Vous croyez que le quinquennat de Hollande avait battu tous les records en matière d’affairisme ? C'était compter sans le « nouveau monde » et la « République exemplaire Macron ». Litanie des affaires !
La macronie remercie Alexandre Benalla ! Les frasques du collaborateur d'Emmanuel Macron auront, eu le mérite de faire oublier aux Français l'incroyable chapelet d'affaires qui touche le Président, son gouvernement et sa majorité. Impossible de les citer tous, un florilège thématique fera l'affaire.
Quatre (ex-) ministres ont fait l’objet de soupçons de conflits d'intérêts : Agnès Buzyn, à la Santé, dont le mari est PDG de l'INSERM, qui dépend de son ministère, Nicolas Hulot, feu ministre de l'Écologie, était mal à l’aise entre les donateurs de sa fondation (Areva, EDF…) et ses fonctions... Mais rien à voir avec sa démission. Françoise Nyssen, à la Culture, qui chapeaute le Centre national du livre, verra celui-ci octroyer 100 000 € à Actes Sud, sa maison d'édition. La même a d'ailleurs réalisé des travaux sans permis de construire à Arles et à Paris, pour la même boutique. Citons enfin Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture, qui aurait fait fuiter un amendement sur l'interdiction du glyphosate au lobby de l'agrochimie.
Une affaire chasse l'autre
Aucune suite n'a été donnée à ces affaires, pas plus qu'à celle qui embarrasse le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler. L'ancien directeur financier de MSC, qui a dissimulé ses liens familiaux avec la cofondatrice de ce n°2 mondial du fret maritime,, aurait défendu la position de MSC dans le rachat de STX France, les chantiers navals de Saint-Nazaire. Richard Ferrand, secrétaire général d'En marche, a vu, lui, l'affaire des Mutuelles de Bretagne classée sans suite.
Autre spécialité de la macronie, le détournement de biens. Là aussi, l'exemple vient d'en haut, puisque le candidat Macron, entre les frais de bouche de son ministère engloutis à son profit et des déplacements organisés par l’État, a pu être soupçonné de telles pratiques, sans émouvoir la justice. Gérard Collomb, quant à lui est suspecté d’avoir organisé un meeting électoral avec les moyens de la municipalité. À côté de cela, la promotion du dernier livre de Marlène Schiappa par son ministère affaire classée sans suite, paraît bénigne.
Parmi les déplacements du ministre-presque-candidat déjà évoqués, figure celui au salon CES de Las Vegas. Problème, cette sortie a été organisée par Business France sans appel d'offres. La ministre du Travail à l'époque DG de l'agence publique, a été entendue à ce sujet. Muriel Pénicaud affirme n'avoir été au courant de rien, ce que contredisent certains de ses collaborateurs, qui n'auront pas convaincu les juges de l'inculper pour favoritisme. Elle n'a d'ailleurs pas plus été inquiétée pour les 13 million de plus-values sur ses stock-options, réalisées après-annonce du plan social qu'elle avait monté en 2013, alors qu'elle était DRH de Danone. Personne n'y à vu de délit d'initié.
La campagne de Macron est d'ailleurs une mine d'affaires en puissance. En juin, on apprenait que le candidat avait bénéficié de ristournes importantes de la part de prestataires location de salle, conseil… Au point de susciter une enquête pour favoritisme ? Personne n'est allé jusque-là. Pas plus d'ailleurs que pour les « 87 6oo € de dons jugés non conformes » par la Commission des comptes de campagne. Il faudrait être mauvaise langue pour voir un lien entre cette clémence et l'augmentation de salaire du président de la CNCCFP de 57% en mai dernier.
Un catalogue complet de turpitudes
Mais les affaires, ce n’est pas que pendant la campagne : en témoignent les soupçons d’emploi fictifs qui pèsent sur les Marcheurs et leurs alliés. Ce fut au début du quinquennat l’hécatombe Modem : François Bayrou, Marielle de Sarnez et Sylvie Goulard, respectivement ministres de la Justice, des Affaires européennes de la Défense. Cette dernière, qui avait démissionné avant toute inculpation, sera récompensée en janvier 2018 par un poste de sous-gouverneur de la Banque de France. Bruno Lemaire traîne aussi une casserole en la matière, mais reste ministre de l’Économie. Des interrogations planent même autour du Premier ministre, Édouard Philippe. Directeur des affaires publiques chez Areva entre 2007 et 2010, sa présence a été tellement discrète que personne ne se souvient de l’avoir croisé.
Et puis nous avons les députés violents, Leatitia Avia, qui avait mordu un chauffeur de taxi ou M. Jid El Guerrab, qui avait tabassé un confrère à coups de casque. Ces deux-là sont toujours à leur place. Christophe Prend, accusé d’agression sexuelle ou Gérard Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, accusé de viol, ont vu leurs enquêtes classées sans suite.
Mention spéciale au transfuge LR Thierry Solère, qui cumule conflit d’intérêts, fraude fiscale, trafic d’influence, corruption, abus de bien social… un modèle pour ses confrères LREM ! Ils font pourtant ce qu’ils peuvent : travail dissimulé, élections frauduleuses, prise illégale d’intérêt, fautes de gestion, harcèlement moral, escroquerie…
Alors, oui, vraiment, les Marcheurs peuvent dire merci à Benalla, l’arbre qui cache la forêt.
Richard Dalleau monde&vie N°959 6 septembre 2018