« Il conviendra de refouler impitoyablement tout étranger qui cherchera à s'introduire sans passeport ou titre de transport valable » Dérapage de Jean-Marie Le Pen ? Non, il s'agit d'une consigne donnée en 1937 par Marx Dormoy, ministre de l'Intérieur du Front populaire.
« Il faut limiter, sur le plan ethnique, l'afflux des Méditerranéens et des orientaux », « priorité aux naturalisations nordiques », puis aussi « C'est très bien qu'il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns […], mais à condition qu'ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. » Confidence imprudente de Philippe de Villiers ? Vous n'y êtes pas : ces propos ont été tenus par Charles De Gaulle, en 1945 et 1959.
Et encore : « L'avortement est un échec, un traumatisme, un mal et chacun souhaite en voir diminuer le plus possible le nombre. ». Envolée lyrique de Christine Boutin ? Encore raté c'est une déclaration d'Hélène Missoffe, député UDR et mère de Françoise de Panafieu, en 1974. Une dernière, proférée à rencontre d'un groupe d'homosexuels : « Allez vous faire soigner, bandes de pédérastes ! ». Coup de sang de Christian Vanneste après un dîner arrosé ? Point du tout, l'auteur en est, en 1971, Jacques Duclos, dirigeant du Parti communiste. La liste de ces improbables "perles" est longue. Dans son dernier livre La République amnésique, le jeune avocat Thierry Bouclier, avec l'érudition méticuleuse qu'on lui connaît (il est aussi l'auteur de biographies de Tixier-Vignancourt et de Poujade), se charge avec humour et finesse de les traquer, tapant ainsi gentiment sur l'épaule de nos censeurs, qui feignent d'ignorer que les idées et propos de leurs héros et maîtres à penser, propulsés par l'hagiographie officielle au rang de saints laïcs, tranchent quelque peu avec l'actuel "politiquement correct".
Patrie, colonisation, peine de mort, sécurité, préférence nationale. Ces vilains gros mots, bannis dès l'école maternelle du vocabulaire pudibond des gens comme il faut, sont autant de thèmes explorés méthodiquement par Thierry Bouclier. Et le résultat est fascinant, c'est, pêle-mêle, Jean Moulin, Jules Ferry, Jean Jaurès, et plus près de nous Georges Marchais, François Mitterrand, le Chirac des années 80 et bien d'autres encore qu'il faudrait traîner devant la justice. Et Thierry Bouclier de poser cette question réjouissante pourquoi l'Eglise catholique serait-elle la seule à faire repentance, à battre sa coulpe sur la poitrine de ses pères, la seule à faire pénitence de ses péchés mortels, sans espoir de miséricorde, devant le tribunal de la grande inquisition médiatique ? Débaptisons les rues, les écoles, les aéroports, sortons les cendres du Panthéon ! Un ouvrage amusant, étayé, didactique aussi comme peut l'être l’Historiquement correct de Jean Sévilla pour prendre mesure de la folle dérive des idées depuis quarante ans, pour mettre les pendules à l'heure, l'Histoire à l'endroit, et le nez de nos Torquemadas à Rollex dans leur insondable tartufferie.
La République amnésique, Thierry Bouclier, éditions Rémi Perrin, 192 pages, I6 €
G.C. monde&vie n°801 11 octobre 2008