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Violences gratuites, l'effrayant diagnostic

Cet été, l’ensauvagement a été dans toutes les bouches, pour le dénoncer ou dénoncer le terme. L’actualité estivale méritait une mise en regard avec l’ouvrage du dr Maurice Berger : la sauvagerie est réelle, ses causes profondes.

Dans la nuit du 29 au 30 août, deux agressions au couteau à Toulouse. Le 26, c'est au Havre qu'un serveur est blessé à l'arme blanche pour avoir demandé à un client de porter son masque. Le 22, à Pont-de-Roide, dans le Doubs, un père de famille se fait fracasser le crâne à coups de marteau par des « jeunes » (dans la Novlange médiatique, « un jeune » désigne une appellation d'origine plus qu'une tranche d'âge) pour leur avoir demandé d'attendre leur tour à un plongeoir.

Le point commun de ces agressions, dont le contexte est très différent ? Il s'agit de violences gratuites, sans motif crapuleux. Loin des débats sémantiques qui ont brièvement agité la classe politique en août sur l'emploi du terme « ensauvagement », le docteur Maurice Berger dresse un constat clinique du phénomène dans son dernier livre intitulé : Sur la violence gratuite en France *

Pédopsychiatre, le Dr Berger est spécialiste des soins aux enfants et ados hyper-violents, qu'il tente de sortir de leur spirale infernale dans un centre éducatif renforcé (CER). Mais il travaille aussi dans un centre de réadaptation fonctionnelle, dans lequel il soigne des victimes. Il explique, mais ne pardonne pas, le tout avec une lucidité qui n'empêche pas les surprises, comme quand il apprend de Farouk, 17 ans, le sens du verbe « ramollir » : frapper à la tête jusqu'à plonger la victime dans le coma.

Violences : ni remords ni culpabilité

Ce fut ce qui a failli arriver à cette infirmière qui a demandé à deux individus de mettre leur masque dans un bus Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis), le 14 août.

« J'aurais pu mourir parce qu 'ils sautaient à pieds joints sur ma cage thoracique et mon visage », témoigne-t-elle.

Les causes d'une telle violence ne sont pas à chercher dans « l'exclusion », le « racisme ». La maltraitance durant la petite enfance (0 à 2 ans), les violences conjugales, le manque de soins, d'amour et d'éducation (les enfants sont livrés à eux-mêmes, un schéma classique dans les pays africains dans lesquels c'est la collectivité qui éduque l'enfant) déstructurent ces jeunes au point que certains sont incapables de mesurer la conséquence de leurs actes. Farouk, le patient du Dr Berger explique que seul le fait qu'un copain l'a retenu l'a empêché de tuer sa victime : toute forme de culpabilité ou de remords leur est étrangère.

Autre facteur de cette violence endémique, le fonctionnement clanique incapables de pensée autonome, la famille au sens large, le gang, représentent le seul univers de ces jeunes. La « ghettoïsation » si souvent dénoncée est en fait le plus souvent volontaire, explique le Dr Berger qui voit couramment ados et adultes refuser des stages ou des postes qui les éloigneraient de leur clan.

Conséquence : : les agressions sont le plus souvent le fait de bandes, comme à Marseille, le 18 août Ange se fait poignarder 17 fois par un groupe qui attaquait ses amis. Il a frôlé la mort.

La Justice pousse-au-crime

Le 29 juillet, deux Toulousains s'indignent que deux racailles fument dans leur train. Ceux-ci préviennent leurs comparses et quand le train entre en gare de Carcassonne, une bande monte dans le train pour tabasser les Toulousains.

À ce titre, le Dr Berger souligne que la police n'est perçue que comme une bande rivale, jamais une autorité supérieure. Parlant d'autorité, le médecin fustige l'absence de réponse pénale, ces ados ne comprenant éventuellement la gravité de leur acte que par la sanction. Seules 158 personnes ont été interpellées à la suite des émeutes urbaines qui ont suivi la défaite du PSG en finale de Ligue des champions, la plus lourde peine prononcée s'élevant à 10 mois de prison ferme : un blanc-seing pour tous les autres, qui, loin de toute interprétation sociologique ou politique, considèrent que casser est un jeu.

C'est encore plus grave dans le cas des deux ados qui ont frappé un père de famille à coups de marteau, libérés après une nuit de garde à vue. Un tel comportement de la justice garantit la récidive, explique le Dr Berger Seuls 18,5 % des délits donnent lieu à de la prison ferme en 2019, des chiffres encore plus affolants si l'on considère les mineurs : 139 000 jeunes délinquants ont été reçus en audience en 2017, 783 ont été condamnés à de la prison, dénonce le pédopsychiatre.

Pire, pratiquement aucune sanction n'étant prononcée à la première infraction, les « jeunes » estiment avoir un « droit de premier tabassage », ajoute-t-il, estimant que parfois, 15 jours de prison à la première incartade pourraient suffire à brider ce sentiment d'impunité. Autant dire, avec nos ministres de la Justice successifs, que le peu politiquement correct médecin prêche dans le désert.

Docteur Maurice Berger Sur la violence gratuite en France, Éd. l'Artilleur 2019.15 €.

Richard Dalleau Monde&Vie 11 septembre 2020 n°990

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