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USA : le faux antiracisme contre la paix civile

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Dans une Amérique en feu après la mort de George Floyd, les regards sont braqués sur Donald Trump pourtant, la guerre de tous contre tous puise ses racines à gauche.

Ils s'appelaient Patrick Underwood et David Dorn. L'un était policier fédéral, et l'autre flic à la retraite. Le premier a été tué par les émeutiers à Oakland (Californie); le second à St. Louis (Missouri), en tentant d'arrêter un pillage. Tous deux étaient afro-américains. Mais pour ces deux Noirs morts par balles, pas de manifestation ni de genou à terre. Abattus par les émeutiers qui saccagent l'Amérique de fond en comble, ces deux hommes n'ont pas retenu l'attention des vedettes de cinéma ni des grandes entreprises. « Les vies noires comptent » : hélas, cela ne semble pas être le cas de toutes.

Huit minutes et quarante-six secondes, c'est la durée de la terrible agonie de George Floyd. Interpellé à Minneapolis, il est mort d'étouffement, le 25 mai 2020, sous le genou de Derek Chauvin, le policier qui l'interpellait. Ces images éprouvantes d'un policier blanc maintenant à terre un homme noir ont ramené l'Amérique à de vieux démons. D'émotion en manifestations, la rue américaine a connu de longues nuits de pillage, de vandalisme, de violence gratuite et, il faut le dire, de guerre civile. Des commerces ont été anéantis dans tout le pays, des policiers et citoyens attaqués. La colère a dévasté la cinquième avenue de New York et soufflé jusqu'à la Maison Blanche. « L’église des présidents », à Washington, a été attaquée. Le mémorial Lincoln a été vandalisé et, à Boston, le monument en l'honneur du 54e régiment du Massachusetts a été tagué. Triste ironie : c'était un régiment afro-américain de la guerre de sécession. Vandalisé. Courte culture des Antifas.

Derek Chauvin a été présenté devant la justice le 8 juin. Nous saurons si les motivations de son acte cruel étaient racistes ou non. En attendant, a resurgi le slogan « Black lives matter » (BLM), né en 2013. Qui, du reste, en contesterait la lettre ? « Les vies noires comptent », cela semble évident, puisque toutes les vies comptent et que les crimes racistes sont une abomination. Mais plus qu'un mouvement antiviolences, BLM se veut intersectionnel, défendant la « justice sociale » et les « droits des minorités », notamment LGBT. L'une des initiatrices du mouvement, Alicia Garzia, est par ailleurs militante queer. Il s'agit d'abord d'une entreprise idéologique.

Idéologie et privilège blanc

Depuis trente ans, l'Amérique est le laboratoire des théories de la gauche post-moderne. La gauche identitaire, écrit Mark Lilla, professeur à l'Université de Columbia (NY) et auteur de L’Amérique en miettes (2018). Lilla fustige « l'hystérie morale » s'emparant du pays dès que le débat aborde la race ou le genre. Il s'agit, selon lui, du « sport national ». Aux racines de l'hystérie, il y a une histoire indéniable, un passé encombrant : l'esclavage, péché originel de l'Amérique; la ségrégation et les lois Jim Crow; la longue marche pour les droits civiques. Même si aucun Américain blanc ne possède plus d'esclaves, et qu'aucun de ses compatriotes noirs n'a soulevé de ballots de coton, la mémoire de la ségrégation n'est pas si lointaine. Cela dit, les chiffres sont formels : la police a abattu plus de Blancs non armés que de Noirs (9 contre 19) en 2019. Et depuis des années, des Américains de couleur ont pu se hisser au sommet de la nation avant le président Obama, il y eut, par exemple, les célèbres secrétaires d’État Colin Powell et Condoleeza Rice. Aujourd'hui, le juge le plus respecté - et le plus conservateur - de la Cour suprême est un Afro-américain, Clarence Thomas. Que du racisme existe dans la société américaine, comme partout ailleurs, sans doute; mais l’État ne promeut aucunement la « suprématie blanche ».

L’Amérique est en miettes car la gauche a préféré le discours hystérique à l'évidence historique. L oppression raciale est devenue son leitmotiv. Les idéologues « woke » (« éveillés ») ont théorisé les concepts de racisme systémique et de privilège blanc. Les institutions américaines perpétueraient un racisme latent et omniprésent, empêchant systématiquement les personnes de couleur de s'épanouir. La faute aux Blancs, héritiers de l'esclavage et détenteurs de multiples privilèges (éducation, accès au logement ou à l'emploi). La conscience des Américains d'origine européenne devrait donc être grevée d'une culpabilité ontologique, originelle et permanente, pour laquelle il leur faudrait s'excuser à chaque instant. Et ce, même s'ils ne sont pas racistes consciemment. La théorie, forgée en 1989 par Peggy Mclntosh, s'est muée en croyance. Des campus universitaires progressistes, elle s'est diffusée aux quatre coins du pays, parrainée par les grandes entreprises. Le véritable antiracisme devrait rechigner à enfermer les citoyens dans des cases raciales, mais ces marxistes du XXIe siècle substituent la lutte des races à celle des classes. Paradoxalement, les mêmes qui prétendent pouvoir « choisir leur genre » procèdent ici à une essentialisation de la « race », comme si l'intégralité du vécu ou des potentialités de l'être humain était avant tout déterminée par la pigmentation de son épiderme. Aujourd'hui, de riches Américaines paient très cher pour assister à des dîners au cours desquels des activistes leur font la liste de leurs privilèges raciaux.

