Prestigieux, le TGV a pourtant laissé sur le quai de la gare les centaines de milliers de voyageurs qui empruntent quotidiennement les trains de banlieue pour se rendre à leur travail… s'ils ont de la chance.
Alors que l’avion, notamment par la politique de prix des compagnies à bas coût, connaît une nouvelle faveur du public, le train, dont les tarifs augmentent trop vite au gré des passagers, et dont les retards sont en passe, chez eux, de devenir proverbiaux, est de plus en plus mal considéré sur les quais par des utilisateurs souvent exaspérés. La récente modification des grilles horaires en a été une illustration visible.
Selon un ouvrage publié en 2004, SNCF La machine infernale, cette situation serait le résultat d'une politique du « tout TGV », pourtant pas exempt, lui non plus, de reproches.
« Autant une transformation marketing s'est produite dans le sillage des TGV, notaient alors ses auteurs, autant la banlieue reste à des années-lumière d'une approche commerciale de la clientèle. Cette SNCF à deux vitesses est un authentique scandale. En Ile-de-France notamment, la situation est particulièrement peu glorieuse des équipements vieillis, des pannes à répétition, des systèmes d'alarme inadaptés, des attentes insupportables. »
La régularité, revendication majeure des voyageurs
Avec d'ailleurs, à la clef, un déséquilibre aussi parmi les cheminots. Ce sont souvent « les cheminots les plus jeunes, les plus inexpérimentés et les plus mal payés qui doivent affronter la clientèle la plus dure », observent-ils encore. Pourtant, sur le 1,1 milliard de passagers par an désormais revendiqués par la SNCF, plus de deux millions empruntent chaque jour le trafic francilien.
Patron de l'Ile-de-France jusqu'en 1998, Jean Boutanquoi observe que, « avant de faire de la communication en rebaptisant les trains de banlieues Transilien, il fallait tenter une restructuration stratégique et améliorer la régularité des trains qui demeure la revendication majeure des voyageurs. »
Et il est vrai que ledit réseau francilien est souvent dans un état pitoyable, vétusté, pour ne pas dire lépreux, notamment en ce qui concerne les installations des RER.
Il semble pourtant que cette SNCF de deuxième catégorie soit considérée avec indifférence par les responsables de la société nationale. « Le 20 septembre 2003, notent encore les auteurs de ce brûlot, Louis Gallois [alors PDG de la SNCF, N.D.L.R.] répondait aux questions de Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1 et vantait une fois de plus les mérites du TGV.
« Mais il y a aussi tous ces retards en banlieue, une grogne grandissante des voyageurs, tente Elkabbach. - N'en jetez plus, lui répond Gallois, il ne faut rien exagérer et laissez-moi revenir au TGV. »
Nicolas Beau, Laurence Dequay, Marc Fressoz, SNCF, la machine infernale, éd. Le Cherche midi, février 2004,18 €.
Olivier Figueras monde&vie 11 février 2012 n°855