Depuis qu’il a été utilisé par Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, « l’ensauvagement » est devenu le nouveau concept au cœur du débat sur l’insécurité. L’expression, utilisée depuis plusieurs années par l’extrême droite, a été théorisée en 2005 puis en 2013.
Depuis 2013 et son utilisation par Marine Le Pen, le mot « ensauvagement » a infusé dans le débat politique consacré à l’insécurité. […] Quand Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur de 1997 à 2000, utilise le mot « sauvageons » pour décrire les mineurs délinquants dans les quartiers sensibles de banlieues, c’est tout un nouveau vocable qui s’invite en politique. Ceux qui enfreignent la loi sont comparés à des animaux vivant en liberté dans la nature, voire, au sens péjoratif du terme, à des êtres primitifs, non-civilisés.
Il faut toutefois attendre 2005 et un essai de Thérèse Delpech pour voir apparaître l’expression « ensauvagement ». Cette intellectuelle, morte brutalement en 2012, travaillait au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et a longtemps produit des notes pour l’exécutif. […] Thérèse Delpech dépasse l’exemple irakien pour théoriser un « ensauvagement plus global. Selon elle, les conflits sont de plus en plus violents et marquent « une sauvage indifférence aux êtres humains« . Elle pose l’idée que les esprits et les gouvernements sont, à l’inverse, de plus en plus inactifs, apathiques face à cette violence. « La passivité qui accompagne la montée de la violence est plus inquiétante encore que la violence montante, écrit-elle. Car elle rend sa victoire possible. Celle-ci bénéficie de l’inaction. » […]