La tendance prêterait à sourire si elle demeurait marginale, confinée à des groupuscules. Les manifestations suivant la terrible mort de Floyd furent pourtant l'occasion d'étranges rituels. On a vu des groupes de Blancs à genoux, récitant un acte de contrition devant des Afro-américains. On a vu des activistes, se revendiquant de BLM, demander à une femme de s'agenouiller en pleine rue pour demander pardon parce qu elle était blanche. Pis, une mère de famille a publié sur les réseaux une photo de sa fille tenant un écriteau frappé des inscriptions « PRIVILEGED » et « Black lives matter ». Résumons : des foules agressives, une idéologie pénétrant les consciences les plus jeunes, des citoyens à genou. L’éditorialiste conservateur Rod Dreher s'appuyant sur la lecture d'Hannah Arendt, y voit « la route vers un totalitarisme mou ». Les théories les plus folles se sont transformées en haine réelle et en violences sans nom. Résultat, il ne faut pas parler de « pillages », car ce vocabulaire serait raciste... Pendant ce temps, Uber eats propose à ses clients de sélectionner des restaurants appartenant à des Noirs. Dreher a raison, l'Amérique entière est devenue un campus universitaire.

Vers la Maison blanche

Selon Tucker Carlson (Fox News) ces concepts sont utilisés par « des politiciens sans scrupules qui ont compris que la haine raciale était leur chemin vers le pouvoir même si cela détruit le pays ». Depuis 40 ans, les Démocrates tiennent le vote noir pour acquis. Ainsi, au mois de mai, Joe Biden affirmait que, si vous hésitez entre Trump et lui, « vous n'êtes pas noir ». Une jeune conservatrice afro-américaine, Candace Owens, entend libérer sa communauté de cette tutelle démocrate, et appelle au « Blexit » (Black exit). Mais, contaminés par les théories du « white privilège » et acteurs de leur diffusion, les Démocrates comptent bien tirer parti de la crise actuelle pour gagner la présidentielle de novembre. Le responsable des misères des Noirs et du racisme ? Trump, bien sûr. Qu'importe que le chômage des Afro-Américains ait drastiquement baissé sous son mandat (6,7 % de chômage), ou que les sondages montrent une nette baisse des préjugés anti-noirs depuis 2016. Le responsable de la mort de Floyd ? Encore Trump ! Pourtant, dans ce pays fédéral, il n'a aucune prise directe sur la police de Minneapolis, laquelle est dirigée par un officier... noir, sous l'autorité d'un maire de gauche, dans un État démocrate. On peut d'autant moins blâmer le président pour l'acte abject de Chauvin, que ce dernier était en place depuis près de 20 ans. En dépit de 18 plaintes contre le policier le procureur du comté n'avait jamais engagé de poursuites. Cet ancien procureur, c'est Amy Klobuchar, aujourd'hui sénatrice démocrate et possible vice-présidente de Joe Biden. La gauche a beau accuser Trump en tous points, elle porte une grande responsabilité idéologique et politique dans les émeutes. Pat Buchanan, ancien conseiller de Reagan, y voit « l'échec du progressisme », et l'ancien maire de New York, Rudy Giuliani, avertit : « Voici l'avenir si vous élisez les Démocrates ».

Mais cet avenir est déjà en cours, et c'est la question du maintien de l'ordre qui s'est immédiatement posée fin mai. Après quelques tergiversations, le président a demandé aux gouverneurs des États de mobiliser la National Guard (réserve opérationnelle) et menacé d'appeler l'armée d'active. Les Démocrates l'ont aussitôt accusé de combattre son propre peuple. Pourtant, sous Obama, de terribles émeutes raciales (Ferguson, Missouri, en 2014 et 2015 ont obligé le gouverneur démocrate à décréter l'état d'urgence et appeler la Garde nationale. Mais lorsque Trump l'ordonne, la gauche s'époumone. Brian Fallon, attaché de presse d'Hillary Clinton en 2016, demande la fin du financement de la police. En d'autres termes, son abolition. Visiblement inspiré par l'extrême gauche antifa, le conseil municipal de Minneapolis veut désormais démanteler ses propres forces de l'ordre.

Éprouvée par le Coronavirus, l'Amérique se réveille en cendres. La gestion de la crise par Trump est controversée jusque dans les rangs républicains. La gauche l'accuse de diviser le pays, et Biden se pose opportunément en « guérisseur » de la nation. L'affaire Floyd enterre-t-elle Trump, ou le renforce-t-elle autour d'une rhétorique d'ordre public (law andorder) ? Cela avait réussi à Nixon en 1968. Toutefois, la route la plus ardue ne sera pas celle menant à la Maison blanche, mais vers la paix civile et le retour au vieil idéal américain « One nation under God ».

photo : La statue de Christophe Colomb a été décapitée à Boston...

François La Choue Monde&Vie N° 987 20 juin 2020

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