expression ambiguë peut se traduire par les "partisans", les "boutefeux", les "va-t'en guerre", de la nouvelle guerre froide. Cependant "warriors" cela veut dire aussi les "combattants". Or, les soldats ne portent pas la responsabilité des conflits. On retrouve là cette rhétorique se voulant "progressiste" accusant les "nationalistes" d'avoir déclenché la première guerre mondiale. Hélas en 1914-1918, si bien des "nationalistes" donnèrent courageusement leur sang pour la défense de la patrie, aucun ne siégeait au gouvernement. Ils avaient prévu la guerre, ce qui est autre chose que de la désirer et de la déclencher. Le pouvoir était alors entre les mains des radicaux-socialistes. Viviani, président du Conseil au moment de la déclaration de guerre, continuera lors de la Ratification du traité de Versailles, à la chambre des députés en 1919, de donner le ton des discours, des illusions, et des mensonges funestes, qui conduiront à la reprise des combats en 1939[2].

Il s'est passé bien des choses dans le monde avant l'épidémie de coronavirus, et l'on gagnera à supposer que l'histoire ne s'arrêtera pas avec la découverte, souhaitable, d'un traitement et d'un vaccin.

En attendant cette heureuse issue, on ne peut que constater que le point de départ de cette catastrophe mondiale se situe à Wuhan en Chine communiste. Et ce sont au contraire quatre pays asiatiques libres qui se sont trouvés à la pointe de la lutte contre le Covid-19. Taïwan, la Corée du Sud, Hong Kong et Singapour ont en effet brillé par la rapidité de leur réponse face à la pandémie. Grâce à leur vigilance et leur esprit de responsabilité, ils ont compté moins de victimes à déplorer et peuvent servir de modèles.

Or, depuis 1997 le gouvernement de Pékin n'a cessé de chercher à rogner sur les libertés garanties pour 50 ans par la Loi fondamentale de Hong Kong. Et la récente réunion, ce 21 mai, des 3 000 délégués du Conseil national communiste chinois, soi-disant parlement à la botte de Xi Jinping, confirme que la volonté de mise au pas de Hong Kong précède désormais les objectifs économiques de la dictature[3].

Quant à Taïwan le régime totalitaire du continent persiste à parler, de manière de plus en plus menaçante, en termes de "réunification".

Mais au fait quand donc cette île a-t-elle fait partie de la Chine ?

C'est en 1685, que l'empire Manchou, maître du continent chinois depuis 40 ans, s'empare de l'île alors connue en occident sous son nom portugais de Formose. La dynastie décadente des Qing, vaincue par un Japon en pleine ascension, lui abandonne cette colonie par l'humiliant traité de Shimonoseki de 1895.

Pékin n'en retrouvera le contrôle qu'un demi-siècle plus tard, en 1945, et dans la pratique pour seulement 4 années.

Car en octobre 1949, alors que Mao Tsé-toung et ses partisans établissent à Pékin la dictature du parti communiste, son rival nationaliste Tchang Kaï-chek se réfugie dans l'île à la tête des restes politiques et militaires du Kouo Min-Tang. Ils y transportent même les trésors artistiques du musée de Nankin[4]. Ils y maintiendront fictivement le siège de la République de Chine. Jusqu'en 1971, en tant que l'un des 5 vainqueurs de la seconde guerre mondiale, ce régime détint le siège permanent du pays au Conseil de sécurité des Nations Unies, jusqu'au jour où Nixon et son conseiller Kissinger s'accordent avec le régime communiste chinois dans le but de contenir l'Union soviétique.

À partir de cette date, Taïwan perd une à une toutes ses prérogatives internationales sans pour autant que son gouvernement ait renoncé, du moins en théorie, à la doctrine "une seule Chine" le seul point d'accord avec le Continent.

L'évolution du régime autoritaire de Tchang Kaï-chek, jusqu'en 1978, puis de son fils Tchang Ching-kuo, jusqu'en 1988, a laissé la place à une démocratie dominée par deux partis, reflétant aussi la grande pluralité ethnique de la population.

D'un côté les descendants des réfugiés de 1949, tout en étant pour la plupart anticommunistes, ont souvent maintenu des attaches familiales dans l'Empire du milieu.

Ayant souvent aussi développé des liens d'affaires ils ont été longtemps sensibles au slogan proposé par Pékin, qui aujourd'hui voudrait l'imposer : "un pays deux systèmes". Le glissement progressif de Hong Kong, auquel depuis 1997 est chanté le même refrain, montre à l'évidence qu'il s'agit d'un marché de dupes.

Ceci explique que désormais le Kouo Min Tang parti nationaliste chinois, favorable à un rapprochement pragmatique avec le continent, ait désormais perdu la majorité aux élections démocratiques.

De l'autre, les tendances autonomistes insulaires ont en effet pris progressivement le dessus, faisant de ce pays de 27 millions d'habitants une nation dont le droit à l'indépendance doit être respecté. Sous la conduite de sa courageuse présidente actuelle Tsaï Ing-wen, réélue cette année pour un deuxième mandat, elle doit absolument, pour commencer, être intégrée, ne serait-ce que pour des raisons sanitaires, au sein de l'Organisation mondiale de la santé.

Est-ce un début de guerre froide ? Est-ce une nouvelle réponse comparable à celle qui a permis de faire face aux pressions soviétiques à partir de 1948, face au blocus de Berlin ? Il est trop tôt pour l'affirmer avec certitude. "En donnant la liberté aux esclaves, disait Abraham Lincoln, nous assurons celle des hommes libres." Je crois donc plutôt que le soutien de l'occident à Taïwan marquera le début d'une lutte pour la nécessaire libération du peuple chinois dans son ensemble.

JG Malliarakis

Apostilles

[1] cf. "The U.S. Doesn’t Need a New Cold War" par Robert Zoellick
[2]cf. "La Ratification du traité de Versailles" livre d'Emmanuel Beau de Loménie
[3] cf. "China paints a target on Hong Kong, but abandons one for growth"
[4] Grâce à l'utile petit livre consacré aux "Sociétés secrètes en Chine" (coll. Archives Julliard n°17 publié en 1965) par le professeur Chesneaux, on comprend la parenté entre les organisations d'inspirations légitimistes Ming et le nationalisme du Kouo Min-tang. Ces courants occultistes expriment la nostalgie de la dernière dynastie authentiquement chinoise. Libératrice au XIVe siècle des Yuan mongols, elle avait été balayée en 1644. Nankin "capitale su sud" demeure le symbole face à Pékin – Bei-jing = capitale du nord, avait été elle-même fondée par les races conquérantes, mongoles, mandchoues, et tibétaines.

https://www.insolent.fr/2020/05/leurope-doit-soutenir-taiwan.html

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